mardi 30 août 2022

"Lumière d'été, puis vient la nuit', Jon Kalman Stefansson

 En tant que lectrice passionnée, j'aime énormément découvrir des "planètes littéraires", mon cosmos préféré. En 2022, j'ai ainsi fait la connaissance de la formidable Ludmilla Oulitskaïa et je vais poursuivre l'exploration de sa planète si particulière. Un deuxième écrivain, Jon Kalman Stefansson m'a éblouie avec son dernier roman, "Ton absence n'est que ténèbres". Cet été, j'ai lu "Lumière d'été, puis vient la nuit", publié en 2020 chez Grasset. Cette chronique d'un village islandais, découpée en huit histoires, est contée par un narrateur extérieur qui commente en même temps les comportements de ses personnages. Comme le titre l'indique, la lumière représente la vie, l'amour, et la nuit symbolise la finitude, la mort, le néant. La magie de l'écriture sert le roman et le transforme en conte philosophique. Ces hommes et ces femmes modestes habitent sur une île lointaine, perdue dans un coin isolé du monde. Car les habitants se sont enracinés sur un volcan qui, certainement, leur insuffle une vitalité exceptionnelle. Ce village sans cimetière, ni église regroupe une centaine d'âmes simples : éleveurs de moutons, pêcheurs, artisans, employés d'une coopérative, ouvriers et enseignants. Certains villageois, une minorité, sont revenus de la capitale après des études supérieures. L'un d'entre eux se découvre un don pour le latin, rompt avec son travail et devient l'Astronome. Il se ruine en achats de livres en latin et propose des conférences sur l'astronomie. Ce personnage est le premier de cette galerie pittoresque que l'écrivain sort de son chapeau magique. Il raconte plusieurs vies : un menuisier-policier, amateur de poésie, une postière indiscrète qui ouvre le courrier et informe le village sans aucune sanction. Deux employés d'une coopérative croient aux fantômes après une panne électrique. D'autres villageois, hauts en couleurs, se débattent avec leur destin et forment une comédie humaine universelle. Empêtrés dans leurs appétits vitaux et leurs capacités autodestructrices, les hommes et les femmes d'Islande tentent de vivre leurs passions licites ou illicites. L'écrivain islandais parle de l'amour, du désespoir, du suicide, de la fidélité, de la trahison, des croyances, et en résumé, de la condition humaine. Pour goûter la prose poétique de Jon Kalman Stefansson, je citerai ce passage : "C'est dans le silence que se conserve l'or ; celui qui se tait, plongé dans une parfaite solitude, découvre tant de choses, le silence s'infiltre dans les chairs, apaise le cœur, calme l'angoisse et emplit la pièce où vous êtes". Un roman magnifique qui donne envie de lire toute l'œuvre de cet écrivain poétiquement volcanique.