jeudi 3 août 2017

Eloge de la marche, 3

Antoine de Baecque, Historien et critique, se penche, dans le quatrième article, sur l'effet de la marche chez les écrivains. Il évoque le marcheur Victor Hugo qui écrit "A pied. On s'appartient, on est libre, on est joyeux". Thoreau, le philosophe américain, consacrait quatre heures par jour à la marche, sinon, "il se rouillait dans sa chambre". Quand il se retrouvait dans la nature, il se donnait des "infusions de sauvagerie"... Jean-Jacques Rousseau a composé ses textes en marchant. "Ses rêveries du promeneur solitaire" témoignent de sa démarche de grand, très grand randonneur qui devient même une "manie pédestre". La nature nourrit son imagination et fixe sa pensée. Dans ses "Confessions", il écrit : "Il faut que mon corps soit en branle pour y mettre ma pensée. Tout cela dégage mon âme, me donne une plus grande audace de penser, me jette en quelque sorte dans l'immensité des êtres (...)". Un philosophe emblématique et fascinant représente la marche pensante : Frédéric Nietzsche... Il arpentait toute la journée les pentes de l'Engadine en Suisse, les villes de Turin et de Nice prenant des notes dans son carnet qu'il recopiait le soir : "Il porte cette espèce du libre-penseur-marcheur à son point d'aboutissement, car pour lui, la marche est survie, survie de son corps, perclus de terribles souffrances, survie de la pensée, irriguée par l'énergie de la promenade". Antoine de Baecque cite lui aussi Jacques Lacarrière, trop oublié aujourd'hui. Dans son "Chemin faisant", paru en 1974, il écrit : "Le but de cette longue marche (des Vosges aux Corbières) fut avant tout le désir de me muer en véritable errant, afin de retrouver mon corps, de renaître à la nature, aux herbes et aux paysages et par là, pouvoir penser et écrire". L'historien évoque Julien Gracq et ses "Carnets du grand chemin", le poète suisse, Pierre-Laurent Ellenberger et le grand Nicolas Bouvier. L'écriture devient pour ces écrivains le prolongement de la marche : "Ce mouvement est celui des pas et celui de la plume, mêlés. L'écriture est la mémoire du chemin". La littérature et la marche ont donc un destin commun : nous entraîner sur les chemins de la création et de la connaissance...