vendredi 3 avril 2020

"Tracts"

Le site de Gallimard propose depuis quelques jours des textes d'écrivains et d'intellectuels intitulés "Tracts de crise". Ces inédits peuvent être téléchargés gratuitement en s'inscrivant sur le site. On choisit les titres et le panier une fois constitué, on les reçoit sur sa messagerie. Cette nouvelle collection éphémère s'est réinventée durant ce temps de confinement contre la pandémie. Ce geste de solidarité rompt un certain silence, celui des intellectuels qui ne passent pas dans les médias télévisuels. J'apprécie beaucoup cette initiative et tous les jours, je guette les nouveaux opus qui sortent. Au total, trente textes sont disponibles en format pdf que l'on peut conserver sur son ordinateur comme un témoignage précieux des moments que nous vivons tous, confinés chez nous. Rester chez soi n'empêche pas le cerveau de travailler et de réfléchir. Bien au contraire. Le premier tract de crise est sortie le 18 mars et porte le titre de "Quitte ou double" de Régis Debray. Des écrivains et non des moindres ont répondu à l'appel : Erri de Luca, Danièle Sallenave, Annie Ernaux, Pierre Bergougnoux, Eric Orsenna. Des Intellectuels aussi partagent leurs opinions : Pascal Ory, Michel Crépu, Adèle Van Reeth, Cynthia Fleury et bien d'autres. J'ai aussi rencontré Sylvain Tesson, Etienne Klein, Anne Sinclair, etc. Ces textes courts et denses posent toutes les questions que l'on se pose, abordent l'épidémie sur les plans historique, sociétal, individuel, philosophique, littéraire. Je citerai Cynthia Fleury : "Mais globalement, ces premiers jours de confinement ne dessinent pas la victoire de l'immaturité, mais plutôt l'envie d'être résilients, d'apprendre, d'innover, de profiter de cette chance pour respecter autrui et les valeurs de responsabilité commune. Toute la question, maintenant, est celle de la durabilité de la prise de conscience et de la volonté de faire autrement". Les sujets traités abordent tous les aspects de la crise : la globalisation, l'économie mondiale, les pathologies sociales, l'Italie, l'Inde, le deuil des familles et le non-accompagnement des morts, le quotidien, le capitalisme, etc. J'ai lu avec plaisir le texte atypique d'Adèle Van Reeth, la philosophe de France Culture qui s'interroge sur le quotidien entre quatre murs et sa banalité : "Ironie suprême : il aura fallu un événement extraordinaire (une pandémie planétaire) pour être mis face au problème de la vie ordinaire, qui, aujourd'hui, nous saute au visage. L'heure est à la survie. Rien de mieux à dire". Le titre de son tract se nomme "l'intranquillité". Voilà le ton général de la collection, une collection à découvrir d'urgence pour comprendre cette crise sanitaire sans précédent qui nous laisse tous dans un sentiment d'intranquillité permanente. La lecture, seule, peut offrir pendant quelques heures dans la journée, un retour à la raison, à la réflexion, à la compréhension d'un phénomène exceptionnel, cette épidémie moyenâgeuse dans un siècle ultra-connecté.