vendredi 11 octobre 2013

"Les poissons ne ferment pas les yeux"

Erri de Luca est un des écrivains italiens les plus lus dans le monde. Il est né à Naples en 1950 et vit à la campagne près de Rome. Je viens de terminer son dernier livre avec ce drôle de titre, "Les poissons ne ferment pas les yeux", paru chez Gallimard. D'emblée, l'écriture d'Erri de Luca vous saisit par sa simplicité, son économie, son évidence. Le narrateur du récit semble bien correspondre à l'écrivain lui-même à l'âge de dix ans. Je le cite : "À travers l’écriture, je m’approche du moi-même d’il y a cinquante ans, pour un jubilé personnel. L’âge de dix ans ne m’a pas porté à écrire, jusqu’à aujourd‘hui. Il n’a pas la foule intérieure de l’enfance ni la découverte physique du corps adolescent. À dix ans, on est dans une enveloppe contenant toutes les formes futures. On regarde à l’extérieur en adultes présumés, mais à l’étroit dans une taille de souliers plus petite.»  L’enfant de la ville passe les vacances estivales sur une île, proche de Naples. Il aime profondément le monde de la mer, la pêche, les baignades. Il vit avec une mère courage, restée seule après le départ de son mari en Amérique. Sur la plage, il rencontre une fillette qui le fascine et elle le choisit comme compagnon. Il ne comprend pas trop ce qui le pousse vers elle. Mais, il découvre aussi la bêtise cruelle et la violence gratuite de trois garçons de son âge qui convoitaient l'adolescente. Leur jalousie éclate et ils se jettent sur le jeune garçon et l’expédient à l’infirmerie le visage en sang. Le narrateur ne se défend pas, oppose aux assaillants une non-violence consentie. Ce passage douloureux entre l'enfance et l'âge adulte relève d'une initiation, d'une naissance au monde et à l'amour. Ce récit d'enfance est un conte moral et philosophique à interpréter de mille façons. A lire, absolument...