mardi 3 septembre 2019

"Plus haut que la mer"

Francesca Mélandri, scénariste pour la télévision et le cinéma, avait été remarquée avec son premier roman, "Eva dort", publié en 2012, chez Gallimard dans l'excellente collection "Du monde entier". Dans son deuxième roman, "Plus haut que la mer", un homme et une femme se croisent dans un bateau pour rejoindre une Ile-prison de haute sécurité. Ce lieu sauvage, entouré par la mer, ressemble plus à un petit paradis qu'à un enfer. Les détenus sont confinés dans cet espace avec des règles rigides et ancestrales. Paolo vient rendre visite à son fils, Luisa à son mari. Ils sont tous les deux meurtris par la vie et se retrouvent dans une solitude douloureuse. Le mari de Luisa est devenu violent au fil des années. Emprisonné, il a tué un gardien de prison. Luisa élève ses cinq enfants dans un village de montagne et cette visite lui demande beaucoup d'énergie. Elle, femme battue, éprouve "un indicible et obscur soulagement" de voir son "homme" soit incarcéré. Paolo, ancien professeur d'histoire et de philosophie, se sent coupable car il a éduqué son fils "à ne pas se contenter du monde tel qu'il était, à le vouloir plus juste". Son fils a basculé dans le terrorisme d'extrême gauche. Il a tout sacrifié à sa cause en participant à trois assassinats. Il ne comprend pas ce fils violent et radicalisé. Pourtant, son fils était un petit garçon adorable : "C'était un enfant d'une réelle beauté et en y repensant, Paolo éprouvait une douleur diffuse".  Paolo, pour s'infliger une peine supplémentaire, garde une photo d'une petite fille qui a perdu son père dans un attentat, provoqué par son fils. Il cherche néanmoins à renouer un lien avec ce fils si étrangement étranger. Les deux visiteurs vont se découvrir peu à peu car une tempête va les obliger à rester sur l'île toute la nuit. Un gardien, Pierfrancesco, les prend en charge et malgré l'interdiction du règlement, il les invite chez lui pour partager un repas modeste. Un lien affectif se crée entre les deux visiteurs et le gardien, qui malgré son métier plus que difficile, conserve toute son humanité. Ils quitteront l'île, transformés par ces deux jours d'isolement où ils ont compris qu'ils n'étaient pas seuls à souffrir. L'écrivaine italienne possède un art particulier, un mélange de sensibilité et de réalisme pour fouiller les âmes de ses personnages entre leurs doutes, leurs peurs et leurs espoirs dans le contexte violent du milieu carcéral. Dans ce roman intimiste, affleure le drame des années de plomb en Italie, une saison sombre et tragique. Francesca Meandri montre les conséquences collatérales de ce mouvement sur la vie des familles concernées. Un roman subtil, sensible, émouvant. A découvrir sans tarder. Je l'avais choisi pour le thème de la mer dans l'atelier lectures de juin et j'avais écrit quelques lignes. Je l'ai lu cet été et j'avais envie d'en reparler…