vendredi 20 mars 2020

"Silence en octobre"

Jens Christian Grondahl, né en 1959 à Copenhague, a notamment étudié la philosophie avant de se lancer dans l'écriture dans les années 90. Son œuvre entière se compose d'essais, de pièces de théâtre et d'une vingtaine de romans. Je n'ai jamais manqué un rendez-vous avec un de ses livres depuis une trentaine d'années. Dans le cadre de l'atelier lectures du mois de mars, annulé au dernier moment, j'avais proposé une liste d'ouvrages sur le thème du silence dont ce "Silence en octobre" de l'écrivain danois. Un historien de l'art entreprend un long bilan de sa vie quand sa femme, Astrid, le quitte après dix-huit ans de vie commune. Cette rupture le plonge dans un abîme de réflexions, un flot de souvenirs, un examen de conscience. Pourquoi sa vie a-elle pris ce chemin ? Le narrateur tente de s'expliquer ce qu'il ne comprend pas lui-même. Les relations amoureuses apparaissent à ses yeux comme des énigmes insurmontables. Avec une lucidité impitoyable, il cherche la vérité de son mariage avec Astrid. Leur rencontre tient déjà d'un hasard invraisemblable. A l'époque, le jeune homme recueille une jeune femme avec son fils dans son taxi. Elle fuit un mari violent et ne sait pas où se réfugier. Le destin surgit pour le narrateur. Il lui propose de l'héberger chez lui. Leur histoire d'amour démarre plusieurs jours après : ils vont vivre ensemble et former une famille. Il analyse dix-huit ans après le naufrage de son mariage et revient sur ses amours anciennes : "Tout en brodant mon histoire, je me rends compte à quel point une vie reste pleine d'ombres et de silence. Comment prend-t-elle forme ? Pourquoi a-t-elle pris cette direction-là, cette direction décisive ?". Le narrateur se penche sur son premier amour sans issue avec une femme fuyante, la rencontre d'Astrid, son mariage et ses enfants, sa rencontre amoureuse à New York avec une jeune artiste et sa tentation de changer de vie. Ce roman proustien, teinté de culture danoise, évoque au fil des pages la présence de l'art. Il mentionne des voyages, sa vie intellectuelle à Copenhague et des peintres que j'aime beaucoup : Morandi et Hammershoï. Astrid va-t-elle revenir du Portugal et retrouver sa famille ? Chaque personnage cherche sa vérité, une autre vérité, plus fluide, plus fugace. Rien n'est jamais d'une clarté évidente. Jens Christian Grondahl joue avec la lumière opaque, grise et beige comme les couleurs d'un ciel scandinave. Cet écrivain impressionniste compose une palette de couleurs douces, mélancoliques et ressemble beaucoup à son maître de philosophie, Kierkegaard, un Danois comme lui. Le silence dans ce texte s'immisce dans leur couple jusqu'à l'incompréhension et la rupture. Peut-être vont-ils enfin se retrouver pour le briser…