vendredi 8 mars 2024

"Les eaux du Danube", Jean Mattern

 L'éditrice Sabine Wespieser propose dans sa ligne éditoriale des textes souvent intimistes, délicats et d'une écriture souvent élégante. Je pense à Michèle Lesbre, Claire Keegan, Tiffany Tavernier, Robert Seethaler. Jean Mattern appartient à cette catégorie d'écrivains discrets et secrets. Son dernier roman, "Les eaux du Danube", paru en février 2024, ressemble à une sonate de Schubert dont il fait un éloge dans son roman. Clément Bontemps, le narrateur, se présente avec une modestie déprimante : "J'ai passé ma vie à éviter les sensations fortes. Question d'éducation. Pas d'alcool, pas de sauts en parachute, pas de voitures de course. Pas d'aventures non plus. Même le sexe m'ennuie parfois. Tout m'ennuie parfois. Tout m'ennuie d'ailleurs, je crois. J'attends que ça passe". Pharmacien à Sète, il est marié à Madeleine depuis vingt ans. Routinier dans sa vie professionnelle, il aime par dessus-tout la tranquillité. Mais, un jour, cet équilibre fragile se craquèle. Le professeur de philosophie de son fils veut le rencontrer pour lui parler de son élève, Matias. Seul pendant un mois alors que sa femme et son fils partent en vacances, il s'attache à une cliente de sa pharmacie qui lui raconte son "exil" à Sète depuis la perte de son mari en Ecosse dans une noyade. Il revoit le professeur de philosophie qui lui révèle que son fils souffre d'une attitude paternelle assez distante. Mais, le nom de ce professeur, Georges Almassy, lui rappelle le nom de sa propre mère. Il se souvient alors du léger accent qu'elle avait dans son élocution. Il va apprendre un secret de famille concernant ses origines hongroises. Les pièces du puzzle familial finiront par ébranler le narrateur qui remet sa vie en question. Il se rapproche de son fils et de sa femme pour mieux comprendre leur complicité surtout autour de la musique dont celle de Schubert. Sa filiation est remise en cause : "Votre mère se s'appelait pas Hélène (...) Elle s'appelait Iliona Ferenczi". En fait, il est le fils d'un jeune homme mort dans une cellule quelque part dans le sud-ouest de la Hongrie. Jean Mattern évoque à travers ce personnage central la révélation des vérités enfouies sur l'exil. Délicatesse des sentiments, finesse du style, personnages empathiques, Jean Mattern offre un beau roman à la musique schubertienne.