mardi 12 avril 2022

Venise, la cité des musées

 Quand je retourne à Venise, j'effectue un pèlerinage artistique. J'ai commencé par la Ca'Pesaro, un musée installé dans un palais de marbre sur le Grand Canal, construit au XVIIe par Baldassare Longhena. Le palais présente des fresques de Pittoni et de Tiepolo. Il contient des peintures des plus grands artistes des XIXe et du XXe. Devant mes yeux, Klimt, Kandinsky, Klee, Chagall, Bonnard, De Chirico, Sironi et surtout un des mes peintres méditatifs préférés, Morandi, avec son obsession des natures mortes aux bouteilles et aux bols comme une exaltation muette et profonde des choses du quotidien. Le même architecte vénitien a imaginé le deuxième musée de Venise, la Ca'Rezzonico, aussi baroquissime que la Ca'Pesaro. Mobilier du XVIIIe, verreries, lustres en bouquets de fleurs, argenterie, vaisselle, peintures et plafonds peints, je ne peux pas citer tous les artistes vénitiens qui ont décoré le palais mais quand on se retrouve à l'intérieur de la Ca'Rezzonico, le visiteur se voit projetée dans cette ambiance vénitienne en traversant la salle de bal et la salle du trône. Cette magnificence baroque représente la quintessence d'une civilisation particulièrement raffinée. Les tableaux de Longhi montrent la vie des Vénitiens et des Vénitiennes à cette époque dorée, leur espièglerie, leur art de la comédie. Ce n'est pas pour rien que le Carnaval de Venise fascine autant la cité. J'ai retrouvé les peintres emblématiques de la Sérénissima comme Guardi et Canaletto. J'ai évité les grandes institutions en fin de semaine pour éviter la foule que j'avais croisé au Palais des Doges. L'avantage des petits musées réside dans une fréquentation très raisonnable où l'on déambule en toute tranquillité. J'ai donc repris le chemin de la Galerie de l'Académie le lundi matin où (je n'en croyais pas mes yeux), je n'ai pas attendu une seconde pour prendre mon billet. Ce musée contient des tableaux d'une beauté étrange que je ne cesse d'admirer : un Jérôme Bosch splendide et inquiétant avec la représentation de l'Au-delà, des Bellini dont les toiles de Giovanni, l'équivalent d'un Raphaël à Venise. Ses Madones avec l'enfant Jésus demeurent gravées dans ma mémoire. Je suis restée longuement devant la célèbre "Tempête" de Giorgione, une toile mystérieuse à l'ambiance orageuse, une scène ésotérique entre un berger, une femme allaitant son enfant et la présence invisible du peintre que la jeune mère regarde. Ce tableau d'un magnétisme rayonnant trouble toujours autant et interroge le regard. Une salle présente aussi la "première bande dessinée" de la peinture occidentale avec Carpaccio et sa légende de Sainte Ursule. Des toiles surgissent devant moi : Véronèse, Le Tintoret, Bassano, le Titien : un festival de couleurs, de formes, de tourments, de piété, de sentiments... La peinture italienne : un miracle ! Je pense au miracle grec que j'aime particulièrement et là à Venise, tous ces artistes s'adonnaient par leur créativité à la Beauté, chère à Platon. L'Italie, un pays des merveilles...