lundi 8 juin 2020

Milan Kundera, toujours

Sur France Culture, j'ai écouté l'émission "Répliques" d'Alain Finkielkraut et ce samedi, il était question de Milan Kundera. J'ai toujours lu cet écrivain français d'origine tchèque depuis les années 70. Il fait partie de mon Panthéon littéraire personnel. Je le considère comme un des plus grands écrivains du XXe siècle, si ce n'est le plus grand en France. Cet immense Européen m'a plongée dans un monde littéraire nimbé de philosophie. Ses romans dont l'inoubliable "L'insoutenable légèreté de l'être" m'ont procuré des moments de lecture intenses, intelligents, déroutants. J'apprécie en particulier son ironie, son humour, sa désillusion et son extrême lucidité sur la vie et sur la société. Il a dénoncé l'illusion lyrique de tous les dogmatismes dont le communisme dans son pays, ennemi de la liberté. Sa description des relations amoureuses illustre sa vision paradoxale et sceptique des sentiments entre libertinage et fidélité. Sa passion de la littérature se manifeste aussi dans ses essais comme "L'art du roman", des ouvrages qui sont des repères indispensables pour tous les amoureux de l'écrit. Au détour d'une conversation avec un des deux critiques, présents dans l'émission, j'ai rétrouvé une des grandes idées de Milan Kundera. A la question : comment voyez-vous l'actualité politique d'aujourd'hui avec le regard de l'écrivain ? Guy Scarpetta a répondu que l'appel de Nicolas Hulot, lancé en mai dans le journal Le Monde était un texte d'un kistch absolu. Ce mot, né au XIXe en Allemagne et en Europe centrale, désigne "l'attitude de celui qui veut plaire à tout prix et au plus grand nombre. Le Kitsch, c'est la traduction de la bêtise des idées reçues dans le langage de la beauté et de l'émotion". En lisant l'appel hulotien, je n'en revenais pas de découvrir des slogans creux et vagues comme "Le temps est venu d'applaudir la vie, le temps est venu d'honorer la beauté du monde, le temps est venu de se rappeler que la vie tient à un fil, etc." Du kitsch politique d'une grande ampleur à soulever des soupirs accablés. Comment peut-on adhérer à un tel programme ? Le monde de demain me semble aussi complexe que celui d'aujourd'hui. Voilà pourquoi Milan Kundera peut nous tenir éveillé(e)s devant les impostures politiques, la comédie des sentiments amoureux excessifs, la bêtise des attitudes conformistes, le ridicule des comportements lyriques. La littérature sert à se dévêtir des idées recues, à fuir les pensées moutonnières, à se méfier des avis radicaux. Elle nous apprend l'art de la nuance et la mélancolie de la lucidité. En écoutant cette émission sur Milan Kundera, j'ai ressenti le besoin pressant de relire un de ses romans, sans doute "L'ignorance" et"Les testaments trahis". L'émission peut s'écouter en podcast. Quel dommage de s'en priver...