lundi 1 juin 2015

"Une histoire d'amour et des ténèbres"

J'ai déjà évoqué dans ce blog, Amos Oz avec le roman "Seule la mer". Ayant ressenti un vrai coup de cœur pour cet écrivain israélien, j'ai lu son grand roman autobiographique,  "Une histoire d'amour et de ténèbres" paru dans la collection Folio. Ce texte, écrit en 2002, a obtenu le prix France Culture 2004. Avant de se plonger dans cet immense océan de mots, d'images, d'histoires (850 pages), il faut se renseigner sur l'histoire d'Israël,  sur la construction de ce pays si essentiel dans le contexte politique d'aujourd'hui.  Ainsi, la lecture sera moins difficile à entreprendre. Dès la première page, le narrateur raconte son enfance et décrit avec une précision de chirurgien "verbal", l'appartement minuscule de ses parents, sa chambre et dans ce logis humide et inconfortable, les livres prennent déjà une place de choix. Ses parents sont des intellectuels : "Il y avait des livres partout : papa lisait seize ou dix-sept langues et en parlait onze (avec un accent russe). Maman en parlait quatre ou cinq et en lisait sept ou huit." Son père a obtenu un poste de bibliothécaire à la bibliothèque nationale de Jérusalem. Sa mère était professeur de littérature. Le petit garçon, notre futur écrivain, a déjà soif de livres et de culture. J'aime cette phrase d'Amos Oz sur les livres : "On aurait dit que les gens allaient et venaient, naissaient et mouraient, mais que les livres étaient éternels. Enfant, j'espérais devenir un livre quand je serais grand. Pas un écrivain, mais un livre : les hommes se font tuer comme des fourmis. Mais un livre, même si on le détruisait méthodiquement, il en subsisterait toujours quelque part un exemplaire qui ressusciterait  sur une étagère, au fond d'un rayonnage dans quelque bibliothèque perdue, à Reykjavik, Valladolid ou Vancouver." Dans ce "roman-monde", le narrateur conte la saga romanesque de sa famille et de son pays dans un désordre voulu, avec des digressions, des allers et des retours dans un passé mythique et réel. Ce livre documenté sur le plan historique est un témoignage sur la Palestine des années 40. Dans un commentaire déposé sur le site Amazon, un lecteur définit ce livre comme "une généalogie intime qui a l'ampleur des plus grandes fresques". Amos Oz évoque le suicide de sa mère quand il était adolescent. Le portrait de cette mère en proie à ses démons intérieurs revient comme un leitmotiv émouvant et tragique. Un grand livre, un écrivain majeur à découvrir et à lire sans tarder.