jeudi 28 novembre 2013

"Je ne retrouve personne"

Arnaud Cathrine a déjà écrit des bons romans. Je citerai surtout "Le journal intime de Benjamin Lorca", édité en 2010 et disponible en Folio. Son dernier opus de cet automne est passé un peu à la trappe face à la marée des prix littéraires, des nouveautés de la rentrée et des poids lourds incontournables. Son "Je ne retrouve personne" mérite bien notre attention de lecteur(trice). Le personnage principal, Aurélien Delamare, écrivain (le double d'Arnaud ?), tient un journal intime. Il quitte Paris et se réfugie dans la maison de famille en Normandie. Ses parents retraités sont partis vivre à Nice et ils veulent vendre cette villa de bord de mer. Le narrateur doit se charger de la mettre en vente. Il accepte cette mission familiale et cette fuite loin de Paris lui permet de faire le bilan de sa vie. Il traverse une crise de la "quarantaine". Sa compagne l'a quitté car il ne voulait pas d'enfant. Il retrouve en Normandie son passé grâce à un agent immobilier qui s'avère être un ancien copain de lycée. Que sont-ils devenus ? Ils ont vieilli, ont fondé une famille, travaillent. Sa proche voisine, amie de ses parents, le reçoit pour renouer des liens d'amitié, mais cette rencontre s'avère décevante. Il apprend que son meilleur ami, Benoît, est mort jeune, après avoir séjourné en hôpital psychiatrique. Sa solitude lui permet de comprendre qu'il a lui-même changé, que sa vie d'écrivain à Paris l'a transformé et l'a définitivement éloigné de son passé normand. Alors qu'il sombrait dans l'amertume, sa ex-compagne lui confie sa fille pour quelques jours et cette relation de quasi père avec cette petite fille va combler son sentiment de solitude. Son frère le rejoint pour concrétiser la vente de la maison et le narrateur va enfin "tourner la page" sur un passé qui, au fond, n'a pas tenu ses promesses. Ce roman doux-amer illustre le sentiment que l'on peut ressentir quand on revient sur les traces de son enfance, de son adolescence. Les liens d'amitié et d'amour se sont perdus au fil du temps et sans aucun espoir de retour. Une lecture agréable, empreinte de nostalgie et de regret, un roman "saudade"... Arnaud Cathrine cite un écrivain qui a certainement influencé son univers, Georges Perros... Et j'apprécie cette fidélité littéraire.