lundi 28 février 2011

Des gens très bien

Le dernier livre d'Alexandre Jardin est un véritable cri de colère, une colère salutaire à l'encontre de son grand-père Jean Jardin dit Le Nain Jaune. Ce grand-père fut le collaborateur de Pierre Laval de 1942 à 1943. Ce livre-témoignage devient un réglement de comptes familial et raconte une tranche très sombre et honteuse de l'Histoire de France.
Le message de ce document pourrait se résumer en une seule question : comment un fils ou un petit-fils peuvent-ils survivre à la honte ? La honte de faire partie d'une filiation dont on se remet pas. Le père d'Alexandre Jardin a vécu dans le déni de réalité en écrivant des romans légers et superficiels. Le petit Alexandre a longtemps fait semblant de croire à une légende de "gens très bien" égarés par hasard sur un chemin de "sauvegarde nationale" afin de protéger le peuple français du nazisme. Alors que certains Français résistaient au péril de leur vie, d'autres collaboraient... Ces gens honnêtes, éduqués, formatés au conformime social se sont retrouvés sur un terrain miné. Pourquoi "ces gens très bien" ont-ils basculé dans l'immonde, l'impensable en fermant les yeux sur les convois de la mort, l'Holocauste ? Alexandre Jardin nourrit son livre de toutes ces questions insolubles. Mais il va dénoncer cette cécité et enfin rompre avec un passé familial honteux. Pour survivre et surtout pour ces propres enfants, il crie sa colère, son dégoût et sa rancoeur. Il écrit "Ce livre aurait pu s'appeler "fini de rire". C'est le carnet de bord de ma lente lucidité".
Livre-vigie, livre-bilan, livre-courage, cet opus digne de Stéphane Hessel, réveille en nous un sentiment d'indignation face à la Collaboration de Vichy. Les liens familiaux ne peuvent pas se perpétuer quand l'un des siens commet l'irréparable : se conduire comme l'a fait ce grand-père si bien élevé... Alexandre Jardin signe là son "testament" amoureux de la vérité et de la dignité.

vendredi 25 février 2011

Lydia Flem

J'ai regardé l'émission littéraire "La Grande Librairie" la semaine dernière et j'ai remarqué la présence de Lydia Flem qui vient d'écrire un roman sur "la maladie", "la reine Alice". Le Monde des livres du 18 février propose une très bonne critique de ce livre. J'avais lu dans le temps "La vie quotidienne de Freud et de ses patients" dans la très bonne collection "La vie quotidienne" chez Hachette. Et puis, j'ai re-découvert un livre magnifique qu'elle avait écrit en 2004 dans la collection "La librairie du XXIe siècle" au Seuil. Je l'ai donc relu d'une façon beaucoup plus intime suite à un deuil familial. Pour tous les lecteurs qui ont traversé cette épreuve, la perte des parents, il faut absolument lire cet ouvrage de 150 pages. C'est un chef d'oeuvre du genre : elle explique dans un style d'une simplicité limpide le phénomène du deuil, ce moment incommunicable, incommensurable, intolérable. Le titre du livre, "comment j'ai vidé la maison de mes parents", est déjà une invitation à la réflexion, à l'interrogation, à la contemplation. Je pourrais citer le livre en entier mais je vais extraire quelques lignes qui le résument à merveille : "Combien sommes-nous à vivre sans en parler à personne ce deuil qui nous ébranle ? Comment oser raconter ce désordre des sentiments, ce méli-mélo de rage, d'oppression, de peine infinie, d'irréalité, de revolte, de remords et d'étrange liberté qui nous envahit ? A qui avouer sans honte ou culpabilité ce tourbillon de passions ? A tout âge on devient orphelin."
Autre passage : "Après la mort de nos grands-parents, puis celle de nos parents, il n'y a plus personne derrière nous. Seulement, une double absence comme un terrible froid dans le dos. En disparaissant, nos parents emportent avec eux une part de nous-mêmes. (...) En les couchant dans la tombe, c'est aussi notre enfance que nous enterrons."
Les derniers chapitres abordent la très délicate question des "objets" de la maison parentale et Lydia Flem adresse aux lecteurs des conseils de bon sens pour se séparer de cet héritage encombrant. "Donner est un grand bonheur", dit-elle et elle termine son essai si salutaire en écrivant : "Devenir orphelin, même tard dans la vie exige une nouvelle manière de se penser. On parle du travail du deuil, on pourrait dire aussi rite de passage, métamorphose."
Ce récit autobiographique suscite l'adhésion totale du lecteur, surtout si celui-ci a vécu la perte des deux parents. Il m'a fait réfléchir sur cet état de mélancolie que l'on traverse souvent dans la journée. Livre-thérapie, livre-partage, ce livre, si petit par sa taille, vaut dix visites chez un médecin et surtout marque l'appartenance de chacun d'entre nous à la communauté universelle des orphelins...

jeudi 24 février 2011

Rubrique cinéma

En février, j'ai vu deux films vraiment très différents. Le premier film "Black Swann"de Darren Aronofsky est un drame tragique qui finit mal dès les premières images. La musique du Lac des Cygnes est omniprésente. Le personnage de la danseuse étoile s'automutile et cherche la perfection pour jouer ce rôle du cygne blanc et du cygne noir. C'est un film éprouvant pour les spectateurs car le monde de la danse classique semble impitoyable, cruel, dénué de sentiments. Tout doit être sacrifié à cet art si particulier : vie amoureuse, vie familiale, vie sociale. Seule, la perfection doit être atteinte jusqu'à la mort finale. Drame tragique, portrait d'une danseuse au summum de son art juqu'à la perdition finale. C'est un film dur, noir, et nimbé de folie fantasmatique... Un grand film mais qui insuffle un certain malaise... je ne suis pas prête d'oublier la prestation de l'actrice Natalie Portman dans ce rôle si difficile.
Le deuxième film n'a rien à voir avec le précédent : "Femmes du sixième étage" avec Fabrice Lucchini est un petit bijou du cinéma français avec les doses traditionnelles d'humour, de satire sociale, de simplicité et de proximité. Aucune vulgarité, aucun temps mort, et en plus, si vous avez un petit moral au sortir de l'hiver (enfin presque), il vaut mieux aller voir Lucchini que son médecin traitant. Le couple bourgeois coincé très caricatural va enfin naître à la vie sans mensonge et sans chichi grâce à la présence chaleureuse, tonitruante, courageuse, généreuse des bonnes espagnoles dans les années soixante à Paris. Le Grand Bourgeois joué par Fabrice Lucchini prend conscience de la situation scandaleuse des employés "étrangères" dans les immeubles cossus de Paris. L'invraisemblable aura lieu : l'amour va réunir l'une très jolie (évidemment) bonne et le gentil bourgeois. C'est un conte de fées qui fait du bien et qui nous parle de générosité, de solidarité, de désintéressement, de partage et d'amitié: un film de "gauche" peut-être ? En tout cas, le public riait, souriait, et soupirait d'aise. Pas de mort tragique, pas de guerre, pas de conflit : un air léger soufflait dans la salle.
J'ai des origines espagnoles du côté de mon père et je pensais que ce destin de bonnes espagnoles me faisait penser à ces grands-parents que je n'ai pas connus mais qui s'étaient installés en France près de Bayonne pour fuir la misère de l'Espagne dans les années 1900.
J'aime avoir des "origines aragonaises" mêlées à des origines basco-béarnaises, ce métissage donne une vision plus large et plus tolérante du vivre ensemble. Au fond, mes ancêtres vivaient déjà avec prémonition le rêve européen...

mardi 22 février 2011

Pise, 1951

Dominique Fernandez nous raconte l'histoire de deux étudiants français, Octave et Robert. Ils arrivent à Pise (en 1951) pour un an d'études. Ils découvrent l'Italie des années 50, traditionnelle et pittoresque. Le lecteur va suivre ce "charmant" marivaudage entre les deux garçons et une jeune fille italienne, aristocrate ruinée et dépendante d'une mère qui l'encourage à se marier avec Octave, le plus riche des deux garçons. Ce roman est plaisant à lire surtout si on aime l'Italie. Ce "guide de voyage" nous donne envie de reprendre le chemin de la Toscane. Il faut dire que Dominique Fernandez est un grand spécialiste de l'Italie et il a d'ailleurs écrit un dictionnaire amoureux de l'Italie. C'est agréable de parcourir ce livre comme si on se retrouvait dans un jardin de Pise... On le déguste comme un Chianti d'origine. La fin du roman révèle une surprise "amoureuse"... Si vous avez envie de vous évader et de voyager sans sortir de votre maison, adoptez Dominique Fernandez et son "Pise, 1951" !

lundi 21 février 2011

La littérature sert-elle à quelque chose ?

Comme le souligne le journaliste de la revue Le monde 2 du 12 février, Haruki Murakami est l'auteur japonais est le plus lu et le plus traduit dans le monde. En parcourant l'article, Haruki Murakami répond à la question suivante : Quel est, selon vous, le rôle d'un écrivain aujourd'hui ?
H.M. : "Ecrire de bons livres. Cela fait des milliers d'années que des conteurs ou des romanciers racontent des histoires. Elles ont pour but d'aider les gens à trouver un sens, à structurer leur esprit. On vit dans un monde chaotique, violent. Pour survivre, il faut essayer de se donner des valeurs repères. Autrefois à l'âge des cavernes, il y avait un conteur qui racontait des histoires et l'auditoire était emporté ailleurs et peut-être amené à réfléchir, à conserver l'espoir que le jour allait bientôt venir. Je pense toujours aux profondes ténèbres qui nous entourent quand j'écris un roman. Bref, je crois au pouvoir des bonnes histoires. Une fiction peut aider à révèler une parcelle de vérité."
On surveillera cet été la sortie du premier tome de la trilogie "1Q84", l'article du Monde 2
lui accorde déjà quatre pages en février... Et je vais m'empresser de découvrir les romans de cet écrivain japonais.

jeudi 17 février 2011

Aujourd'hui, les coeurs se desserrent

Quand je regarde les couvertures des nouveautés sur les tables en librairie ou en bibliothèque, les écrivains que je connais attirent mon attention. Les éditeurs aussi représentent un critère de choix prioritaire. Et puis, je remarque les titres des livres. Le titre, "Aujourd'hui, les coeurs se desserent", m'a accrochée et je l'ai tout de suite adopté. Ce roman de Pascale Roze se lit d'une seule traite avec ses 169 pages. Tout plaira au lecteur : un style simple, élégant et épuré, une histoire de famille dans la France des années 40, une esquisse de la décadence d'une certaine bourgeoisie issue de l'industrie textile, un ton surtout, une empathie de l'écrivain pour ses personnages. En deux mots,le narrateur raconte l'histoire de son père et de son oncle, deux frères, dont l'un est prisonnier en Allemagne, l'autre est dans sa famille et prépare une pièce de théâtre. Une amie commune finira par épouser le frère dont elle n'est pas amoureuse. Le fils de ce couple mal assorti cherchera des explications plus tard, quand l'odyssée familiale aura pris fin. J'avais rencontré Pascale Roze dans le cadre d'une manifestation littéraire et la présentation de son oeuvre m'avait vraiment intéressée. Elle voulait appréhender l'influence de l'Histoire, des événements historiques sur les destins individuels. Son dernier roman tient compte de ce postulat de départ et le frère, prisonnier dans un camp en Allemagne, ne se remettra jamais de cette expérience. Un extrait du roman justifie le titre du livre, ce très beau titre qui fait partie d'un dialogue entre une amie des parents du narrateur et le narrateur-héritier : "Pensez-vous, lui ai-je dit, que Jean et ma mère aient été amants ? Elle a souri : vous faites une enquête ? -Non, bien sûr que non, enfin, je ne sais pas, j'ai grandi toute mon enfance le coeur serré sans savoir pourquoi. -Moi aussi, ma mère me serrait le coeur, a-t-elle dit, mais c'est fini, aujourd'hui les coeurs se desserrent."
Roman très attachant, écrivain à lire et à suivre, bonne lecture...

Citation du jour

en lisant le récit d'Anne-Garat, "Hongrie", j'ai relevé cette phrase :
"Chaque jour accueille une certaine quantité de lumière et d'obscurité."

mercredi 16 février 2011

la petite musique d'Anita Brookner

La critique a comparé Anita Brookner à Jane Austen et Henry James. Pourquoi pas ? Je la trouve absolument "anglaise" et elle fait partie de cette famille littéraire que j'aime tant : les soeurs Brontë, Virginia Woolf, Doris Lessing, Iris Murdoch, Margaret Drabble, Penelope Lively, A.S. Byatt, Zadie Smith, Sarah Waters, et j'en oublie certainement. Le Magazine littéraire de juin 2008 a proposé un grand dossier sur ces romancières anglaises. Anita Brookner, née en 1928, est qualifiée de subtile observatrice des gens et des situations. A travers sa trentaine de romans, elle aborde la question essentielle de la solitude souvent vécue à Londres, dans un milieu aisé. Son oeuvre reste fidèle à cette petite mélodie mélancolique : comment vivre avec ce sentiment de solitude ? Dans son dernier roman, "Etrangers", il est question d'un retraité, qui se nomme Sturgis. Ce célibataire "vivait seul, dans un appartement qui avait représenté le sommet de ce à quoi il pouvait prétendre, mais qui aujourd'hui le déprimait au-delà de toute expression". Il déambule tous les jours dans les rues de Londres où il ne croise que des "étrangers", devenus des "familiers" mais non des intimes. Or, il va partir à Venise pour se changer les idées. Il discute avec une femme d'une cinquantaine d'années dans l'avion et la rencontre par hasard dans une rue de Venise. Ils vont déjeûner ensemble et va suivre une série de retrouvailles à Londres car cette femme lui demande de garder quelques affaires chez lui. Sturgis est fasciné par la vie nomade de cette "amie" divorcée qui, en fait, ne se confie jamais sur son passé. Elle voyage, dit-elle, a beaucoup d'amis. Il va aussi retrouver son ancienne maîtresse qui est devenue malade et pour laquelle il éprouve un regain d'amour. La vie quotidienne de Sturgis en est bouleversée : ces deux femmes vont déclencher une envie de changement pour fuir sa "déprime" londonienne. Le roman se termine sur une note de musique teintée d'espoir. Sturgis va enfin prendre quelques risques pour rechercher ce sentiment d'intimité tant rêvé... Il ne sera plus un "étranger" parmi tous les étrangers cotoyés...

lundi 14 février 2011

Quel style !

j'ai terminé le prix Médicis 2010, je veux parler de Maylis de Kerangal et de son roman "Naissance d'un pont". C'est l'histoire d'un chantier gigantesque, une histoire d'hommes, écrite par une femme. Je regrette que les professeurs de français ne donnent plus de dictées (quel dommage...) aux collégiens et aux lycéens car il suffirait que notre ministre offre à chacun des enseignants ce magnifique traité de style avec des mots techniques pointus, des phrases très longues, un vocabulaire d'une richesse rare. Les descriptions de paysages et des atmosphères, l'étude socio-spatiale d'une communauté humaine au travail entraînent l'adhésion du lecteur. Ce travail harassant et dangeureux, celui de la construction titanesque d'un pont dans un pays imaginaire de l'Amérique du Sud, donne le vertige. L'écrivain a glissé dans son livre quelques personnages qui donnent de la chair au texte : le chef du chantier, la responsable du béton, quelques ouvriers. Tous éprouvent une solitude poignante malgré la vie en commun. Ils sont tous obsédés par la maîtrise de la nature, avec tous les dangers qu'ils doivent éviter. La ville en question se nomme "Coca" : "Quand vient la nuit sur le territoire, Coca se précise. Le noir lui est propice, il l'affole, la chauffe, la livre crue et brutale, les contours acérés quand l'intérieur se trouble de milliers de lueurs rivales, il la divulgue orange, effervescente, pastille de vitamine C jetée dans un verre d'eau trouble, bocal de fioul posé dans une cuvette, distributeur d'oxygène, de speed et de lumière."
Ce roman original dégage une énergie communicative. Ce style d'écrivain-bâtisseur à l'image du chantier nous offre des descriptions chatoyantes de ce lieu mythique. Ce pont en construction suspendu au dessus d'un fleuve, pourrait s'adresser à de futurs ingénieurs en bâtiment... Quelle erreur ! Lisez donc ce roman en vous laissant porter par le rythme des phrases, la richesse des images, la symbolique de l'histoire... Maylis de Kerangal a écrit une oeuvre que l'on pourrait qualifier de "masculine" tellement le sujet concerne une activité plutôt "du côté des hommes". Quelle fierté que ce soit une femme qui a imaginé un tel monde ! J'ai rarement lu un livre avec un tel souffle, et j'attends le suivant avec impatience. Je vais aussi lire ses oeuvres précédentes : "Je marche sous un ciel de traîne", "La vie voyageuse", "Corniche Kennedy".
Je me réjouis de savoir qu'une écrivaine est née...

vendredi 11 février 2011

Citations

Sur un marque-page, offert dans le cadre de la fête de la librairie en 2010, voici deux citations que je vous livre avec plaisir :
- "La chaîne du livre est une chaîne de conviction et d'engagement, chacun y joue son rôle au service des auteurs et des lecteurs. Ce goût qui nous lie à un objet miracle qui véhicul de tout le savoir du monde, quand le dernier ordinateur se sera éteint, nous permettra encore de nous reconnaître et de partager ce talisman : le livre." Jean-Paul Capitani
- "N'oubliez pas, lorsque vous franchissez la porte d'une librairie, que cet insensé voyage effectué à travers étagères et tables est irrationnel. Vous amorcez une odyssée étrange, dialoguez avec la part muette de votre être, celle des deuils, des secrets, des consolations, peut-être ? Seule une librairie et la présence des livres peuvent déclencher cette énigmatique mise en route de votre imaginaire." Marie-Rose Guarnieri, Libraire à Paris

jeudi 10 février 2011

L'été de la vie de J.M. Coetzee

Après "Scènes de la vie d'un jeune garçon" et "Vers l'âge d'homme", voici le troisième volet de l'oeuvre autobiographique de Coetzee, "L'été de la vie". L'écrivain a atteint la trentaine et, de retour au pays natal, partage avec son père malade une petite maison en piètre état dans la banlieue du Cap. La critique à l'unamité, a recommandé ce récit.Il est certain que la structure du roman est très originale. L'écrivain s'étudie lui-même par l'intermédiaire d'un universitaire anglais, chargé de recueillir quatre témoignages de femmes et d'un collègue professeur qui l'ont connu dans les années 70. Ce portrait kaléidoscopique, sans complaisance, présente un homme toujours froid et distant, hors de la vie, à contre-temps et ne comprenant jamais les rares femmes qu'il croise dans sa vie. Ce livre est peut-être une prouesse littéraire mais cet autoportrait grinçant laisse le lecteur un peu perplexe. Le message de l'écrivain est désespérant : personne ne peut atteindre le noyau "dur" de l'autre. L'écrivain se révèle médiocre, peureux, indécis et fort peu "aimable" au fond. J'ai terminé ce livre en éprouvant un sentiment de malaise... Mais de temps en temps, je tiens compte des critiques parues dans la presse littéraire. Ma curiosité me pousse aussi à lire des écrivains pour qui je n'éprouve aucune attirance particulière comme Jean Genet par exemple, ou Céline. Coetzee a reçu le prix Nobel de littérature en 2003. Je le considère comme un très grand écrivain, évidemment mais comme sa planète est triste, sans espoir et sans amour... Il dénonce la mascarade sociale et sa description lucide et âpre de la condition humaine rend le lecteur un peu mélancolique. Si vous voulez découvrir Coetzee, il vaut mieux commencer par les deux premiers titres cités avant de lire "l'été de la vie".

lundi 7 février 2011

Gallimard centenaire

Le Nouvel Obs de cette semaine consacre six pages à l'éditeur Gallimard à l'occasion de son centenaire. Dans le domaine des Lettres, on a l'habitude de commémorer les naissances des grands écrivains, des mouvements littéraires mais pour les maisons d'éditions, c'est un événement plus rare. Gallimard a toujours symbolisé à mes yeux la quintessence de la littérature. Sans éditeur, la littérature n'existerait pas. Les témoignages des écrivains dans le Nouvel Observateur sont très justes et montrent la confiance quasi absolue que suscite Gallimard : des collections littéraires comme la Blanche et le Chemin, Du Monde entier pour la littérature étrangère, des collections de poche (Folio), des sciences humaines, de l'art, toujours la qualité intellectuelle et la sobriété visuelle... Toute ma vie de lectrice est parsemée de petits cailloux gallimardesques : découvertes passionnantes de Simone de Beauvoir, Albert Camus, Marguerite Yourcenar, Pascal Quignard, Jean Giono, et tous les classiques. Quand je prends dans mes mains un exemplaire de la collection blanche, j'ai la certitude de vivre un bonheur de lecture. J'ai remarqué que la moitié des ouvrages que je conserve sont édités chez Gallimard. Dans les pages du Nouvel Obs, Annie Ernaux exprime son "vertige" en comparant Gallimard à un "lieu pérenne où se poursuit la fabrique de la littérature et des idées sans discontinuer depuis un siècle", Milan Kundera montre sa gratitude et qualifie la maison Gallimard de lieu unique en Europe et au monde. Je propose l'inscription de Gallimard au patrimoine culturel de l'Unesco... Quand je contemple ma bibliothèque, mon regard se porte souvent sur ma rangée bien sage de mes pléiades préférés : Flaubert et Stendhal, Nerval et Larbaud, Camus et Char, Proust et Gracq, Yourcenar et Colette, toutes ces pages par milliers compactées en un mètre linéaire... Je veux aussi témoigner de cette admiration envers Gallimard qui m'a offert des centaines d'heures de lectures essentielles dans ma formation intellectuelle et ma passion de la littérature. Une exposition aura lieu à Paris du 22 mars au 3 juillet à la BNF. J'espère que cette exposition ira en région, à la Part-Dieu à Lyon, par exemple, plus près de mon domicile... On nous annonce aussi un numéro spécial de la célèbre revue NRF pilotée par Jean Rouaud. Bon anniversaire à toute l'équipe de Gallimard et à ses fondateurs. Rendez-vous en 2111 pour les deux cents ans de la maison si le livre existe encore...

jeudi 3 février 2011

Bibliothèques du monde

Il est parfois agréable de feuilleter des beaux livres. Les bibliothèques publiques en possèdent des milliers dans les secteurs scientifiques et techniques, artistiques et littéraires. Je garde aussi dans ma propre bibliothèque une cinquantaine de beaux livres concernant l'art et mes peintres préférés (collection quasi complète sur Vieira Da Silva...), ma passion du livre ("Vivre parmi les livres", "Les maisons d'écrivains", "Célébration de la lecture", "Les femmes qui lisent sont dangereuses"), mes écrivains et poètes de prédilection (Proust, Char, Colette, Giono, Perros, etc.). Ces beaux livres qui sont souvent des "cadeaux de Noël" font partie de mon côté "bibliophile". Les livres en format de poche sont pratiques et d'un usage familier. Les "grands formats" décorent le salon, apportent des couleurs chaleureuses sur des étagères, tiennent compagnie et sont toujours à portée de mains. On peut les lire une fois, les feuilleter régulièrement pour les illustrations, les relire tous les deux ans, les prêter à des amis, s'en servir comme escabeau, que sais-je encore. Ils représentent un luxe peut-être pour certains mais c'est un investissement à long terme. En bibliothèque, le seul problème que l'on a, c'est qu'ils sont souvent lourds à emporter. J'ai quand même emprunté à la bibliothèque de Chambéry un très beau livre sur les plus belles bibliothèques du monde : des bibliothèques nationales à Vienne, Prague, Washington, Saint-Pétersbourg, des bibliothèques de monastères à Admont (Autriche), Ulm, Saint-Gall, L'Escorial, Mafra, des bibliothèques institutionnelles (Sénat, Mazarine, L'Institut à Paris), la Bibliothèque vaticane, la Bibliothèque Bodleian, etc. Toutes les illustrations du livre sont magnifiques et donnent envie de partir à la découverte de ces lieux magiques. Ma fibre de bibliothécaire frémit toujours (même à la retraite...) et je me donne comme objectif dans les années qui viennent de partir en pélérinage pour visiter ces bibliothèques grandioses. Des fresques, des sculptures, des tableaux de maîtres décoraient ces univers de beauté, certes destinés aux privilégiés de l'époque. Aujourd'hui, les bibliothèques se sont heureusement démocratisées et n'intimident plus le public.
C'était un autre monde et ces vestiges patrimoniaux sont devenus des musées. Aujourd'hui, les belles bibliothèques se font plus rares dans nos cités. La mode architecturale, ce sont des stades pour le foot, des zéniths pour le spectacle, des équipements pour des milliers de spectateurs. Il faut vivre avec son temps, dit-on. Heureurement, des élus ont le courage de bâtir de belles "médiathèques" comme à Biarritz (paquebot tout en bois et beau à l'intérieur) et à Oloron Sainte-Marie dans mes belles Pyrénées Atlantiques. Quand le journal "Le monde" parle d'une médiathèque primée par un jury d'architectes, je m'en félicite ! Tout n'est pas perdu...

mardi 1 février 2011

Pourquoi lire ?

Charles Dantzig est un spécialiste multi-textes : des essais originaux, "son dictionnaire égoïste de la littérature française", son "Encyclopédie du tout et du rien", "La guerre du cliché", des romans, des poèmes, des traductions. Sa polyvalence littéraire et son talent en écritures diverses font de lui un OVNI de la littérature française que j'apprécie beaucoup. Son amour de la littérature, des livres, des écrivains et sa folle curiosité du monde reposent sur un socle solide de connaissances éclectiques et anecdotiques. Son dernier essai se lit avec délectation : "Pourquoi lire ?". Cette question toute simple, toute primaire, tout lecteur qui passe des heures avec les livres se la pose en permanence : perte de temps ? Loisir superficiel ? A quoi ça sert ? est-ce utile ? Charles Dantzig nous apporte des réponses aussi insolites que prévisibles. Cet essai est découpé en quatre-vingt chapitres, courts, percutants, incisifs, drôles, émouvants, absurdes. Les titres des chapitres parlent d'eux-mêmes : apprendre à lire, l'âge des lectures, le lecteur égoïste, etc. Ces textes fourmillent d'idées, de citations d'écrivains, de portraits de lecteurs, de voyages, de rencontres. L'auteur écrit un éloge de la lecture à la "Dantzig", merveille d'intelligence et d'humour. Je ne peux pas citer tout le livre,mais je vous invite à méditer avec le sourire sur le dernier chapitre :
"Ah, ce que j'aurai pu aimer les livres. Leur forme, leur odeur, leur promesse. Et pourtant, quelle forme banale, et parfois quelle odeur déplaisante, quelle déception. Tant pis. Car enfin, de cet objet somme toute si commun, noir sur blanc, mouche sur laid, surgit, d'autres fois, un monde. Et voilà pourquoi la lecture n'est pas contre la vie. Elle est la vie, une vie plus sérieuse, moins violente, moins frivole, plus durable, plus orgueilleuse, moins vaniteuse, avec souvent toutes les faiblesses de l'orgueil, la timidité, le silence, la reculade. Elle maintient, dans l'utilitarisme du monde, du détachement en faveur de la pensée. Lire ne sert à rien. c'est bien pour cela que c'est une grande chose."
Tout amoureux de la littérature et des livres doit se procurer ce magnifique hommage à la lecture.