lundi 4 septembre 2023

"Les deux cœurs de Bloomsbury", Angelica Garnett

 Cet été, j'ai retrouvé la douce et mélancolique Virginia Woolf en relisant pour la troisième fois "Mrs Dalloway" et plus je lis ses œuvres, plus je l'apprécie. C'est peut-être une effet de l'âge car certains grands classiques ne se savourent qu'après soixante ans ! Comme le monde de l'écrivaine anglaise me fascine, j'aime bien découvrir des témoignages sur elle et sur son époque. Sa nièce, Angelica Garnett, a écrit plusieurs ouvrages sur l'environnement familial de sa tante en particulier dans ce récit autobiographique, "Les deux cœurs de Bloomsbury", publié en 2001 chez Le Promeneur-Gallimard. La légende de Bloomsbury concerne un cercle londonien composé d'intellectuels, amis de l'écrivaine : Lytton Strachey, J.M. Keynes, Clive Bell, Roger Fry. Ils étaient pionniers dans leurs façons de penser et de créer dans toutes les formes d'expression. Virginia Woolf a baigné dans cette aventure culturelle, une avant-garde audacieuse aussi dans leurs comportements libres sur le plan sexuel. Angelica Garnett est la fille des deux peintres du groupe : Vanessa Bell, la sœur de Virginia, et Duncan Grant. Quand on naît dans un milieu aussi privilégié, le don d'écriture s'avère essentiel pour reconstituer un univers disparu à tout jamais. Elle analyse en profondeur les liens affectifs et esthétiques de ses parents et parfois elle mentionne sa tante adorable selon elle qui se mettait à la portée des enfants. Les artistes mentionnés dans son récit traversent aussi des turbulences intérieures provoquées par leur non-conformisme, leur originalité provocante. Briser les conventions sociales victoriennes a laissé des traces et les parents d'Angelica ont vécu eux-mêmes des crises conjugales. La narratrice raconte son enfance avec des parents fabuleusement doués pour l'art au quotidien car ils décoraient leur maison avec des couleurs vives et des meubles bricolés. Ils aimaient voyager surtout en France dans le Midi, à Cassis où ils avaient des amis peintres impressionnistes. L'enfance d'Angelica Garnett ressemblait à un conte de fée et elle se souvient de ce temps-là avec beaucoup d'émotion. Des accents proustiens traversent parfois sa prose. Fourmillant d'anecdotes et de portraits, ce récit révèle une époque merveilleuse entre voyages, maisons, hôtels et personnages "fabuleux". Un monde évidemment "bobo", bohème-bourgeois comme on dirait aujourd'hui qui n'est pas offert au premier venu...