mardi 27 février 2018

Atelier Lectures, 1

Aujourd'hui et malgré un froid glacial, nous nous sommes retrouvées nombreuses à la maison de quartier, autour des livres et de la littérature. J'ai annoncé le thème du prochain atelier : les tourments de l'adolescence. J'ai choisi quelques romans icones de cet âge délicat de la vie quand on passe de l'adolescence à l'âge adulte : d'Alain-Fournier à Charles Juliet, de Carson McCullers à Joyce Maynard, d'Elena Ferrante à Elsa Morante, de Delphine de Vigan à Annie Ernaux sans oublier un essai de Marcel Rufo. Les lectrices ont un bon mois pour découvrir ces livres car nous avons fixé notre prochain rendez-vous pour le 5 avril. Danièle a démarré la partie coups de cœur avec le récit très émouvant de Charles Juliet, "Lambeaux", publié en Folio. Le grand écrivain raconte l'histoire de son enfance entre sa mère biologique, déprimée et internée, et sa mère adoptive, méritante et modeste. Ce beau récit autobiographique a beaucoup touché Danièle et l'œuvre de Charles Juliet fera partie, dorénavant, de ses lectures. Janelou a présenté un gros roman américain, déjà évoqué dans l'atelier. Il s'agit de "Underground Railroad" de Colson Whitehead. L'histoire d'une esclave en Amérique montre aussi, selon Janelou, les racines de la violence dans ce pays. Janine a évoqué un recueil de nouvelles, "Un paquet de cartes", édité en 1999, de l'excellente écrivaine anglaise, Penelope Lively. Cette conteuse de la vie quotidienne possède un talent de brodeuse pour décrire l'intimité des personnages, surtout des femmes, en attente et imprégnées de mal être. Marie a découvert "En attendant Bojangles" d'Olivier Bourdeaut, paru en Folio. Cette famille déjantée vit au rythme des fêtes et de la joie, mais derrière cette belle façade, une vérité sur la personnalité de la mère est peu à peu révélée par le narrateur, son fils. Ce roman a connu un très grand succès auprès du public dès qu'il est sorti. Il est disponible en Folio pour atteindre un lectorat plus vaste. Annette a apprécié un document sur la montagne, "Le diable des Dolomites" de Tita Pias, paru chez Arthaud dans les années 60. Pour lire ce style d'ouvrages, il faut vraiment aimer les randonnées en montagne, l'alpinisme en haute altitude, le grand air frais... La suite, jeudi.

dimanche 25 février 2018

"A malin, malin et demi"

Richard Russo a obtenu en 2017 un nouveau prix littéraire, le Grand Prix de la littérature américaine. Cet écrivain, publié chez Quai Voltaire, a conquis un public fidèle depuis des années (il est âgé de 82 ans) et son roman, "Un homme presque parfait", édité en 1995, évoquait un des personnages que l'on retrouve dans "Malin, malin et demi". Cet homme ronchon, nommé Sully, vétéran de la guerre et pilier de bar, joue un rôle important dans ce nouveau roman en compagnie du policier, Douglas Raymer. Ils vivent dans une petite ville, North Barth, qui dépérit au fil des années. L'environnement se dégrade, la crise économique sévit et les habitants dépriment. On se croirait dans les décors d' Edward Hopper où la solitude urbaine, la vacuité de l'existence menacent chaque individu. Douglas, le policier, symbolise la décrépitude du lieu. Sa femme, Becka, vient de mourir d'un accident stupide en dévalant un escalier. Mais, avant de tomber, elle a laissé un mot sur une table où elle annonçait son départ de la maison. Cette trahison tourmente, obsède ce mari trompé alors que leur couple durait depuis des années malgré leurs différences. Pourtant, Douglas, fragilisé par cette perte, sent bien qu'il n'était pas à la "hauteur". Il se voit médiocre, indécis, banal. Il trouve une télécommande oubliée qui ne correspond pas à son garage et il va donc chercher l'amant mystérieux de sa femme avec cet objet. Son adjointe, Charice, l'accompagne avec patience dans ce travail harassant. Des épisodes cocasses parsèment le récit :  un serpent venimeux égaré dans la ville, la chute du policier dans le cimetière où il perd la télécommande. En quarante huit heures (le temps du roman), on croise une cohorte d'énergumènes au sein de la petite ville : Sully et son copain Rub, unis dans le goût de l'alcool et des cigarettes, Roy, un obsédé sexuel et violent, Alice, la femme du mère, Ruth, la femme courage, Carl, l'entrepreneur corrompu, et bien d'autres qui partagent tous une vie chaotique. Richard Russo raconte ces hommes et ces femmes fragiles, des "perdants",  pas très conformes à l'excellence sociale et qui, malgré tout, font preuve de courage et de solidarité. Le policier va mettre un peu d'ordre dans sa vie et rebondir avec un nouvel amour, et les méchants seront bannis de la cité. Ce très bon roman de 620 pages ressemble à une série américaine, pleine d'humour déjanté dans une petite ville en déclin où chacun se bat à sa façon pour survivre...  

vendredi 23 février 2018

"Carnets, Mai 1935-Février 1942"

Quand Albert Camus écrit dans ses cahiers, il a à peine 24 ans ! Et déjà, le lecteur(trice) peut deviner le génie de l'écrivain. D'une curiosité insatiable, ses notes se succèdent sans plan ; anecdotes sur sa vie de jeune homme, commentaires sur ses lectures, projets d'écriture, propos philosophiques, descriptions poétiques, voyages. Ses textes s'apparentent à des "miscillanées", genre littéraire particulier composant une sorte de mosaïque, de fragments, de mélanges divers sans unité évidente. J'ai relu cet ouvrage, édité en coffret chez Gallimard, dans la collection Folio avec un regard très différent et cette expérience de "relecture" m'attire au fil des années qui passent. Plus on lit, plus on relit... Et j'éprouve un sentiment de gratitude envers ces grands classiques contemporains qui m'ont nourrie pendant cinquante ans. Albert Camus traverse les années sans subir le tunnel de l'oubli tellement son univers demeure actuel. Ses interrogations sur la condition humaine me semblent plus modernes que toute l'œuvre d'un Sartre, d'un marxisme trop clivant. Ce jeune Camus aime profondément la vie sans nier son propre désespoir : "Et même dans cette tristesse en moi, quel désir d'aimer et quelle ivresse à la seule vue d'une colline dans l'air du soir". Il est touché par l'Italie, la Grèce, où son exaltation s'exprime ainsi : "Lécher sa vie comme un sucre d'orge, la former, l'aiguiser, l'aimer enfin comme on cherche le mot, l'image, la phrase définitive (...), écrire, ma joie profonde !". La genèse de ses livres se dessine dans ses carnets passionnants quand il note des plans, des esquisses d'histoire, des extraits. Ces carnets confirment la profonde humanité de Camus dans sa morale exigeante ("Ne pas renoncer. Ne jamais renoncer), sa fidélité à ses origines modestes, sa recherche de l'équilibre entre bonheur et désespérance. J'ai redécouvert aussi son talent poétique dans ses descriptions de la nature, du soleil et de la mer dans son pays natal, l'Algérie. Il écrit ainsi : "Il suffit d'un grand morceau de ciel et le calme revient dans nos cœurs trop tendus". Il n'oublie pas de noter l'atmosphère étouffante de la Guerre à Paris et l'écriture se teinte d'inquiétude et d'anxiété. Journaliste à Paris-Soir, l'écrivain doit se réfugier à Oran. Il se marie à cette époque et commence sa carrière d'écrivain, une vie exemplaire vouée à la littérature... 

mercredi 21 février 2018

"Une trés légère oscillation"

Sylvain Tesson a réuni dans ce journal, tous les textes écrits entre 2014 à 2017. Ces éclats "tessoniens" ont été publiés en première édition dans le Point, Grands Reportages et Philosophie Magazine. L'auteur les a remaniés pour les confier aux éditions Equateurs et il justifie son entreprise littéraire dans l'introduction : "Un journal intime est une entreprise de lutte contre le désordre. Sans lui, comment contenir les hoquets de l'existence ? Toute vie est une convulsion : on passe une semaine au soleil, une autre dans l'ombre, un mois dans le calme plat, un autre dans la vague, et ainsi fusent les années avec l'illusion, à la fin, que tout fut chapeauté par un principe unique, un motif général, un "cadre de direction" diraient les patrons. Quelle foutaise !". L'écrivain voyageur, toujours aussi passionné, conçoit son journal de bord comme un capitaine de bateau, confiant au papier tous les événements de sa vie, ses mots d'humeur, ses mots d'humour, ses pensées, ses voyages. Il raconte sa convalescence après sa chute d'un toit qui l'oblige à rester immobile pendant quelques mois à l'hôpital. Sa rééducation dans les escaliers de la cathédrale de Notre Dame de Paris démontre sa volonté farouche de récupérer sa forme physique initiale. Il déclare son amour sincère envers les livres et la littérature quand il écrit : "Dans les nuits d'angoisse, jamais les livres ne m'ont à ce point semblé des compagnons". Se glissent entre les textes ses aphorismes qu'il adore écrire dans ses moments suspendus : "Je suis un chasseur-cueilleur de bibliothèque", "L'ombre, mélancolie de l'arbre", "Le corbeau passe, souci sur le front du ciel". Il réagit aussi sur l'actualité : les attentats islamistes, l'Ukraine, la Russie. Il ne faut pas oublier son talent particulier pour transmette à ses lecteurs(trices) le sentiment géographique de la vie. Ses descriptions sur la nature, la mer, les plaines et les montagnes forment un tableau vivant dans lequel le lecteur(trice) se promène avec un plaisir certain. Et malgré mon incompétence personnelle (j'ai passé l'âge !) à mener une vie d'aventures comme celle de Sylvain Tesson, son journal mosaïque m'emporte loin, dans des espaces qu'il me fait partager. Sa philosophie quotidienne se teinte d'un stoïcisme antique et son humour met à distance ses zones d'ombre, ses noirceurs intimes. Un guide de voyage, un récit de vie,  un mode d'être, et cultiver comme lui, une immense qualité : la curiosité...

lundi 19 février 2018

Les cinquante ans du "Monde des Livres"

Quand j'ai acheté le Monde du vendredi 2 février, le dossier des Livres mentionne en gros caractères, "50 ans" : un numéro exceptionnel pour marquer ces cinq décennies du journal. Je me suis dit que ce n'était pas possible... Déjà, cinquante ans ! J'ai calculé que je le lisais depuis l'âge de vingt-cinq ans, donc j'ai quarante deux ans de lecture derrière moi... Lire le Monde des Livres ressemble à un rituel depuis tant d'années : je ne peux pas m'en passer et quand je ne suis pas en France, je charge une amie de l'acquérir en mon absence. Ce rendez-vous hebdomadaire m'accompagne et ponctue ma semaine. Je l'ouvre avec gourmandise pour noter les nouveautés du mois, découvrir des écrivains français et étrangers, me cultiver avec des critiques en sciences humaines, me plonger dans des planètes littéraires insolites. Jean Birbaum, le rédacteur en chef, écrit : "Le livre n'est pas seulement un objet à recenser, mais un univers d'expériences à explorer. (...) Il n'y a pas, d'un côté les livres et de l'autre la vie, mais une seule et même écriture qui éclaire l'actualité du jour et le quotidien de nos existences". Le supplément rassemble "toutes les sentinelles du livre, éditeurs, traducteurs, correcteurs, libraires, attachés de presse, critiques, illustrateurs...". Les rédacteurs en chef ont marqué profondément la ligne éditoriale. Je pense en particulier à Jacqueline Plantier et à Josyane Savigneau. Dans cet hommage au travail immense des journalises littéraires, douze livres marquants avec leur critique sont proposés dont "Patrimoine" de Philip Roth, "Les armoires vides" d'Annie Ernaux, "En lisant, en écrivant" de Julien Gracq. Raphaëlle Bacqué raconte dans un long article l'aventure intellectuelle du supplément : "Feuilleter les collections du Monde des Livres sur cinquante ans constitue un voyage dans la littérature autant que dans la vie du pays. (...) Des dizaines de milliers d'ouvrages y ont trouvé une lecture attentive et le moyen de se frayer un chemin vers ce que sa première directrice appelait un lecteur ami". Des écrivains étrangers remercient le Monde de publier ce supplément qu'ils attendent tous les vendredis dans les kiosques des grandes capitales. Qualité d'écriture, analyses sérieuses, critiques retenues, découvertes surprenantes : tous ces ingrédients indispensables offrent une lecture passionnante pour tous les amoureux des livres et de la littérature. Je déplore la disparition de mon "Magazine littéraire", transformé en "Nouveau Magazine littéraire" (un mensuel politique de gauche affirmée) et j'espère que le Monde des Livres vivra encore cinquante ans. J'irai l'acheter encore longtemps le vendredi, un plaisir chaque fois renouvelé... 

jeudi 15 février 2018

Rubrique Séries

Je viens de terminer une série passionnante, tirée d'un roman de science-fiction de Margaret Atwood, je veux parler de la "Servante écarlate" ou "The Handmaid's Tale" en dix épisodes. Le monde est ravagé par une maladie, l'infertilité, touchant certaines femmes. L'Amérique sort d'une guerre civile opposant les tenants de la démocratie aux ultra-conservateurs. Le camp de la religion et du phallocratisme l'emporte et une dictature impitoyable s'installe dans le pays. La société est gouvernée par les hommes, les femmes étant exclues des responsabilités politiques, sociales et professionnelles. Certaines femmes encore fertiles deviennent des "servantes écarlates", vouées à la reproduction. Leur longue cape rouge et leur coiffe blanche les identifient alors que leurs maîtresses, épouses des vainqueurs, arborent des robes vertes. Des servantes en tenue grise sont au service de la caste des commandants. Une milice armée fait régner la terreur et exécute tous les opposants par pendaison. Un personnage central, Defred, est envoyée dans un foyer où elle doit "copuler" avec le commandant pour tomber enceinte. Grâce à des passages sur son passé, on apprend qu'elle travaillait dans l'édition, vivait avec son compagnon et leur petite fille. Quand la dictature s'installe, elle est séparée de sa famille, et imagine que son mari a été assassiné par les gardes alors qu'ils fuyaient au Canada. Dans les dix épisodes de la série, l'héroïne subit, se plie aux volontés du commandant, aux caprices de sa maîtresse et des gardiens. Dans cette société ultra-hiérarchisée où la terreur règne, un pas de côté semble impossible. Pourtant, Defred observe, analyse, ne perd pas sa conscience critique. Elle encourage ses consœurs à résister, à espérer, à imaginer une fuite loin de ce cauchemar. Des personnages attachants éclairent cette histoire catastrophe : un gardien amoureux d'elle, une ancienne amie rebelle, une servante gentille. Le commandant commence à apprécier Defred et l'invite le soir pour jouer au scrabble. Puis, il l'emmène dans une maison de passe où les servantes deviennent prostituées. Malgré son aliénation, elle apprendra à tisser des liens avec ses sœurs, se consolera avec le gardien et arrivera à se protéger du commandant pervers. Cette série de politique fiction peut paraître glaçante, dérangeante et utopique, mais il faut quand même souligner que les dictatures religieuses sévissent au Moyen Orient où les femmes sont des citoyennes de seconde zone, que les pays totalitaires ont déjà sévi dans l'Histoire. Les femmes représentent un enjeu essentiel pour tous les fous de Dieu dont les barbares de daech... Cette série féministe remue et ses qualités esthétiques (image, bande son, structure) amplifient le message : soyons vigilantes !

mercredi 14 février 2018

"Retour à Sefarad"

Pierre Assouline raconte son projet dans "Retour à Sefarad", publié chez Gallimard : il veut obtenir la nationalité espagnole ! Le Roi d'Espagne s'est adressé à l'ensemble des séfarades à travers le monde, ces descendants des Juifs, expulsés d'Espagne en 1492, en leur proposant la citoyenneté. Cet appel royal pour un retour au pays touche tellement notre narrateur qu'il développe un amour passionné pour ce pays si singulier. Il dépose un dossier à l'ambassade d'Espagne et voilà notre nouvel hidalgo à la conquête de la culture hispanique et quelle culture ! Il écrit : "J’ai déposé un dossier et, sans attendre ma naturalisation, je suis parti en Espagne, le pays du Quichotte et d’Almodóvar, de Goya et du Real Madrid, de l’Inquisition et de la post-Movida, celle qui explore son passé et celle qui le refoule. Je suis allé à la rencontre des gens, des écrivains, des poètes, des professeurs mais aussi de l’homme de la rue. Pendant ce temps dans les bureaux des administrations, mon dossier rencontrait quantité d’obstacles imprévus…». Les Juifs séfarades se sont exilés en Afrique du Nord et en Turquie. Ces réprouvés ont manifestement utilisé la langue espagnole, le castillan du XVe siècle. Ce geste culturel fondamental montre l'attachement des exilés à leur mère patrie. Beaucoup d'anecdotes historiques illustrent le destin de ces hommes et de ces femmes reconstituant leur communauté à l'étranger. Pour ceux qui ont préféré rester, ils ont été obligés de se convertir au christianisme. Pierre Assouline cherche les traces de ses ancêtres dans de nombreuses villes mais, souvent, il ne reste aucun témoignage de leur histoire. Ces disparus très lointains se transforment en fantômes dans les ruelles vides de certains quartiers. L'écrivain raconte son voyage dans une Espagne traditionnelle qui a écarté de sa mémoire ses ancêtres Juifs, voulant inconsciemment les effacer de l'Histoire. Cet antisémitisme refoulé est analysé, démontré par le narrateur qui révèle aussi les héros d'une Espagne réconciliée avec son passé. Il cite le cas émouvant du grand philosophe, Miguel de Unamuno, déclarant à l'université de Salamanque devant un parterre de franquistes en 1936 : "vous vaincrez mais vous ne convaincrez pas". Ce récit vraiment passionnant pour tous ceux qui aiment ce pays évoque le thème délicat de l'identité. Pour l'auteur de "Retour à Séfarad", la vraie patrie demeure la langue. Il apprend l'espagnol à la perfection, se nourrit de littérature et de culture hispaniques pour passer l'examen final afin d'obtenir la nationalité espagnole. Né au Maroc, l'écrivain français revendique sa culture séfarade et européenne. J'ai moi-même des origines espagnoles (mes grands parents paternels que je n'ai pas connus sont aragonais) et ce livre m'a enchantée. J'avais envie de réclamer comme le narrateur la double nationalité  ! Mais, je ne peux pas prétendre à cet honneur sauf si je découvre dans les brumes du passé un arrière-arrière grand-père séfarade... A l'automne, j'irai en Aragon, sur les terres de mes ancêtres paternels et je trouverai peut-être des traces séfarades dans ma généalogie... Pourquoi pas ? La lecture peut déclencher une envie de voyage et un retour aux sources abyssales des origines... 

mardi 13 février 2018

Rubrique cinéma

Dès la première image du film, "Jusqu'à la garde" du réalisateur Xavier Legrand, une certaine tension m'a saisie jusqu'à la dernière image. Un couple se déchire dans un bureau d'un juge. Il est question de garde d'enfants, surtout du plus petit, un garçon de onze ans, sa sœur étant presque majeure. Le père revendique son rôle auprès de son fils et son avocate l'humanise pour attendrir la juge. La mère, mutique et tétanisée, accepte contre son gré l'arrangement contraignant d'un week-end sur deux pour leur fils Julien. Mais, le garçon a pris parti pour sa mère, ce qui exaspère le père, contenant sa propre violence avec difficulté. Les scènes dans la voiture paternelle symbolisent l'impossible communication entre eux. La ceinture de sécurité prend une grande importance dans ces échanges bloqués. Le jeune garçon terrorisé supporte les questions sur leur nouvelle vie de famille. La jalousie maladive, la suspicion perverse de cet homme frustre font craindre le pire. Et les enfants éprouvent une peur panique devant ce père immature. Ravagé par le manque d'amour, il veut attirer la pitié de sa femme dans une scène où il tente l'ultime chance de renouer le lien familial. Cet homme qui n'attire aucune empathie, se sent exclu, ce qui le rend particulièrement dangereux. D'autant plus que son propre père démissionne et le chasse de chez lui devant sa violence incontrôlée. Sa fille aînée choisit sa vie avec son copain et sa fête d'anniversaire, ses dix huit ans, annonce le dénouement. Le mari frustré attend dans l'ombre d'un parking et quand la soirée se termine, notre homme délaissé sonne à la porte de l'appartement où demeurent son fils et son ex-femme. Il reste des heures à attendre que s'ouvre la porte. La mère et l'enfant se blottissent dans le lit en attendant que cet harcèlement cesse. Mais, le mari, furieux, va chercher sa carabine et commet l'irréparable. Je ne dévoilerai pas la fin de ce film sobre, sans fioritures, d'un réalisme éprouvant sur la violence conjugale. Une femme meurt tous les trois jours sous les coups de leur conjoint. Ce film coup de poing joue son rôle d'alerte, de prise de conscience, et les enfants dans ces expériences traumatisantes, sont les héros courageux de ces drames tragiques...

lundi 12 février 2018

"En terrain miné"

Alain Finkielkraut et Elisabeth de Fontenay, amis depuis quarante ans, se sont retrouvés dans une aventure intellectuelle de haute volée en s'échangeant des lettres qui forment l'ouvrage, "En terrain miné". Quand on s'intéresse aux sciences humaines et en particulier à la philosophie, la personnalité contestée d'Alain Finkielkraut ne laisse personne indifférent. J'avoue, avec une sincérité audacieuse, apprécier son immense nostalgie de la "culture française" dans son exceptionnelle richesse et il ose même évoquer la notion de "civilisation française", un concept horrifique pour les tenants du multiculturalisme triomphant. Je comprends la nostalgie malheureuse du philosophe face à la perte des repères, des valeurs universelles républicaines, même si son pessimisme fondamental le condamne moralement face aux optimistes "enthousiasmants", tous ceux qui ne craignent ni l'avenir complexe, ni les changements profonds. Ses contradicteurs (et ils sont très nombreux) le taxe de "conservateur", d'homme dépassé par la modernité, par les nouvelles technologies, adulées par les idolâtres des smartphones dernier cri et de l'internet omniscient. La nouvelle planète des bienheureux de la mondialisation connectée ronge Alain Finkielkraut qui se retrouve isolé dans sa nostalgie des temps anciens. Elisabeth de Fontenay, son amie, lui demande d'expliciter ses plaintes dans cet échange épistolaire. Les thèmes abordés divisent les deux philosophes : les ambiguïtés du progrès, l'identité, le féminisme, la transmission des valeurs civilisationnelles, l'antisémitisme. Leur conversation prend des tournures parfois vives quand Elizabeth de Fontenay reproche à son ami ses positions "droitières", son amitié sulfureuse avec Renaud Camus, son pessimisme inconsolable. Cet ouvrage de confrontation intellectuelle redéfinit et précise les "écarts" philosophiques d'Alain Finkielkraut. Il défend avec conviction ses idées et ne renie en rien ses positions philosophiques dérangeantes. Ce livre se lit avec intérêt et plaisir si on aime les débats intellectuels, l'histoire des idées, les positions irréconciliables. Ces échanges de très grande qualité nous montrent la culture érudite des deux amis philosophes. Un régal pour l'esprit "français" très XVIIIe et une ode à l'amitié complice qui perdure même si des égratignures lézardent un peu leur relation...

jeudi 8 février 2018

"Tout un monde lointain"

Le personnage central de ce roman, "Tout un monde lointain" de Célia Houdart, se nomme Greco, un prénom emblématique de la chanteuse Juliette G. ou du peintre espagnol. Mais, une villa célèbre E-1027, dessinée par l'architecte et designer, Eileen Gray (1878-1976), imprègne de sa présence toutes les pages du livre. La décoratrice est amoureuse de cette maison blanche, construite en L sur pilotis, à Roquebrune-Cap Martin, un des lieux les plus mythiques de la Côte d'Azur. Abandonnée depuis des années, Greco rêve de l'acquérir même si cet achat semble irraisonnable. Elle même travaille dans la décoration haut de gamme et veut mettre ses magasins en vente pour rénover cette villa d'art nouveau. Le propriétaire des lieux a été assassiné dans des circonstances troubles. Greco va se donner le rôle de gardienne vigilante alors qu'il ne reste rien de la splendeur de cette demeure. Elle connaissait Eileen Gray car elle lui avait demandé son accord pour copier des meubles modernistes. Sa retraite solitaire se greffe sur ce rêve : vivre dans cette villa mystérieusement belle. Or, un jour, alors qu'elle se promène sur le sentier qui longe la villa, elle remarque la disparition du cadenas de la porte d'entrée. Elle pénètre dans le jardin et aperçoit vite la présence d'un couple de squatters. Ces jeunes gens, deux baroudeurs insouciants, se sentent vraiment bien dans cet espace caché et blotti dans la colline. Louison et Tessa vont apprivoiser Greco, la dame âgée solitaire qui voit d'un mauvais œil cette intrusion. Ils vont se baigner ensemble, partager des repas, et la vie de la décoratrice sera bouleversée par cette rencontre improbable. Le couple cultive l'art de la danse, du corps, des retrouvailles avec la sensualité de la vie. Ce portrait d'une femme, qui va retrouver le goût de vivre alors qu'elle baignait dans une certaine mélancolie vagabonde, se lit avec plaisir et l'écriture soyeuse de Célia Houdart participe de ce bonheur de lecture même si le milieu de Greco semble "tout un monde lointain". Un beau roman singulier, stylisé, édité par le regretté Paul Otchakovsky-Laurens, P.O.L, disparu cette année.

mercredi 7 février 2018

"Ton père"

Christophe Honoré vient d'écrire un récit percutant sur un sujet de société : la vie simple et tranquille  d'un père homosexuel. Il a composé avec une rage contenue ce livre, édité dans la belle collection, "Traits et portraits" au Mercure de France. Son projet d'écriture est né dans son étonnement ulcéré quand il croisait dans les rues de Paris des milliers de manifestants scander leur opposition virile et homophobe au "mariage pour tous" et surtout à l'adoption des enfants par des couples "non conformes". Le cinéaste-écrivain raconte sa vie de père, un père aimant, responsable et traditionnel. Il assume totalement cette paternité depuis dix ans et sa fille semble se porter à merveille. Un soir, il trouve sur son palier une affichette épinglée à sa porte dont le message mystérieux : "Guerre et paix, contrepèterie douteuse" l'intrigue avec un sentiment désagréable. Il sait que son homosexualité dérange. Ce message le pousse à raconter avec une sincérité désarmante sa vie de "paria" entre ses amours multiples, ses fêtes, ses dragues et sa conquête de la liberté sexuelle. Il revendique le droit d'être père et d'élever son enfant aussi bien que les familles dites "normales" avec un père (souvent absent) et une mère (quelquefois dépassée). Le narrateur redouble de vigilance quand une "crotte de chien" est déposée sur le seuil de son appartement. Ces faits lamentables, provoqués par un lâche inconnu, taraudent l'écrivain qui se pose la question du respect, d'un immense respect que tout homme et femme exigent. Il proteste donc contre ces malveillances récurrentes et défend l'honneur des "infamilles", des pères homosexuels qui vivent en toute harmonie cette situation. Il dévoile avec un humour salutaire son identité singulière en cherchant des héritiers dans la culture homosexuelle, ses pères et ses frères en littérature formant sa communauté d'amour. J'ai retrouvé un entretien de Christophe Honoré dans le Monde des Livres et il confie : "Jamais, je n'ai voulu exprimer la peine d'être un père homosexuel. C'est une joie, parfois, un combat, mais certainement pas un "douloureux problème". Non, j'ai tenté de m'interroger sur le respect". Lire "Ton père" s'adresse à tous les intolérants du monde, à tous les imbéciles qui, en lisant ce bel ouvrage, pourraient enfin respecter la vie privée, quelque soit son orientation sexuelle... Mais, je me doute que ces gens-là n'ouvrent jamais un livre !

mardi 6 février 2018

"Gratitude"

Charles Juliet vient d'écrire le tome IX de son journal qui couvre les années 2004-2008. Dès les premiers mots du journal, l'écrivain invite son lecteur à partager ses pensées intimes, sa vie intérieure, ses rencontres, ses amitiés avec beaucoup d'artistes, ses voyages. Il rentre de Nouvelle-Zélande à cette époque et retrouve son village de Jujurieux dans l'Ain : "A Wellington, l'être s'épandait, se diffusait, se perdait dans de vastes espaces. Ici, j'ai aimé ce voile qui me cachait la campagne, m'invitait au repli, aux errances intérieures". Son journal parle de ses rêveries, de ses promenades à la campagne, de son sentiment de paix qu'il vit aujourd'hui alors que, dans sa jeunesse, ses tourments et ses angoisses le maintenaient dans une souffrance réelle. Dans ces années de maturité, Charles Juliet s'est réconcilié avec lui-même et se préoccupe en priorité des autres. Il évoque souvent ses nombreuses rencontres avec ses lecteurs qui semblent lui vouer une admiration légitime. Le diariste n'oublie pas les inconnus qui vivent des situations difficiles, qui subissent des maladies graves, des deuils, des pertes irréparables. Le fracas du monde le touche et il note des événements qui le scandalisent. L'empathie généreuse de Charles Juliet se manifeste au fil des pages jusqu'à la rencontre avec un homme de mauvaise foi qui déleste l'écrivain de quelques centaines d'euros. Sa naïveté confondante fait sourire le lecteur(trice). Cette prose poétique d'une grande clarté réclame une lecture attentive, silencieuse et contemplative. Charles Juliet se confie, se révèle, raconte, conte, commente et analyse la vie, sa vie, la vie des autres qui n'ont pas la chance, dit-il, de vivre "en littérature". "Ecrire est un action grave. Certes, écrire, c'est creuser en soi, c'est fixer dans des mots notre lutte contre la fuite des jours, contre la fatalité de la mort, contre ce qui nous ronge, parfois nous terrifie". Sa vocation d'écrivain naît dans cette quête de sens, dans cette obsession de noter tous les instants de l'existence pour qu'ils ne sombrent pas dans l'oubli. Un très beau journal intime d'un écrivain très attachant...

lundi 5 février 2018

Rubrique cinéma

L'année cinématographique démarre décidément bien avec de très bons films. Je suis allée voir "La douleur" du réalisateur Emmanuel Finkiel. J'avais lu en 1985 les récits autobiographiques de Marguerite Duras, des textes difficiles, sombres et vrais sur le retour de son mari, Robert Antelme, grand résistant, arrêté et interné à Dachau. L'écrivaine les avait laissés dans les "armoires bleues" de Neauphle-le-Château et elle avait consigné l'histoire en marche : l'Occupation à Paris, la Libération, la fête, l'euphorie de la victoire. Mais, le texte, intitulé "La douleur", raconte l'attente insoutenable de son mari dont elle n'a aucune nouvelle depuis sa déportation. Elle appartient à un groupe d'intellectuels, militants de gauche, dont les personnages de François Mitterrand, chef du réseau et de Dionys Mascolo, son amant du moment et futur père de son fils unique. Le réalisateur s'est emparé du deuxième texte,"Monsieur X, dit Pierre Rabier" pour le combiner avec le premier texte. La jeune femme, bouleversée par l'absence de son mari, entreprend une démarche dans un bureau de la Gestapo. Elle veut expédier un colis dans le camp où est détenu Robert Antelme et rencontre un responsable, Pierre Rabier. Il veut l'aider à retrouver le prisonnier et lui offre ses services. Ils se téléphonent régulièrement pour se donner rendez-vous car ce collabo crapuleux l'admire en tant que jeune écrivaine. Son désespoir est tellement vif qu'elle mendie, avec ambiguïté,  des miettes d'information sur son mari. La Libération approche et Paris fête cet événement tant attendu dans une liesse populaire que la jeune femme ne peut supporter. Elle déambule dans la ville avec sa propre douleur et redoute sans cesse le pire. Une voisine, Madame Katz, se réfugie chez elle pour attendre le retour de sa fille, qui, évidemment, ne reviendra jamais du camp de concentration. Cette femme magnifique, cette mère courage qui repasse les vêtements de sa fille à jamais perdue, symbolise la tragédie de la Shoah. Le groupe de résistants envoie une délégation pour extirper Robert Antelme de Dachau et le ramène à Paris dans un état comateux. Les dernières images du film montrent la résurrection lente de ce Lazare des camps, incarné dans "une silhouette fantomatique à la Giacometti". Ce film fort et émouvant a réussi un pari impossible : adapté Marguerite Duras. En sortant de la salle, je me suis promis d'ouvrir ma Pléiade pour relire "la douleur"... 

vendredi 2 février 2018

Atelier d'écriture, suite

Le deuxième exercice que j'ai proposé reposait sur un tableau d'Edward Hopper, "Chambre d'hôtel", peint en 1931. Cette toile célèbre, exposée sur les murs du musée Thyssen à Madrid, symbolise le moment intime de la lecture. Je l'ai admiré en octobre lors de mon escapade madrilène. Cette femme seule, assise sur un lit dans une chambre anonyme, tient un livre mystérieux dans ses mains. J'ai donc distribué la photocopie du tableau en intégrant une citation de Pascal Quignard que j'ai trouvé dans ses "Traités" : "Le livre est un morceau de silence dans les mains du lecteur. Celui qui écrit se tait. Celui qui lit ne rompt pas le silence". La consigne consistait à imaginer la vie de cette lectrice. Après vingt minutes de composition, chaque lectrice a lu à voix haute leur texte et j'ai bien remarqué que cette "image" les avait bien inspirées. J'ai participé à l'exercice et voilà ma version remaniée : "Elle est là, assise au bord du lit, peu vêtue, dans une chaleur étouffante. Ce voyage, elle en rêvait depuis longtemps. Pourtant, partir, seule, l'effrayait et la paralysait. Il en fallait de l'audace pour éteindre sa peur. Elle est là, assise et attentive. Dehors, la ville en furie, en folie, le bruit, l'agitation permanente, perturbante. Elle se prépare comme une guerrière avant de rentrer dans l'arène de la vie. Elle cherche le silence, la solitude. Son livre ouvert, l'imagination l'enflamme en parcourant le plan de la ville tentaculaire. Les rues, les parcs, les places, les monuments, tout s'enroule en elle. Elle se pénètre de toutes les visions horizontales, verticales, des lignes la traversent. Son attente, déjà un voyage. Avec un livre, pour déambuler dans ce labyrinthe urbain. Son combat commence en quittant la chambre. La ville n'attend qu'elle" . Après cet exercice, j'ai évoqué le projet d'écriture pour notre deuxième rencontre du 13 mars. J'ai proposé l'écriture d'une nouvelle courte ou d'un récit d'enfance. Après avoir expliqué quelques éléments de technique d'écriture d'une nouvelle, nous avons lu et commenté un texte de Penelope Lively, "Un conte de Noël", tiré d'un recueil, "Un paquet de cartes" que Mylène m'avait conseillé avec sa gentillesse légendaire. Dans notre prochain atelier, je proposerai deux exercices courts et la lecture des nouvelles ou de récits d'enfance, écrites à la maison. Au travail !

jeudi 1 février 2018

Atelier d'écriture

J'anime un atelier Lectures depuis cinq ans. Cette rencontre autour des livres et de la littérature est née d'une proposition de Mylène, qui, connaissant ma passion de la lecture, m'a proposé cette activité au sein de la maison de quartier du centre-ville. En 2010, j'ai pris ma retraite. Mais, je n'ai pas quitté ma "peau" de bibliothécaire... Comme j'ai passé ma vie professionnelle dans les livres, je suis presque devenue un livre ambulant, mimétisme oblige... Je ressentais un manque de rencontres entre lecteurs. Même si mon dernier poste à la bibliothèque universitaire ne relevait pas de la "lecture publique", je recevais des étudiants, je les formais aux outils bibliographiques, et parfois, il m'arrivait de leur donner des conseils de lecture. Ces contacts permanents rythmaient mes journées et quand toutes ces relations professionnelles disparaissent, il faut rebondir et inventer un temps de vie différent. Je me suis inscrite pour suivre les séances d'écriture avec Mylène et plus tard avec Marie-Christine. Cette expérience s'est prolongée et se prolonge encore avec l'atelier Lectures. Et puis, l'atelier d'écriture s'est interrompu depuis l'année dernière. J'ai regretté ces moments de convivialité, de partage et de lectures à voix haute. Je conserve de très bons souvenirs de ces ateliers des années 2010. Comme j'ai poursuivi pour ma part les rencontres autour des livres, j'avais envie de compléter ce rendez-vous mensuel par la reprise d'un atelier consacré à l'écriture. L'alternance lecture-écriture sera bienvenue pour retrouver cette bonne et belle ambiance amicale. Le mardi 30 janvier, nous nous sommes retrouvées autour de la table et j'ai démarré le premier exercice : un abécédaire sur la lecture. Après un inventaire de dix mots, symboles et évocations de l'acte de lire, chaque "écrivante" les a lus à voix haute. Ensuite, j'ai distribué les lettres de l'alphabet à tour de rôle et un abécédaire collaboratif est né : " A comme Analphabète, B comme Béquille, C comme Caractères, D comme Danse des mots, E comme Emouvoir, F comme Fable, G comme Gros mots, H comme Hurler, I comme illettré, J comme Juste jouissif, K comme Kirikou, L comme Livre, M comme Millefeuille, N comme Navrant, O comme Oubli, P comme Portes ouvertes, Q comme Quête, R comme Rire, S comme Solitude, T comme Terminer, U comme Urgence, V comme Voyage, voyage, W comme Wapiti, X comme Xénophobe, Y comme Yatagan sur une Yole, Z comme Zola. La suite, demain.