mercredi 30 décembre 2015

"Lire, c'est vivre plus"

J'ai trouvé par hasard en librairie, un tout petit livre, édité chez L'Escampette en collaboration avec la Région Poitou-Charentes et qui s'intitule joliment : "Lire, c'est vivre plus". Parler de lecture, de livres, de littérature reste pour moi un objectif vital. Je ne peux pas passer une journée sans lire au minimum deux à trois heures, parfois moins, parfois plus... Quand je rencontre une personne qui n'ouvre jamais un livre dans sa journée ou qui n'a pas rencontré la chance d'aimer lire, je me demande comment il fait pour se passer de cet acte qui s'apparente, pour moi,  à de la respiration, à un "mise au monde" avec plus d'intensité et d'attention. L'ouvrage en question évoque cet amour de la lecture et tous les textes écrits par Christian Garcin, Alberto Manguel, François Gaudry, et bien d'autres auteurs, démontrent que l'acte de lire n'est pas anodin, banal, sans risques. Je citerai Mireille Macé : "La lecture n'est pas une activité séparée, qui serait en concurrence avec la vie ; c'est l'une de ces conduites par lesquelles, quotidiennement, nous donnons une forme, une saveur et même un style à notre existence". Les textes sont illustrés de dizaines de citations de Marcel Proust, de Pascal Quignard, de Paul Valéry, de Kafka... J'en connaissais certaines et j'en découvre d'autres avec plaisir. Ce petit bijou de papier, écrin d'un éloge de la lecture, devrait être diffusé gratuitement dans les librairies et les bibliothèques mais il ne toucherait que les lecteurs déjà  motivés. Il vaudrait mieux les trouver dans les supermarchés, les banques, les gares, etc., bref des lieux de passage... La phrase de Kafka, souvent citée : "Un livre doit être la hache pour la mer gelée en nous", établit une passerelle essentielle entre un lecteur(trice) et un livre. En lisant, je me lis, je me découvre, je m'enrichis, je me remets en question, j'essaie de comprendre le monde, la société, l'autre. Ce billet sur la lecture est mon dernier de l'année 2015 et j'ai respecté le pacte que je m'étais fixée : 15 textes par mois et pas un de plus... J'aime me donner une limite, un cadre, une contrainte, comme un héritage de mon ancien métier et je possède une dédicace d'Alberto Manguel que j'avais rencontré dans une soirée littéraire. Il m'avait écrit sur son ouvrage, "Une histoire de la lecture" : "pour celle qui m'est de l'ordre dans le désordre du monde"... Pas mal pour une bibliothécaire !  

mardi 29 décembre 2015

Rubrique cinéma

J'ai vu récemment un film intéressant, "Back Home", de Joachim Trier à l'Astrée, ma salle de cinéma préférée à Chambéry. Isabelle Huppert joue le rôle d'une photographe-reporter, Isabelle Reed. Mais, elle a disparu trois ans avant, dans un accident de voiture. Lors d'une rétrospective concernant ses photos emblématiques, son mari et ses deux fils se retrouvent dans la maison familiale. Le film traite du deuil : comment survivre après la mort d'une épouse et d'une mère ? Le père se reconstruit grâce à la rencontre d'une collègue-professeur qui travaille dans le même lycée que lui. Ils cachent leur relation au fils cadet par délicatesse car ce fils traverse une crise d'adolescent, assez courante à cet âge. L'aîné se charge de collecter les photographies de l'exposition. Bien que jeune père, il se tourne vers un ancien flirt. Les retours sur la photographe montrent une femme fragile, inquiète, voire absente au monde. Ce paradoxe dévoile une vérité cachée pour une professionnelle de l'image qui doit montrer la réalité, même la plus violente des terrains de guerre. Sa double vie fragmente sa personnalité et ce décalage va l'entraîner vers l'irrémédiable. Car, un secret taraude le père. Il n'a pas dit la vérité sur la mort de sa femme. Elle s'est suicidée et ses fils l'apprennent trois ans après. Joachim Trier, cinéaste norvégien, a bien choisi ses acteurs : Isabelle Huppert, Gabriel Byrne, Jesse Eisenberg et Devin Druid forment un quatuor sensible dans leurs difficultés, émouvant dans leur maladresse pour se parler. La critique n'a pas toujours apprécié ce film mais, j'ai envie de le défendre. J'ai aimé ce portrait d'une famille en souffrance, la présence d'Isabelle Huppert, la mise en scène en flash back... Pour les amateurs d'optimisme béat, s'abstenir...

lundi 28 décembre 2015

"La Cache"

Le roman, "La Cache",  de Christophe Boltanski a obtenu le prix Femina en 2015. La critique s'est montrée dithyrambique et avant de lire cet ouvrage, je conseille d'aller se renseigner sur cette famille singulière, les Boltanski. L'écrivain est lui-même le fils de Luc Boltanski, sociologue connu et neveu de Christian Boltanski, un très grand artiste contemporain reconnu sur le plan international. Christophe Boltanski travaille pour le journal Libération comme reporter de guerre, spécialiste du Moyen Orient. La présentation familiale faite, le lecteur(trice) peut enfin pénétrer dans cette saga atypique en suivant l'itinéraire que l'écrivain nous dessine avec ses mots. Le personnage principal du livre est paradoxalement un lieu matériel qui unit et réunit tous les protagonistes : l'appartement parisien et cette cache mystérieuse, situés dans la rue de Grenelle. Chaque chapitre débute par un croquis de l'immeuble, de sa cour et des locaux appartenant à cet ensemble (influence de Perec...). Puis, le roman familial démarre avec des anecdotes précieuses et précises sur les membres de la tribu Boltanski. Les grands-parents du narrateur ont nidifié dans cet îlot parisien. La mère, atteinte de la polio, a perdu l'usage des jambes et couve ses trois fils jusqu'à l'étouffement. Son militantisme communiste n'empêche pas son mari de se convertir au catholicisme.  Ce père, médecin, a fui la Russie communiste, car ses origines juives l'obligent à disparaître dans cette cache miraculeuse pendant l'Occupation. Les fils et leurs progénitures (dont Christophe Boltanski) vivent une bohème anarchique et politique. Ce clan multiforme et coloré forme une sorte de mythologie française du XXe siècle. Je ne veux pas relater les faits et le anecdotes de cette famille car il vaut mieux les découvrir dans ce récit-fiction d'une densité rare où les notions d'identité, d'appartenance et de racines prennent une dimension toute contemporaine. Un texte parfois désordonné, mais inspiré, une fresque familiale originale et surprenante...

vendredi 25 décembre 2015

Présence des livres

Je n'ai pas écrit dans mon blog depuis une semaine pour des raisons simplement techniques, ma nouvelle fibre Orange ayant fonctionné deux jours et m'abandonnant ensuite à mon sort de non-connectée... J'ai retrouvé le chemin d'Internet sur ma tablette seulement la veille du 25 décembre. Je reprends donc avec soulagement l'écriture de ce blog. J'ai fait une petite pause hivernale et j'avoue que j'ai bien avancé mes lectures en délaissant mon ordinateur, grand dévoreur de temps. En ce jour de Noël, je veux rendre hommage aux livres. Ces compagnons silencieux m'accompagnent quotidiennement et à l'occasion des Fêtes, je n'ai pas manqué d'en offrir et d'en recevoir. J'ai ainsi envoyé trois livres de peinture à un de mes frères qui se lance dans la confection de tableaux. Il faut sans cesse venir et revenir aux fondamentaux de l'apprentissage par les mots même quand on commence à manipuler les pinceaux. Dans mon entourage, j'ai choisi le "2084" de Boualem Sansal pour une lectrice assidue, un roman d'un hollandais,  Stefan Hertmans, "Guerre et térébenthine" (d'après les conseils d'une libraire) pour une peintre amateur, des livres sur les chiens pour une orientation professionnelle d'une proche, des livres d'histoire pour mon fils étudiant. Ne jamais oublier le plaisir d'offrir ces objets de sens qui peuvent aider, soutenir, former voire transformer la vie... Pour ma part, j'ai reçu deux très beaux ouvrages : "L'alchimie du livre" d'Anselm Kieffer et "Zao Wou Ki et les poètes". Chaque année, je complète ma belle collection de livres d'art que je feuillette régulièrement et que je conserve précieusement dans ma bibliothèque. J'avais vu une sculpture géante de Kieffer à Berlin, et je voulais mieux le connaître. J'aime beaucoup les toiles de Zao Wou Ki, un peintre abstrait d'origine chinoise et j'avais visité une magnifique exposition de ce maître à Biarritz. Pas de Noël sans livres, des livres comme des chocolats (mais bons pour le régime !), demeure un adage gravé dans le marbre. Et cette année, j'ai maintenu la tradition : j'ai favorisé la présence des livres dans le quotidien de mes proches et dans le mien...

jeudi 17 décembre 2015

Atelier de lectures, 2

La deuxième partie de l'atelier était consacrée à Jens Christian Grondahl, un écrivain danois. J'avais choisi un seul roman, "Les Complémentaires", publié dans la collection Folio en 2015. Nous avons inauguré une nouvelle formule : les lectrices ont acquis ce poche pour confronter leurs critiques. Les échanges autour du roman ont bien eu lieu. Certaines l'ont apprécié, d'autres moins et il est évident qu'aucun livre ne peut entraîner l'unanimité d'un groupe. Quelques mots sur Grondahl : il a écrit une quinzaine de livres et il est traduit dans une vingtaine de langues. Sa réputation littéraire a largement dépassé les frontières symboliques danoises... Je connaissais ces romans depuis une quinzaine d'années et cette prose introspective me semblait intéressante à découvrir. Le roman "Les Complémentaires" explore le "moi" de deux personnages formant un couple solide et heureux, à priori. David, le mari, est un avocat brillant et sa femme, Emma, d'origine anglaise, dédie sa vie à la peinture. Mais elle ne tient pas à montrer ses toiles. Elle se réfugie dans son studio, au fond du jardin. Leur fille, Zoë, a suivi les traces de sa mère car elle expose dans une vidéo une performance artistique, où elle a intégré son ami Nabeel, d'origine pakistanaise. Un incident fissure les identités de chaque protagoniste. David trouve une croix gammée peinte sur sa boîte à lettres. Il ne s'attendait pas à cet acte antisémite alors que lui-même ne se sent pas particulièrement enraciné dans cet héritage. Sa fille Zoë, provoquante dans son art, choque ses parents. L'écrivain décrit avec une intensité psychologique le malaise existentiel de ses personnages en proie au doute et aux regrets. Chacun revoit leur ancien amour sans éprouver de nostalgie. Et Zoë s'émancipe de ses parents sans aucun état d'âme. Les dialogues feutrés, les portraits en demi-teinte, les sentiments enfouis, les émotions diffuses forment un canevas à points serrés... L'écrivain danois fouille le passé des personnages, creuse leur psychisme avec une plume acérée. Et la question des origines taraude les uns et les autres. Ce roman évoque le subtil mélange des identités contraires qui se mélangent dans une tolérance, vécue avec plus de sérénité dans les pays du Nord de l'Europe. Les lectrices ont bien souligné cet aspect du roman. L'avis mitigé de quelques unes portait davantage sur la relation du couple qui semblait d'un ennui profond. Peut-être que la fin du roman sans être explicite montrait aussi la mort de leur amour ?  Chaque lecture est au fond une ré-écriture, et le lecteur peut interpréter la conclusion à sa guise...

mardi 15 décembre 2015

Atelier de lectures, 1

Cet après-midi, le dernier atelier de l'année 2015 s'est déroulé dans une bonne ambiance entre lectrices motivées et disponibles. Malgré l'approche des Fêtes, le groupe était au complet à part une absente. Nous avons démarré par les coups de cœur. Janelou a parlé de Lionel Duroy, un écrivain qui est obsédé par sa propre vie, sa famille, ses amours et ce déballage intime provoque le malaise ou au contraire, l'admiration. Cette littérature du dévoilement, autobiographique, autothérapeutique est une prise de risque et il faut un certain courage de la part de l'auteur de révéler des secrets de famille. Dans "Le chagrin", publié en livre de poche, Lionel Duroy raconte son enfance dans les années 60 et décrit les relations familiales orageuses. Un texte fort, vivant et un règlement de compte très salutaire. Nicole a lu "2084" de Boualem Sansal, un roman d'anticipation dont j'ai déjà parlé dans ce blog. Il n'est pas facile à lire mais ce livre possède une force sans contexte et s'il est prémonitoire, il rappelle le "1984" d'Orwell et "Soumission" de Houellebecq. Evelyne a aimé "Palmyre" de Paul Veyne, un livre d'histoire très abordable qui rappelle l'extraordinaire perle du désert que constitue cette cité antique, broyée par la folie djihadiste. Mylène a voulu parler de cinéma en évoquant le film "Mia Madre" de Moretti qu'elle a beaucoup aimé. Elle a proposé une relecture d'Andrée Chedid, "Le Message", un beau roman d'amour en pleine guerre du Liban. Danièle a choisi "L'Homme de ma vie" de Yann Queffelec, un récit d'amour filial sur son père qui le détestait. Elle a découvert après cet ouvrage, "Les Noces barbares", qui n'a pas du tout vieilli. Son dernier coup de cœur concerne "Petit piment" d'Alain Mabanckou, un roman sur un enfant orphelin au Congo dans les années 60. Cet ouvrage a été remarqué à la rentrée sans pourtant obtenir de prix. Dany a évoqué "La Cinquième femme" de Mankell, récemment disparu. Un super roman policier dans la série du Commissaire Wallender. Régine a présenté un plaquette de Daniel Pennac sur les réfugiés, "Eux, c'est nous". Cet ouvrage pédagogique très bien écrit, explique le drame actuel des migrants. Nous avons terminé la première partie de l'atelier avec un second coup de cœur de Régine qui participe activement au Festival du Premier Roman de Chambéry. Elle nous conseille "Ciel d'acier" de Michel Moutot, un récit remarquable sur la déconstruction des Twins Towers après le 11 septembre 2001 par une tribu indienne, les Mohawks qui n'ont pas le vertige. Un ouvrage documentaire facile à lire et qui, selon Régine, semble passionnant à découvrir. Demain, j'évoquerai l'écrivain danois, Jens Christian Grondahl.

lundi 14 décembre 2015

"La carte des Mendelssohn"

Ce roman labyrinthique n'a pas reçu un prix littéraire mais il aurait largement mérité le Médicis. Entrer dans ce livre peut effrayer les lecteurs(trices) pour plusieurs raisons : un sujet ambitieux, une plongée vertigineuse dans un arbre généalogique en Allemagne, un projet en forme de spirale. Diane Meur a choisi la famille des Mendelssohn, une lignée impressionnante et fascinante. La famille comporte des grandes figures de la philosophie, de la musique, du commerce et de l'industrie et de bien d'autres domaines. L'ouvrage s'ouvre sur l'évocation du premier des Mendelssohn, Moses, un oublié de l'histoire, un Voltaire allemand d'origine juive, tolérant et chantre d'une laïcité qui ne se nommait pas ainsi à l'époque. Ce grand sage, devenu allemand au XVIIIe siècle, a eu six enfants, et les enfants aussi ont enfanté, et en 2010, Diane Meur compte plus de 500 individus... Heureusement un arbre avec de nombreuses ramifications, nous aide à suivre les ascendants et les descendants de cette famille illustre. Car, un des petits-fils de Moses s'appelait Félix Mendelssohn, le compositeur célèbre, doté d'une sœur moins connue, Fanny, elle aussi compositrice. Le lecteur ébahi par tant d'informations croise des vies de banquiers, d'industriels, des officiers de la Wehrmacht, et même un planteur de thé à Bali. Diane Meur croise ces vies en les situant dans leur contexte historique et social. Elle s'implique elle-même en relatant ses propres recherches, sa vie personnelle et familiale, ses amitiés à Berlin. Ce livre-kaléidoscope mélange plusieurs genres littéraires : un journal intime, des biographies, des enquêtes historiques, des notions de philosophie, de généalogie, un portrait de la culture européenne. La lecture alimente notre culture personnelle et "La carte des Mendelssohn" apporte une richesse d'informations que l'on trouve rarement dans un roman contemporain. J'ai aussi beaucoup aimé les pérégrinations de la narratrice dans le Berlin d'hier et d'aujourd'hui et comme j'étais dans cette ville en novembre dernier, j'ai revécu mon escapade avec un grand plaisir... Cette fresque familiale montre les parcours hasardeux des uns et des autres, la filiation bousculée dans ses racines et l'héritage éparpillé à travers les pays. Au fond, elle nous renvoie à notre liberté...

vendredi 11 décembre 2015

"Devenir grec"

Le cours sur Homère m'a donc redonné l'envie de relire des extraits de l'Iliade et de l'Odyssée. Mais, pour mieux comprendre cette épopée, j'ai aussi emprunté des documents à la médiathèque de Chambéry. Je n'ai pas encore perdu mes manies de bibliothécaire car je ne cesse de compléter mes informations par d'autres informations jusqu'à m'en fatiguer moi-même... J'ai surtout feuilleté un beau catalogue d'exposition sur Ulysse, édité par la Bibliothèque Nationale de France en 2007. Des images défilent : monnaies d'or, vases grecs, amphores, bustes en marbre, fac-similés des éditions anciennes et dans cette mise en scène iconographique, des articles  éclairent le destin d'Homère et de ses œuvres. Un long entretien avec la grande spécialiste, la lumineuse Jacqueline de Romilly, apporte un témoignage admiratif  sur les scènes pleines de tendresse malgré la guerre et la mort dans l'Iliade. Heureusement, les catalogues d'exposition conservent une trace et cela permet aux provinciaux dont je fais partie de voir à posteriori  la richesse d'une exposition organisée par notre belle et grande institution nationale. J'ai aussi bien apprécié un article de Marcel Conche que j'ai trouvé dans un essai sur Homère publié au PUF en 1999. Le titre m'a attirée : "Devenir grec". Pourquoi est-il devenu grec, ce grand philosophe ? Je cite cet extrait : "Devenir normal, c'est devenir philosophe, et devenir philosophe, c'est devenir grec." Plus loin, il ajoute : "La raison attend, en chacun de nous, qu'on la choisisse ; elle est la puissance de rejet, de questionnement, de liberté, inhérente à chacun de nous. Car tout individu humain a vocation à devenir philosophe. (...) Et, en tout cas, cela n'est jamais arrivé avant l'invention de la philosophie par les Grecs." Lire Homère, c'est retrouver à tous moments cette lumière de la Grèce antique que j'aime tant, et comme le dit Marcel Conche, j'ai une double nationalité : française et grecque... 
            

jeudi 10 décembre 2015

Homère, 2

On ne peut pas séparer l'Iliade de l'Odyssée car un personnage de légende, Ulysse, les relie et il s'avère que l'Odyssée a marqué, marque et marquera des générations de lecteurs(trices). Ulysse représente l'aventure humaine, le voyage, la curiosité, le courage, l'intelligence (la métis chez les Grecs). Je connaissais maintes aventures de ce héros fabuleux mais j'ai bien apprécié le rappel de mémoire donné par notre professeur. Il avait préparé la carte géographique des péripéties d'Ulysse, de la Grèce à la Sicile, de la Sardaigne à Gibraltar, de Naples à la Tunisie, le bassin méditerranéen est le berceau de la civilisation occidentale du monde grec. Ulysse a tué le géant cyclope Polyphème en lui crevant l'œil avec un pieu d'olivier. Or, le cyclope est le fils de Poséidon, lui-même frère de Zeus et la vengeance du dieu de l'océan va poursuivre Ulysse tout au long de son périple. Cette saga antique ressemble à une "série" d'aujourd'hui : des Sirènes enjôleuses aux Lestrygons guerriers, de Circé à Eole, de Charybde en Scylla, Homère nous raconte les exploits d'Ulysse avec une ironie philosophique. Le poète formule un message d'espoir : malgré les malheurs, les difficultés, les accidents de la vie, il faut suivre l'exemple d'Ulysse. Car, l'homme n'échappe pas à son destin même s'il est prévenu. Sa bravoure indestructible et son intelligence rusée lui permettent d'assumer les épreuves qu'il traverse. Il revient à Ithaque, seul car tous ses compagnons ont péri et quand il retrouve Pénélope, sa femme quittée devant vingt ans, Ulysse a accompli son destin. Cette histoire tient du mythe où les hommes et les dieux cohabitent dans "la fureur et le bruit". Ce livre d'images épiques est notre premier roman des origines, notre premier roman d'aventures, notre premier roman d'amour, notre premier roman historique... On a tous du Ulysse en nous, même si on est une femme. Car les épreuves de la vie sont unanimement partagées par les deux sexes...

mardi 8 décembre 2015

Homère, 1

Pendant six semaines, j'ai assisté à un cours de mon professeur de littérature (et de philosophie, aussi) sur Homère, proposé par l'USTL (Université savoisienne du temps libre) à  Chambéry. Evidemment, douze heures pour aborder le premier écrivain de la planète, c'est quand même trop peu... Il aurait fallu que l'on analyse Homère tout un semestre au minimum. Mais, ce format de cours nous a tout de même plongés dans l'Iliade et l'Odyssée,  deux œuvres écrites 2800 ans avant J.C. ! J'ai même été étonnée de me retrouver avec une cinquantaine "d'élèves sexagénaires et plus" pour écouter les explications de notre professeur, grand amateur éclairé du grec ancien et de sa littérature. Tout le monde connaît l'épopée de l'Iliade avec le valeureux Achille, sommé de récupérer la belle Hélène, enlevée de son plein gré par le beau Paris de Troie. Cette saga antique sur la guerre entre les Achéens et les Troyens n'a pas pris une ride et ce texte d'une portée universelle garde toute sa dimension historique quand on sait que des archéologues recherchent toujours des traces de Troie dans la Turquie d'aujourd'hui. Ulysse, le héros aux "mille tours" trouvera une astuce pour vaincre la cité aux remparts imprenables : le cheval de Troie. Cette tricherie audacieuse et astucieuse a permis la fin de la guerre et le retour à la paix. Mais que de batailles, de dialogues, d'interventions divines, de duels dont celui mythique d'Achille et d'Hector ! Une épopée sublime et magnifique que l'on a oubliée de lire sauf si on se donne l'opportunité de suivre un cours pédagogique sur Homère. L'Iliade nous renseigne sur la vie quotidienne des héros et des dieux, sur la forme littéraire en chants scandés par des aèdes. Lire Homère, c'est retrouver le soleil de ce pays magique, de goûter le sel de la mer, la cuisine à  l'huile d'olive, de rêver sous un ciel d'un bleu antique... Ces exploits ont été recueillis par ce mystérieux et insaisissable Homère.  Comme j'apprends le grec ancien depuis deux ans, je suis d'autant plus motivée pour relire Homère, le savourer voire essayer de traduire quelques passages avec mon professeur de grec ancien que je ne remercierai jamais assez de m'offrir deux heures par semaine, les fondamentaux de la langue grecque, une invention d'inspiration divine, j'en suis persuadée... Merci à Zeus !  

lundi 7 décembre 2015

"Si c'est un homme"

Depuis la rentrée de septembre, je suis inscrite à un cours de littérature animé par Daniel que je suivais déjà, dès janvier 2015. Notre professeur a analysé "Les Fleurs du Mal" de Baudelaire, le surréalisme, la littérature au féminin. Il nous a proposé cette fois-ci le thème de la condition humaine avec trois écrivains : André Malraux, Primo Levi et Robert Musil. Je n'ai pas assisté aux cours donnés sur Malraux et "La Condition humaine" pour des raisons fort agréables de voyages divers. Mais, je ne voulais surtout pas manquer le cycle consacré à Primo Levi. J'ai relu "Si c'est un homme" avec une attention encore plus profonde que dans ma première lecture datant d'une vingtaine d'années. Ce témoignage sur les camps de concentration est unique, irremplaçable, essentiel pour appréhender l'horreur du nazisme et de l'Holocauste. J'ai lu l'ouvrage avec un crayon et j'ai souligné un très grand nombre de phrases sur l'expérience concentrationnaire. Les bourreaux perdent leur humanité alors que les victimes pourtant déshumanisées à l'extrême, luttent pour conserver la leur. Primo Levi décrit avec une précision de scientifique (il était chimiste) la vie dans ce camp terrible avec la faim chronique, le froid glaçant, l'humiliation, l'anéantissement de toute personnalité. Il survit grâce à la solidarité de quelques compagnons. Il raconte sans émotion cet enfer dantesque, cette disparition programmée d'une partie de l'humanité. Il faut absolument lire et relire ce chef d'œuvre de la littérature italienne, car Primo Levi a décrit avec une lucidité froide et une sobriété philosophique, la folie nazie : "J'ai survécu, j'ai raconté, j'ai témoigné". La force de ce témoignage, dépourvu de haine et d'esprit de vengeance, montre que la littérature peut nous aider à comprendre et à combattre  l'insupportable, l'inimaginable, l'insoutenable de l'expérience concentrationnaire et totalitaire. Pourtant, Primo Levi a mis fin à ses jours à Turin en 1987. Sur sa tombe, on peut lire seulement son matricule : 174517... Dans le préambule de l'ouvrage, l'écrivain nous dit : "N'oubliez pas que cela fut. Non, ne l'oubliez pas : gravez ces mots dans votre cœur". Une lecture salutaire et essentielle en ces temps où un certain totalitarisme religieux menace l'humanité. Le cours de littérature m'apporte un nouvel éclairage sur des œuvres que j'avais lues un peu trop superficiellement. Et la relecture est un exercice intellectuel assez surprenant car les années que je cumule ne semblent pas se transformer en handicap... Bien au contraire.  

vendredi 4 décembre 2015

Rubrique cinéma

Je voulais absolument voir le dernier film de Nanni Moretti, "Mia madre" car j'aime beaucoup ce réalisateur. J'ai donc vu cet après-midi le long métrage du cinéaste italien et je ne n'ai pas été déçue, loin de là. J'ai retrouvé l'univers autofictionnel de Moretti, mais à un degré plus profond, plus subtil. Ce n'est pas le réalisateur qui raconte, dans un journal intime filmé,  la maladie de sa mère. Ninna Moretti interprète le frère de l'héroïne, nommée Margherita, (magnifique comédienne, Margherita Buy). Ce double féminin traverse une crise professionnelle et familiale. Elle termine un film social mais le choix d'un acteur américain ne se déroule pas comme prévu. Ils s'affrontent sans cesse car il ne connaît pas son texte et se conduit d'une façon trop capricieuse. Parallèlement, Margherita accompagne sa mère à l'hôpital et ne réalise pas la gravité de sa maladie. En fait, elle nie la proche disparition de sa mère et survit grâce au travail. L'angoisse la traverse fréquemment la nuit et ses cauchemars sont filmés avec des images surréalistes. Elle vit aussi une relation tendue avec sa fille qui lui préfère sa grand-mère, ancienne professeur de latin. Entre ses difficultés de communication avec ses proches et ses péripéties professionnelles, le parcours de Margherita est semé d'embuches. Elle finit aussi par rompre avec son compagnon. Seul, son frère la soutient et l'aide à surmonter les épreuves. Il se montre un très bon fils avec sa mère, se mettant même en disponibilité pour l'assister jusqu'à la mort finale. Le personnage du frère prend de l'importance au fil des images avec sa présence chaleureuse et sereine auprès de sa sœur en crise existentielle et de sa mère en fin de vie. Ce film émouvant et profondément humain comporte aussi quelques scènes humoristiques concernant l'acteur américain et ses gaffes permanentes.  La mère si belle, jouée par Guilia  Lazzarini, est un personnage emblématique pour la transmission familiale et culturelle (hommage au latin), la générosité maternelle universelle, le courage et l'abnégation jusqu'à la fin de sa vie. Un très beau film, sensible, touchant sans pathos comme on en voit peu dans l'année. Je n'ai pas pu m'empêcher de verser quelques larmes à la fin...

jeudi 3 décembre 2015

"Palmyre, l'irremplaçable trésor"

J'avais lu les mémoires passionnantes de Paul Veyne, un des plus grands historiens français, et je conseille encore son autobiographie : "Et dans l'éternité, je ne m'ennuierai jamais", parue en 2014. Il vient d'écrire un essai sur la cité de Palmyre, tristement célèbre par sa destruction perpétrée par la horde D. L'historien prend la parole pour raconter la fabuleuse histoire de cette cité antique. Il écrit : "Malgré mon âge avancé, c'était mon devoir d'ancien professeur et d'être humain de dire ma stupéfaction devant ce saccage incompréhensible et d'esquisser un portrait de ce que fut la splendeur de Palmyre qu'on ne peut plus désormais connaître qu'à travers les livres". Comme un beau conte oriental, Paul Veyne rend hommage à la cité pour son syncrétisme culturel. Au milieu du désert syrien, à côté de la Perse (Iran), ce lieu magique surgit comme une oasis et appartenait au vaste empire romain. On y parlait le grec, l'araméen et les habitants vivaient de commerce. L'historien décrit les monuments, les temples, les coutumes de cette cité à la croisée des deux mondes, l'occidental et l'oriental. Le désastre de sa démolition constitue un crime contre la culture "humaine". Les terroristes ont même assassiné l'archéologue Khaled al-Assaad, directeur des antiquités de Palmyre, auquel ce livre est dédié car il s'était intéressé aux "idoles". Imaginons l'anéantissement de Pompéi, de Syracuse, de Taormina et d'autres lieux magiques de l'Antiquité car Palmyre appartenait au patrimoine mondial  de l'Unesco. Comme l'archéologie raconte l'histoire de l'humanité, l'ouvrage de Paul Veyne apporte une lumière essentielle sur cette catastrophe historique. "Oublier le passé, c'est se condamner à le répéter" écrivait Primo Levi.  Palmyre restera toujours dans nos mémoires même si les traces ont disparu... 

mercredi 2 décembre 2015

Les 25 meilleurs livres de l'année

A la fin de l'année, j'aime bien découvrir la sélection de la revue Lire, concernant les 25 meilleurs livres de l'année. A ma grande satisfaction, le roman de Boualem Sansal, "2084 : la fin du monde" a été choisi comme le Livre de l'Année 2015. L'explication que nous donne la rédaction, confirme mon intuition : ce roman raconte la grande menace du XXIè siècle, le terrorisme islamiste. Je cite cette phrase : "Une année entamée dans les larmes le 7 janvier, avant que ne leur succèdent le sang et la colère, le 13 novembre" et plus loin, l'écrivain algérien nous annonce cette sentence prémonitoire : "La religion fait peut-être aimer Dieu mais rien n'est plus fort qu'elle pour faire détester l'homme et haïr l'humanité". Il faut saluer avec admiration cet écrivain d'un courage inouï. Il décrit dans son roman d'une audace politique indéniable, l'irruption d'un totalitarisme religieux dans un pays, l'Abistan, vivant sous le règne de la charia. Son œuvre résonne fort et juste dans cette dénonciation du radicalisme religieux et de l'intolérance, du triomphe de l'ignorance et de l'inculture généralisée. La revue Lire ne pouvait qu'honorer ce livre "rare, un livre puissant, au croisement de la fable et du pamphlet, de la satire et du roman d'anticipation".  Dans la catégorie "Roman français", on trouve Virginie Despentes, dans la catégorie "Roman étranger", l'écrivain islandais, Jon Kalman Stefansson et son "D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds". Puis, je citerai encore Victor Del Arbol dans la catégorie "Polar" et Philippe Forest pour son Aragon dans les biographies. La revue propose aussi un entretien avec Boualem Sansal, au centre de la revue et une sélection de beaux livres pour les Fêtes de Noël. Pour conclure, ce numéro de décembre et de janvier offre de bonnes idées de lecture pour cette fin d'année. Il paraît que le livre est le cadeau préféré des Français et cette constatation ne peut que me satisfaire.

mardi 1 décembre 2015

"A ce stade de la nuit"

Quand j'ai appris la sortie du nouveau texte de Maylis de Kerangal, "A ce stade de la nuit", paru aux éditions Verticales, je me suis précipitée chez Garin pour l'acquérir. Cet opus de 73 pages, dans un format poche, se lit vite mais mériterait une deuxième lecture plus approfondie. Ce récit littéraire ressemble à une longue réflexion poétique et politique sur le problème majeur des migrants fuyant leurs pays dévastés par la guerre. Ils franchissent les frontières pour trouver un havre de paix en Europe. La narratrice entend à la radio le mot "Lampedusa" et ce mot géographique l'entraine dans une rêverie sur Burt Lancaster, l'acteur américain interprétant le comte Don Fabrizio dans "Le Guépard" de Visconti. L'écrivain italien se nommait lui-même Giuseppe Tomasi di Lampedusa. Dans le roman, le comte vieillissant observe la fin de son monde patriarcal et monarchique dans la grande scène du bal dont les images éblouissantes de Visconti restent gravées dans nos mémoires de cinéphile. Pourquoi Maylis de Kerangal utilise-t-elle le cinéma pour illustrer le drame terrible d'un naufrage de migrants en Méditerranée ? Comment un décor aussi magique, la mer, peut-elle se transformer en tombeau ? L'écrivain ne donne pas de réponse mais invite le lecteur à s'interroger sur les mots que nous écoutons parfois dans une indifférence coupable. Le terme Lampedusa n'est pas qu'une île paradisiaque ou un écrivain extraordinaire ayant écrit un chef d'œuvre de la littérature italienne. Cette île porte le malheur du monde où des hommes, des femmes et des enfants veulent l'atteindre pour survivre. Cet ouvrage propose une réflexion politique sur la complexité du monde contemporain. La littérature sert à comprendre la vie et la société dans laquelle nous vivons... 

vendredi 27 novembre 2015

Hommage aux victimes

J'ai hésité à écrire sur la cérémonie de ce matin où la nation rendait hommage aux 129 victimes du terrorisme islamique. Pourtant, j'ai eu les larmes aux yeux en pensant à tous ces jeunes qui, pour la plupart d'entre eux, avaient la vie devant eux. Sobriété, émotion, chagrin, colère aussi, perte, désillusion. Oui, l'insouciance a quitté nos cœurs même avec la musique, même avec la culture, même avec l'amour, même avec l'amitié. Les mots ont de l'importance, une immense importance. Dans le discours présidentiel, j'ai remarqué l'expression "dureté du monde". Il faut le dire : nous ne vivons plus dans un monde de guimauve, d'optimisme béat, de bisounours. Mais il faut parler, écouter de la musique consolante, se battre contre la stupidité universelle et le fanatisme tueur. Les paroles des chansons de Brel et de Barbara résonnaient juste, résonnaient vrai. Peut-on lutter qu'avec de l'amour ? Comment vivre normalement après tout ce massacre ?  La liberté de nos sociétés est-elle menacée ? Répondons par l'affirmation indéfectible de nos valeurs républicaines et démocratiques, sans trembler de peur et de haine. Que cette cérémonie était poignante et fragile notre démocratie cristalline... Il s'est passé quelque chose d'indicible, d'indescriptible  ce matin. La civilisation française, nous l'aimons tous sans exception et le monde entier l'aime aussi avec admiration. Nos Lumières éclairent notre pays depuis des générations entières. Continuons à les transmettre à la barbe des obscurantistes moyenâgeux. Je ne porterai jamais leur voile de soumission car je suis libre de lire,  d'écouter de la musique si essentielle à la vie, de contempler la beauté des paysages (je vois les montagnes de ma fenêtre). La vie continue comme on le dit souvent mais, pas comme avant le 13 novembre... Hommage aux victimes. 

jeudi 26 novembre 2015

Atelier de lectures, 3

Après Colette en octobre, j'avais envie de présenter Simone de Beauvoir, un écrivain-phare pour moi. J'ai suggéré de lire  "La femme rompue" et "Une mort très douce". Mais le temps a passé trop vite et nous n'avons pas abordé sérieusement les deux ouvrages en question. Pour ma part, j'ai relu "La Femme rompue" et j'avoue que ces trois nouvelles m'ont un peu déroutée car lire à l'âge de trente ans et lire trente cinq ans plus tard,  réservent des surprises. Dans le premier récit, Simone de Beauvoir évoque un couple dans le milieu intellectuel parisien. Le personnage féminin traverse une crise : son mari vit un peu au ralenti et son fils s'éloigne d'elle. Son intransigeance provoque une dispute violente avec ce fils qui renonce à sa thèse alors qu'elle rêvait pour lui d'une carrière de professeur... L'héroïne s'installe dans la "déprime" parce qu'elle n'accepte pas le changement de son fils (qui rejoint tout de même le ministère de la culture)... La déception parents-enfants me semble un peu dépassée de nos jours bien que cela soit un thème universel... La troisième nouvelle concerne l'éclatement d'un couple. Le mari trompe sa femme mais il se sent culpabilisé devant la souffrance de son épouse, délaissée et abandonnée. J'ai aussi trouvé le sujet pas très original... Je me suis rendue compte en relisant ce livre que j'aurais du conseiller les œuvres autobiographiques et en particulier "Les Mémoires d'une jeune fille rangée", "La Force des choses", "La force de l'âge", "Tout compte fait", "La Cérémonie des adieux".  C'était passionnant à l'époque de lire l'ensemble des récits autobiographiques comme un témoignage historique, politique, sociologique sur la vie d'une grande intellectuelle française des années 40 aux années 80. Elle a cultivé le sens de la révolte à tout va : contre la Guerre d'Algérie, la colonisation, l'inégalité homme-femme, le carcan des injustices faites aux femmes. Son alliance originale et égale avec Sartre a servi d'exemple à toutes les femmes du monde entier. Je voulais rendre hommage à cette figure incontournable de la littérature française du XXe siècle en tant que féministe influente. Sa vie se confond avec la littérature, avec les idées au service d'un idéal qu'il ne faut pas oublier surtout en ces temps agités où certains criminels fanatiques veulent détruire tous les délices de la pensée, tous les enchantements de la liberté et tous les bonheurs de l'art et de la littérature...       

mercredi 25 novembre 2015

Atelier de lectures, 2

Après le coup de cœur de Janine, Nicole s'est enthousiasmée pour "Sapiens" de Yuval Noah Harari. Evidemment, ce document ne se lit pas comme un roman, mais pour un essai, il se lit aussi facilement qu'un roman. Cet ouvrage, véritable phénomène d'édition, a conquis un vaste public qui s'intéresse à l'Histoire de l'homme depuis 100 000 ans... L'historien pose les questions sur la domination de l'humanité sur la planète, sur le rôle de la religion, de l'écriture, de la nation, des lois, etc. Une somme formidable pour se cultiver avec plaisir... Nicole a trouvé ce livre passionnant avec ses 492 pages et nous a communiqué son envie de le découvrir. Elle a aussi mentionné le beau roman de Christophe Ono-dit-Biot, "Plonger", et la relecture d'Hector Malot, "Sans famille", une saga émouvante au parfum d'enfance. Geneviève est revenue à la fiction avec l'hommage formulé à l'égard de Robert Musil pour son roman, "Les Désarrois de l'élève Torless", publié en 1906. Ce livre raconte l'histoire d'un groupe d'adolescents complice de sévices sur un autre garçon de son âge dans une école militaire en Autriche. L'écrivain évoque la violence, le sadomasochisme, les relations homosexuelles, la torture et les sévices qui préfigurent à cette époque la montée du nazisme. Un regard sur l'adolescence qui n'a pas pris une ride selon Geneviève. Mylène a parlé de Jan Christian Grondahl, écrivain danois, et de son roman, "Les Complémentaires" qu'elle a beaucoup aimé. Nous en reparlerons dans l'atelier du 15 décembre car je l'ai choisi pour susciter un débat sur l'identité plurielle. Sylvie a terminé le tour de table en présentant l'ouvrage de Jean-Louis Fournier, "Ma mère du Nord", un beau portrait de sa mère discrète et aimante. Voilà pour la partie "coups de cœur". La suite, demain pour un billet sur Simone de Beauvoir.

mardi 24 novembre 2015

Atelier de lectures, 1

Aujourd'hui, nous nous sommes retrouvées autour des livres et de la lecture. Comme je l'ai écrit ces jours-ci, c'est difficile de vivre comme avant et pourtant il faut poursuivre nos activités même si chacune a exprimé sa peur, son angoisse et ses questions sur les attentats de Paris. J'ai évoqué un document, "Le monde des Livres" de vendredi dernier où des écrivains évoquent leur sidération, leur compassion et leur combat culturel des mots face à la barbarie de ces fous furieux préférant la mort à la vie et la haine à l'amour. J'ai retrouvé dans le Cahier des Livres, le témoignage de Zeruya Shalev, elle-même victime d'un attentat à Jérusalem. Pour démarrer et détendre l'atmosphère attristée de l'atelier, Evelyne a lu un texte teinté d'humour de Bernard Friot, extrait d'un recueil "d'histoires pressées". Nous avons ensuite commencé par débattre des nouveautés de la rentrée et des prix littéraires. J'ai donc noté que personne n'avait encore lu le prix Goncourt ("Boussole" de Mathias Enard)... Mylène a évoqué le roman d'Agnès Desarthe, "Ce cœur changeant", ayant obtenu le prix du journal "Le Monde", très agréable à lire. On a cité le très bon Chalandon, "Profession père", "L'homme de ma vie" de Queffelec, et le très équivoque "D'après une histoire vraie" de Delphine de Vigan, un thriller à la Hitchcock, mêlant le faux et le vrai, la fiction et le réel. Dans la catégorie des coups de cœur, Janine, sur les conseils d'une libraire de Chambéry, a beaucoup aimé "Une vie entière" de Robert Seethaler aux éditions Sabine Wespieser. Cet écrivain autrichien est peu connu du public, mais la critique littéraire l'avait déjà remarqué dans son précédent livre, "Le Tabac Tresniek" sur la montée du nazisme en 1937. Dans "Une vie entière", le héros principal est recueilli dans une famille où il est battu. Sa vie dans les montagnes s'avère rude. Il travaille dans une entreprise de téléphériques et quand il revient de la guerre, les géraniums remplacent les croix gammées. La vie rustique du personnage central fait penser à l'univers d'un Ramuz. Une "vie minuscule" dans une nature grandiose, comme dirait Pierre Michon... La suite, demain.

lundi 23 novembre 2015

Rubrique cinéma

Vendredi après-midi, je suis allée au cinéma pour reprendre une vie culturelle normale. La Quinzaine du film italien se tient à Chambéry jusqu'à la fin du mois et je sais que les organisateurs proposent souvent des bons films. J'ai choisi "Latin lover" de Cristina Comencini avec Virna Lisi, Marisa Paredes, Valeria Bruni Tedesci et d'autres excellentes actrices. Dès le départ, la comédie explose avec un rythme soutenu et les rires fusent vite dans la salle. Cela semble même surréaliste d'entendre rire ou de sourire, pour ma part. L'histoire se déroule en une journée à la façon d'une pièce de théâtre dans une belle propriété de la campagne italienne au charme évident. La famille d'une star du cinéma se retrouve pour commémorer les dix ans de la disparition de leur mari et père. Car, Saverio Crespo représente l'Amant latin par excellence comme Rudolph Valentino en son temps.  Il s'est marié plusieurs fois, a donné naissance à des filles et n'a jamais su résister à une jolie femme... Les retrouvailles entre ses deux premières veuves révèlent déjà quelques surprises et la comédie s'installe quand les filles de l'acteur rentrent en scène avec leurs manies, leurs frustrations, leurs névroses. L'une vient d'Amérique, l'autre d'Espagne, l'une de Suède, l'autre d'Italie et les coups de théâtre s'enchaînent dans un brouhaha joyeux, délicieusement féminin. Mais, alors que la cérémonie se déroule sur l'écran dans une belle et joyeuse rétrospective qui rend hommage au cinéma, un homme qui était sa doublure, se présente et veut assister à la fête. Et, cet intrus du passé semble considérablement gêner les deux veuves... Je ne dévoilerai pas le secret de Saverio Crespo car ce secret intime pourrait déclencher un scandale. Quand je suis sortie de la salle, je me suis dit que la comédie italienne est loin d'avoir disparu et symbolise des valeurs que personne ne peut nous enlever : l'humour, la légèreté d'être, l'amour tourné en dérision, la famille éclatée, recomposée, libérée... Un petit chef d'œuvre, un film lumineux qui enchantera les amoureux du cinéma.

vendredi 20 novembre 2015

La Grande Librairie

J'ai, comme beaucoup de mes compatriotes, passé beaucoup de temps devant les médias car les images nous captent l'esprit avec une redoutable efficacité. Les faits parlent d'eux-mêmes et Paris, pour des causes atroces, est devenu le centre du monde. J'ai aussi lu la presse quotidienne qui m'informe mieux et approfondit ma vision du réel si complexe à comprendre aujourd'hui. J'ai vu dans Chambéry des témoignages et des bougies sur la Fontaine des Eléphants et ces marques de compassion pour les victimes, assassinées dans leur pleine jeunesse, m'ont impressionnée. Comme j'entendais rire des lycéens, je me suis approchée d'eux pour discuter, une démarche que je n'aurais pas pu entreprendre avant les événements. Ils m'ont dit qu'ils étaient tristes de vivre une époque aussi violente mais ils m'ont bien dit que "ces gens-là ne réussiront pas à les détourner de ce qu'ils aiment vivre" : se retrouver entre eux pour le plaisir, la légèreté, le bien vivre à la française. Ils devaient aller à un rassemblement pour rendre hommage aux victimes. Hier au soir, François Busnel a proposé une rencontre entre écrivains pour réfléchir sur ces tragiques événements. J'ai retrouvé Boualem Sansal qui a écrit un roman d'anticipation sur le totalitarisme djihadiste. Ce roman aurait été même écarté des grands prix littéraires (il a quand même obtenu le Prix de l'Académie française) pour éviter d'alimenter le pessimisme ambiant. Le prix Goncourt en la personne de Mathias Enard porte un message plus "heureux" en ces temps obscurs du terrorisme islamiste. Chaque invité devait choisir un mot pour qualifier les attentats de Paris : l'écrivain algérien a choisi le "silence", Boris Cyrulnik le mot "Un", un autre "cauchemar", une jeune romancière marocaine a pensé à "jeunesse". Cette émission a posé la question : "Que peut la littérature en ces temps sombres ?" Et c'est consolant et rassurant de voir que la fiction nous aide à comprendre la complexité du monde, de l'Autre, de la nuance, de la distance. Ils nous ont bien rappelé que les tueurs haïssent les livres car ils n'en lisent qu'un seul... Cela faisait du bien d'entendre parler de livres, de romans, de contes dans ce monde asphyxié en ce moment par des actualités d'une noirceur inouïe. Je vais suivre le conseil de François Busnel qui a conseillé Albert Camus et son livre d'une valeur universelle : "La Peste". Comment vivre maintenant avec cette peste, cette guerre asymétrique où les assaillants ne voudront jamais signer un traité de paix... Retournons à nos livres, à notre vie d'avant mais avec le cœur-chagrin...

mardi 17 novembre 2015

Au bord du lac

Cette après-midi, j'avais envie de marcher pour prendre l'air, respirer l'odeur du lac du Bourget. Après les moments très pénibles et très tristes du vendredi 13, il faut reprendre le fil de la vie. Et dans ma balade, j'ai croisé des promeneurs solitaires ou en couple. J'avais l'impression que tout avait changé. On se saluait gentiment, poliment, avec une civilité plus appuyée. Le paysage qui s'étalait devant moi m'insufflait une sérénité retrouvée. Tout semblait calme, apaisant : des pêcheurs attendaient patiemment les poissons avec leurs lignes, quelques mouettes virevoltaient dans le ciel gris-bleu, des cyclistes et des jeunes en roller me dépassaient sur la jetée. J'ai observé sur la plage des Mottets dans les roselières, les canards, les cormorans, les cygnes et même ma copine habituelle, l'aigrette. Nous étions quelques promeneurs à savourer ces moments de paix dans une nature préservée. J'ai questionné un amateur-photographe sur la façon de photographier les oiseaux et ce passionné d'ornithologie m'a prêté ses jumelles pour observer les bécassines des marais, un busard, un héron cendré. Deux autres personnes se sont approchées de nous et ont partagé ce moment, un moment de grâce sous un soleil d'automne d'une douceur palpable. Mais, soudain, deux avions chasseurs ont surgi dans un boucan manifeste. Ils nous ont rappelé la situation actuelle et nous avons évoqué la quiétude du lac et notre inquiétude de l'avenir. Les mouettes, les cormorans, l'aigrette, les poules d'eau, les canards, les cygnes, les bécassines m'ont fait du bien cet après-midi et ce petit groupe d'humains se réjouissaient de la beauté du lieu, du pacifisme des volatiles, de la sérénité du lac malgré les avions chasseurs qui partaient peut-être pour nous défendre...

lundi 16 novembre 2015

Avant et Après

J'ai beaucoup de mal à m'exprimer ce soir car mon dernier billet sur Delphine de Vigan date du vendredi 13 novembre. Cela semble futile de poursuivre mes commentaires sur la littérature, les voyages, le cinéma. J'ai appris la terrible nouvelle que samedi matin quand j'ai ouvert ma tablette. Quand j'ai vu les titres du journal Le Monde, je n'y croyais pas. Pourtant, depuis "Je suis Charlie", la vie a changé dans nos sociétés occidentales. Un sentiment d'insécurité est de plus en plus prégnant dans nos têtes. Comment allons-nous vivre maintenant ? Je pense aux victimes avec une compassion totale. Ces attentats à Paris contre la jeunesse qui aime le rock, contre les Parisiens qui aiment s'attabler dans une terrasse pour partager l'amitié, symbolisent la haine de la liberté, de la culture, de la démocratie, de la convivialité républicaine. Depuis que je suis allée à Berlin, j'ai repensé aux nazis qui ont brûlé les livres des écrivains non conformes à leurs idées en 1933. Un jeudi soir, j'ai écouté Paul Veyne à la télévision qui évoquait la belle cité de Palmyre, un joyau de l'Antiquité, dynamitée par les terroristes islamistes. Cette haine de la liberté, de la culture, de la civilisation occidentale me fait peur et il est temps de dire que notre monde confortable va devenir un monde inconfortable, dangereux surtout pour ceux qui vivent  dans les métropoles    Il faut pourtant continuer notre vie comme avant. Malgré mon effarement, malgré ma sidération devant ces attaques lâches, inhumaines perpétrées par des fanatiques islamistes, il faut continuer à vivre comme avant. Lire, écrire, voyager, rencontrer des amis, aller au restaurant, au concert, au spectacle, au cinéma, sur une terrasse, au musée, tous ces actes ne doivent pas disparaître de notre vie quotidienne. J'ai relu hier l'ouvrage de Primo Levi, "Si c'est un homme" et j'ai vu dans ces bourreaux nazis, le visage hideux des terroristes islamistes. Beaucoup de récits et de romans se saisiront un jour de ces événements tragiques. Primo Levi a décrit la négation de l'humanité, et pourtant il a réussi à se maintenir en vie grâce à quelques compagnons du camp. Je citerai ce passage : "Je crois que, c'est justement grâce à Lorenzo que je dois d'être encore vivant aujourd'hui, non pas tant pour son aide matérielle que pour m'avoir constamment rappelé, par sa présence, par sa façon si simple et si facile d'être bon, qu'il existait encore, en dehors du nôtre, un monde juste, des choses et des êtres encore purs et intègres que ni la corruption, ni la barbarie n'avaient contaminés, qui étaient demeurés étrangers à la haine et à la peur ; quelque chose d'indéfinissable, comme une lointaine possibilité de bonté, pour laquelle il valait la peine de se conserver vivant." Primo Levi nous apprend qu'il faut toujours garder un certain espoir, même minime, en l'homme mais, vendredi, ces humains d'apparence n'en étaient pas comme les nazis en leur temps funeste...   

vendredi 13 novembre 2015

"D'après une histoire vraie"

J'ai hésité à lire le dernier roman de Delphine de Vigan, victime de son succès dès la rentrée. Je préfère souvent les écrivains confidentiels, secrets, marginaux, peu aimés du grand public... J'avoue mon "snobisme" intellectuel... J'ai passé outre pour "D'après une histoire vraie" qui vient d'obtenir le prix Renaudot. Son précédent livre, "Rien ne s'oppose à la nuit", sorti en 2011, avait marqué les lecteurs par l'audace du sujet : le portrait sulfureux d'une mère bipolaire en souffrance qui finit par se suicider. Cet ouvrage d'autofiction avait bouleversé des milliers de lecteurs et Delphine de Vigan raconte dans un journal intime, les répercussions de son œuvre précédente. Elle a parcouru les librairies et les bibliothèques pour rencontrer son public, expliquer sa démarche autobiographique. Le succès est dévoreur de temps et l'auteur a mis son écriture entre parenthèses.  Ce rejet obstiné de ne plus pouvoir se mettre devant un ordinateur (ce qu'elle dit elle-même) l'a mise en danger. Or, un jour, elle rencontre une femme, L., une lectrice motivée qui va s'infiltrer dans sa vie. L. file une toile de plus en plus oppressante auprès de l'écrivain, qui se laisse envahir avec un certain sadomasochisme. L. devient le double de la narratrice qui s'isole des amis, de ses grands enfants, partis à l'université. Son compagnon, François, un célèbre journaliste littéraire, ne soupçonne pas l'intrusion de cette amie envahissante. Le roman autofictif prend des allures de thriller car les intentions de L. ne sont pas claires. Cette femme qui ressemble à l'auteur, pratique le métier de "nègre" et elle écrit les mémoires des personnalités médiatiques. Cette disponibilité lui donne toute latitude pour cerner au plus près la vie de plus en plus désertée de Delphine de Vigan. Mais, l'écrivaine parvient peu à peu à comprendre qu'elle sombre dans une dépression sévère par incapacité créative. L. la conseille, la conforte, l'influence, la soumet à écrire un récit vrai, authentique, vécu loin de la fiction futile et inefficace. Je ne donnerai pas la clé du récit-roman car il vaut mieux découvrir un des meilleurs livres de la rentrée sur le thème de la vérité et de l'illusion. L. est-elle le double de l'auteur ? L. existe-t-elle vraiment ?  Au fond, l'existence de L. dans la vie réelle n'a pas d'importance. Il suffit de croire Delphine de Vigan et de saluer sa prouesse littéraire : vérité et fiction se mêlent allègrement dans ce récit haletant...

jeudi 12 novembre 2015

"Ce coeur changeant"

Ce roman d'Agnès Desarthe détone dans la rentrée littéraire. Il a reçu quelques prix dont celui du journal Le Monde et a déjà conquis un large public. Certain(e)s lecteurs(trices), préfèrent encore la tradition romanesque à la littérature d'avant-garde,  une histoire-destin, une fiction-fleuve avec des personnages plutôt sympathiques, des personnages qui occupent largement un espace-temps appréciable. Le livre, "Ce cœur changeant", possède ces critères plaisants et d'une qualité très rare dans ce parti-pris littéraire. L'héroïne se nomme Rose. Elle est le fruit d'un mariage malheureux avec un père militaire français guindé et avec une mère aristocrate danoise, d'une beauté éblouissante. Mais ces parents-là se sont pas doués dans l'éducation de leur fille. Rose, dans son malheur familial, vit une relation réconfortante avec sa nourrice adulée. A 17 ans, elle s'enfuit à Paris, rompt avec sa famille et commence une vraie vie de galère. Elle fait du ménage dans un bar à la réputation douteuse. Elle est sauvée par une femme, Louise, qui lui propose de partager son appartement, lui déniche un travail de couturière à l'Opéra-Comique et lui donne son cœur aussi... Rose traverse le début du XXe siècle dans un Paris festif des années 20 et 30 sans se poser des questions stériles. Elle avance, tête haute et ne se plaint jamais. Quand elle adopte un bébé alors que sa compagne refuse la situation, elle choisit la maternité dans la solitude avec un courage sans fin. Elle renoue avec son père dans des circonstances particulières. Je ne résumerai pas davantage ce roman qui se lit d'une traite avec un plaisir d'adolescente au temps des lectures fiévreuses. Agnès Desarthe embarque son lectorat dans une aventure fictionnelle attachante, vivante et émouvante, sans oublier son immense talent d'écriture. La presse littéraire a salué ce roman généreux, et l'on sait que la générosité ne règne pas beaucoup dans l'espace parisien de la littérature d'aujourd'hui...

mercredi 11 novembre 2015

Escapade à Berlin, 5

J'ai donc feuilleté le livre d'Histoire de Berlin à travers les monuments, les églises dont l'impressionnante cathédrale, Berliner Dom et sa crypte glaçante où sont installées 95 sarcophages de la dynastie des Hohenzollern, les places à l'esprit baroque, l'université de Humboldt, etc. Je n'ai pas encore abordé la peinture et cette ville propose des lieux magnifiques. Dans l'Ile aux Musées, deux musées disposent de collections très importantes  : le Alte Nationalgalerie et le Bode. J'ai vu mes "premiers" peintres allemands que je ne connaissais guère sauf le célèbre romantique Gaspard David Friedrich dont les tableaux dégagent une nostalgie toute nordique. Mais, il ne fallait surtout pas que je contourne un des plus grands musées européens, je veux parler de la Gemaldegalerie, installée dans un bâtiment moderne avec ses 2 700 œuvres exposées. Et quand j'ai pénétré dans les 53 salles, toute la peinture européenne n'attendait que mon admiration et je ne citerai que mes coups de cœur : Cranach, Bosch, Breughel, Rembrandt, Vermeer et encore Bellini, Le Caravage, Guardi, Fra Angelico. Quel festival de beauté ! J'ai aussi découvert deux petits musées qui se font face devant le château de Charlottenburg : le Museum Berggruen et le Sammlung Scharf-Gestenberg. Le premier m'a offert une belle surprise avec 110 œuvres de Picasso (!!) et les sublimes statues de Giacometti que j'aime vraiment beaucoup. Le second proposait une exposition sur le surréalisme avec, en particulier,  des toiles de Magritte et de Ernst. J'ai vu peu d'art contemporain qui n'arrive, décidément pas, à me toucher, mais par curiosité, j'ai visité une ancienne gare transformée en musée et la nef qui recevait des voyageurs était devenue un espace monumental où j'ai déambulé dans un labyrinthe constitué de toiles collées les unes sur les autres et de hauteur différente pour former cette forme géométrique dans laquelle le visiteur s'introduit comme si on pénétrait le point central de l'acte de peindre car sans matériau, pas d'art en vue... J'ai aussi découvert dans un lieu excentré, le Martin-Gropuis-Bau, une œuvre extraordinaire d'Anselm Kiefer, une bibliothèque monumentale avec des livres, réalisée en feuilles de plomb et symbolisant peut-être le rôle majeur des livres, des réceptacles éternels de la mémoire humaine... Quand je découvre une nouvelle capitale, mes yeux dévorent tous les détails du quotidien, aussi bien les plats nationaux (les saucisses-frites au curry) comme les transports, les avenues, les kiosques, les Berlinois, les façons de s'habiller, les musées, les monuments, les scènes de rue... Tout m'intéresse, et pas seulement les lieux incontournables recommandés par les guides (très utile, le Routard !)... Je reprendrai mes pérégrinations au printemps prochain et je vais passer l'hiver à rêver de mes futures destinations !  

mardi 10 novembre 2015

Escapade à Berlin, 4

Berlin, cette ville chargée d'Histoire, de culture, ville cosmopolite comme toutes les capitales, ne se livre pas facilement. Après avoir vu les restes du Mur, le Musée historique allemand, la Topographie des Terreurs, il me semblait logique de visiter le Musée juif de Berlin et le Mémorial de l'Holocauste. Ces lieux n'attirent pas la foule de touristes et j'ai constaté qu'il fallait une motivation personnelle pour se recueillir dans ces lieux imprégnés de tristesse. Se souvenir, verbe essentiel pour visiter ces espaces poignants et graves où quelques personnes regardent les témoignages avec une gravité inhabituelle et une concentration respectueuse. Aucun portable ne vibre, aucune parole n'est échangée. Chacun se retrouve avec cette catastrophe humaine que représente l'élimination d'hommes, de femmes et d'enfants, au nom d'une idéologie mortifère. Le Mémorial de l'Holocauste comporte un ensemble de 2711 stèles de taille et d'inclinaison différentes, installées près de la Porte de Brandebourg. L'architecte américain, Peter Eisenman, a voulu recréer un vaste cimetière monumental, ouvert à tous et permettant le recueillement à tous moments à la mémoire des six millions de disparus. Cette "vague de pierre et de béton gris", véritable labyrinthe, saisit les visiteurs qui pensent à tous ceux qui ont vécu cette effroyable expérience de l'anéantissement. Un centre d'information propose une exposition sur la Shoah et dispose d'une base de données des victimes de la folie nazie dont on peut entendre les noms des victimes, scandées oralement. Ce Mémorial en plein cœur de Berlin permet une prise de conscience, une conscience douloureuse et inoubliable. Pour me remettre de cette émotion, je me suis replongée dans le monde de l'Art, une grande consolation et une réparation psychologique car l'engagement des artistes dans la création donne une image plus heureuse de la condition humaine... J'ai arpenté d'une façon un peu trop vive beaucoup de salles et de couloirs mais je n'évoquerai que quelques "pièces" de choix que j'ai particulièrement appréciées. Voyager, découvrir une capitale n'est pas  toujours une suite de plaisirs, de joies, de détente. Les heures sombres du nazisme ont laissé trop de traces et on ne peut pas fermer les yeux. Passer à côté de ces lieux du souvenir, sans les visiter, me semblerait d'une légèreté insupportable... La suite, demain.

lundi 9 novembre 2015

Escapade à Berlin, 3

Pour connaître le "roman national" de l'Allemagne, j'ai visité l'un des musées les plus importants de Berlin, le "Deutsches Historisches Museum". Installé dans l'ancien arsenal de la ville, l'architecte Pei (celui du Louvre)  a signé son aile, tout en verre en 2004. Je crois qu'il n'existe pas en France, l'équivalent, un musée consacré à l'Histoire de France. Cet immense bâtiment présente une collection hétéroclite, évoquant le pays du Haut Moyen Age à nos jours. Je me suis arrêtée plus longuement sur la période du XVIIIe siècle en remarquant dans une vitrine, l'Encyclopédie de Diderot, traduite en allemand. Les livres exposés montraient la richesse et l'importance de ce Siècle des Lumières, qui rappelle le rôle primordial, essentiel et irremplaçable des intellectuels dans la société. Ce type de musée très pédagogique évite pourtant l'austérité et n'élude pas la période sombre du nazisme. C'était hallucinant de voir toute la documentation visuelle et audiovisuelle de 1933 à 1945 : affiches de propagande, autodafés, lois de Nuremberg, persécution des Juifs, premiers camps de concentration. La Deuxième Guerre mondiale réunissait aussi des photos inédites : bombardements de Berlin, libération des camps, la capitulation, etc. Heureusement, tous les textes étaient traduits en anglais pour m'éclairer, mais les objets et les affiches suffisaient pour appréhender cette époque terrible. Après les années 80, un bout du Mur de Berlin, couvert de graffitis, trônait dans une des dernières salles et je l'avais imaginé beaucoup plus haut.  J'avais hésité à le visiter mais, quand je suis sortie, j'étais agréablement surprise par la démarche historique, sociologique et artistique des responsables du musée. La journée s'annonçait décidément marquée par l'Histoire. J'ai revu le Mur de Berlin dans le quartier de Checkpoint Charlie, le seul lieu de passage entre Berlin Ouest et Berlin Est. Beaucoup de jeunes venaient se faire photographier pour célébrer la réconciliation. J'ai fini ma journée en longeant une partie du Mur et ma curiosité m'a attirée aussi dans un espace, baptisé gravement, "la Topographie des Terreurs", qui expose des documents relatant les actions atroces des nazis, SS, miliciens de la Gestapo. Un rappel salutaire pour que cette folie nazie ne se renouvèle plus.  La survivance du Mur dans quelques quartiers symbolise la Guerre froide, mais on se réjouit quand il est devenu un vestige en 1989 ! La suite, demain.

vendredi 6 novembre 2015

Escapade à Berlin, 2

Quand je me suis trouvée devant le Parlement (Reischtag), j'ai remarqué l'absence de grilles, de forces de l'ordre, de déploiement préventif comme à Paris. Après avoir obtenu un rendez-vous pris sur Internet, je suis rentrée après avoir montré mon passeport. J'ai tout de suite remarqué la rampe hélicoïdale qui domine l'hémicycle et une exposition sur le Parlement relatait l'installation de l'institution depuis 1999. La nuit était tombée sur Berlin et on pouvait voir la Porte de Brandebourg illuminée avec son dynamique "Quadrige de la Victoire", les tours au loin, les places et les avenues. Un grand moment pour moi de respirer la démocratie simple et sans apparat excessif. Le lendemain, un grand ciel bleu m'attendait pour admirer la Bebelplatz où je voulais découvrir la dalle de verre de Micha Ullmann. Sous cette dalle de verre, située en face de l'Université de Humboldt, se niche la bibliothèque engloutie, constituée de rayonnages blancs et vides. J'ai rencontré un Allemand d'un  âge certain qui contemplait avec moi cet ouvrage,  symbolisant le grand autodafé nazi du 10 mai 1933 où furent brûlés 20 000 livres.  Il m'a parlé en français pour me dire que "penser" était un crime sous le nazisme et nous avons énumérer ensemble les œuvres des écrivains victimes de ce massacre de l'intelligence : Thomas Mann, Stefan Zweig, Freud, Remarque pour citer les plus connus. Cette rencontre imprévue avec ce Berlinois francophile m'a plongée dans l'Histoire allemande pendant le nazisme qu'il ne faut jamais oublier. Après ce monument sous terre, célébrant avec pudeur et discrétion la folie nazie, j'ai commencé avec gourmandise mon odyssée des musées. Le lundi, beaucoup d'entre eux sont fermés mais j'ai quand même franchi les portes du "Neues Museum", du "Pergamonmuseum" dès le matin. Comme je suis passionnée par l'Antiquité, j'ai admiré dans le premier, la civilisation égyptienne avec les statues, des immenses fresques, des sarcophages et un grand nombre de pièces uniques. J'ai surtout remarqué la tête de la Néfertiti, exposée dans une vitrine. La salle des papyrus (5 000 pièces) est exceptionnelle car on peut déployer des tiroirs où sont étalés les textes les plus anciens de l'humanité. J'étais ravie de voir ces textes relatant les exploits d'Ulysse... Les bustes de Socrate et d'Homère m'attendaient dans cette salle faite pour moi. Le Pergamon comme on l'appelle en français attirait plus de touristes car il expose le monumental autel de Pergame (160 av JC), dédié à Zeus, reconstitué à l'identique mais j'ai préféré la Porte romaine du marché de Milet (2e siècle ap. JC), ville détruite en 1100 ap. JC. Des archéologues allemands ont dégagé la porte en 1903 et l'ont ramené en Allemagne... Impressionnant ouvrage d'une hauteur de 17 mètres : j'avais l'impression de faire mon marché à cette époque... Matinée dédiée à l'Antiquité pour ces deux premiers musées, mais je n'étais pas encore au bout de mes surprises. La suite, demain.

jeudi 5 novembre 2015

Escapade à Berlin, 1

Je viens de visiter Berlin en cinq jours et même si, évidemment, on ne peut pas "tout" voir, je suis arrivée à concrétiser mon projet de voyage. J'avoue que je n'avais jamais mis les pieds en Allemagne, préférant les pays européens situés au Sud, mes "pays-racines" : l'Espagne, l'Italie, le Portugal et la Grèce... Un sentiment de bien être héliotropique, un envie de lumière bleue, de soleil et d'amour partagé pour... l'huile d'olive, la mer et le ciel toujours au beau fixe. Pourtant, le Nord commence à m'attirer. L'année dernière, j'ai découvert Amsterdam et son merveilleux centre historique avec ses maisons bordées de canaux. En mars de cette année, j'ai fait un saut à Londres, centre d'un monde cosmopolite et combinant une extrême modernité à une tradition royale quelque peu décalée. Berlin ne possède pas un charme particulier comme Rome, Venise, Lisbonne et Paris. Mais, je connaissais la réputation de l'île aux musées (cinq institutions incontournables pour l'art) et je voulais arpenter ces lieux mythiques. Je me suis décidée pour le début du mois de novembre car les touristes se font plus rares quand l'hiver montre son bout de nez et raccourcit les jours. Ma première impression (un dimanche après-midi) m'a étonnée : un calme serein et provincial régnait dans une des plus belles places de Berlin, la Gendarmenmarkt (Gendarmerie) où deux églises du XVIIIe se font face : celle des Français Huguenots, chassés de France et celle des Allemands calvinistes, encadrant le Konzerthaus.  Les arbres roux de la place apportaient une touche nostalgique et un duo de musiciens (violon et violoncelle) jouaient du Schubert. Quelle émotion en entendant ces airs tant de fois écoutés chez moi ! J'ai senti tout de suite l'engouement des Berlinois pour la musique classique. Berlin organise, tous les jours, des concerts de musique de chambre, d'orchestre symphonique. Quand j'ai visité la cathédrale Sainte-Edwige, des flots sonores provenant de l'orgue m'ont submergée avec bonheur. J'aime cet instrument qui me rappelle le souffle de l'océan à l'époque des grandes marées. De place en place, je suis arrivée à la Porte de Brandebourg, entourée d'ambassades et dominant l'avenue Unter Den Linden. Comme cet endroit historique attire la foule de touristes, souvent des jeunes de toute l'Europe, un air de fête imprégnait les têtes comme une exultation de la liberté sous un soleil délicieux de fin de journée. J'ai même été surprise de cette lumière qui donnait aux immeubles une teinte dorée et rousse. Ma première journée s'est terminée au sein du Reichstag dans le Dôme de Norman Foster, dont la transparence correspondrait au symbole politique de la démocratie allemande... La suite, demain.

vendredi 30 octobre 2015

Hommage à Henning Mankell

J'ai appris la disparition d'Henning Mankell à l'âge de 67 ans. Il est décédé des suites d'une longue maladie, ce que l'on dit pudiquement, pour qualifier le cancer. Je ne lis pas souvent des romans policiers mais j'ai toujours fait une exception pour l'écrivain suédois. Son personnage, Kurt Wallander, est avant tout un homme ordinaire, sympathique, honnête et il souffre d'une dépression chronique. Son mal-être nous touche et les enquêtes qu'il mène ne sont pas simplistes et attendues. J'ai apprécié en lisant Mankell, la complexité des intrigues, l'obsession du Mal, la noirceur des personnages, la lumière assombrie de la Scandinavie, la vengeance comme ressort dramatique. Je conseille tout particulièrement "La Cinquième femme", thriller remarquable, écrit dans les années 90. Dans la notice nécrologique de la revue Lire, j'ai noté que l'écrivain pensait que "le roman policier sait parfaitement mettre en scène les dysfonctionnements de la société". Entre la première enquête, "Meurtriers sans visage" et la dernière, "L'homme inquiet", Wallander vieillit comme son créateur qui, en plus, le dote de la maladie d'Alzheimer. L'écrivain avait un ancrage avec le Mozambique, source précieuse car, il a écrit aussi des romans dits  traditionnels, en évoquant son Afrique, plongée dans la corruption et l'injustice. Dans son dernier ouvrage, "Sable mouvant", il évoque son enfance, sa vie à Paris et en Afrique, sa lutte contre le cancer. Mais, de tous les romans qu'il a écrits, je garde un très bon souvenir de son livre, "Les Chaussures italiennes" que je recommande vraiment et que je place au cœur de son œuvre littéraire. Mankell était un grand voyageur, un amoureux de l'Afrique, un citoyen du monde et il a donné au roman policier scandinave, un souffle nouveau. L'écrivain a maintenu toute sa vie sa confiance illimitée en l'homme malgré un certain désespoir de voir la violence ancrée dans la société, celle que l'on voit dans les histoires de Wallander. Il était tout simplement le plus grand des écrivains suédois !

jeudi 29 octobre 2015

"Madame H"

Dès qu'un livre de Régis Debray sort en librairie, je cours l'acheter avec un grand plaisir. Une voix comme celle de Régis Debray m'intéresse car elle fait partie d'une génération des grands intellectuels généralistes comme Alain Finkielkraut. Je ne vais pas rappeler son engagement auprès de Che Guevara, son emprisonnement en Bolivie, sa libération et son retour en France. Il s'est mis au service de François Mitterrand en 1981 comme conseiller personnel. En même temps, il poursuit une œuvre littéraire avec ses récits de vie, sorte de journal intime en continue sur sa vie politique et intellectuelle. Je me souviens en particulier de sa passionnante trilogie "Apprendre à vivre" avec "Les Masques", "Loués soient notre Seigneur" et "Pour l'amour de l'art", tous écrits dans les années 90. Je suis restée fidèle à cet écrivain iconoclaste, agaçant pour les uns, fascinant pour les autres. Sa force réside dans sa vie de philosophe des idées qu'il transmet dans un style inimitable, ramassé, percutant, brillant. Son parcours exceptionnel dans la politique, la nouvelle science qu'il a développée que l'on appelle "la médiologie" ou comment la technique a changé le monde peuvent dérouter le lectorat mais son immense curiosité basée sur une érudition classique  façonne une œuvre exigeante et profonde. Son dernier pamphlet, "Madame H" commence par ces phrases : "Ce fut par un beau dimanche d'été, de tôt matin. Après avoir atterri au Bourget, le chancelier faisait le tour d'un Paris désert, vidangé par l'exode, toute circulation interdite". L'auteur définit l'Histoire comme un dépassement de soi, un héroïsme qu'il a, dit-il, lui-même raté car né trop tôt ou trop tard... Il nous joue la nostalgie quand il se souvient du passé, celui des jetons pour téléphoner, les solex, le baby-foot dans les cafés, etc. Ce passéisme ne l'empêche pas de goûter les bienfaits de la modernité. Son livre ressemble à un festival de mots, d'idées, de couleurs, de saveurs et même si certains ont baptisé Régis Debray, le grognon de la République. Cet écrivain indispensable réveille les papilles neuronales, se confie avec un humour dévastateur et une ironie mordante. Je ne peux pas résumer un tel essai revigorant et vivifiant qui ne plaira pas aux conformistes de la pensée unique... Je lui redonne le mot de la fin : "J'ai joué ma partie nez au vent, comme tout un chacun : perdu ou gagné, allez savoir ; trois petits tours et puis s'en va ; et ce mistigri, jusqu'à la fin des temps qui n'ont, faut-il le dire, pas plus de sens que de fin, pas plus d'année zéro que de Jugement dernier".

lundi 26 octobre 2015

"Profession du père"

Sorj Chalandon a longtemps travaillé au journal Libération et au Canard enchaîné. Il a écrit six romans qui ont tous rencontré le succès dont "Le quatrième mur", prix Goncourt des Lycéens en 2013. Son dernier livre, paru en septembre, "Profession du père", raconte l'enfance du narrateur, un certain Clément, pourvu d'un père particulier, singulier et même étrange. Il terrifie sa femme, la mère du garçon, et celle-ci subit la situation avec une passivité coupable. Elle ne peut protéger son fils de ce père bizarre et lâche prise par lassitude, par défection, par paresse. Comme une fatalité familiale que l'on ne peut contourner. Le premier chapitre introduit d'emblée un voile noir sur le roman : l'enterrement du tyran. L'histoire démarre en 1961 quand le père de Clément fait irruption dans la salle à manger en proclamant : "C'est la guerre". Il soutient l'OAS , groupuscule de généraux rebelles, voulant provoquer le Général de Gaulle pendant la Guerre d'Algérie. Voilà notre jeune garçon embarqué dans une histoire abracadabrante de complot contre le Général. Son père lui confie ses secrets d'espion et d'ancien parachutiste. Et, voulant l'entraîner dans cette guerre imaginaire, il lui inflige des violences physiques et psychiques. Ses discours belliqueux et paranoïaques déstabilisent la vie de famille aussi chaotique qu'isolée. Car, le jeune Clément ne peut inviter aucun ami chez lui. Un jour, il influence un jeune Français, venu d'Algérie, pour préparer un attentat prévu contre De Gaulle. Le roman prend des allures de thriller politico-familial quand le moment fatal approche et je n'en dirai pas davantage pour conserver le suspens... Dans la revue Page, un article est consacré à Sorj Chalandon et le lecteur(trice) apprend qu'il évoque sa propre enfance sans pathos et sans haine. Ce roman d'autofiction montre que l'on peut, peut-être, survivre dans sa vie d'adulte quand l'enfance a été piégée par la maladie mentale d'un père invivable. Un livre fort et difficile mais l'écrivain avec sa plume vivante et sensible transforme cette tragédie personnelle en comédie familiale qui facilite la lecture...

vendredi 23 octobre 2015

Escapade à Santander, 4

Je lis en ce moment l'ouvrage de Yuval Noah Harari, "Sapiens", paru chez Albin Michel en septembre. Mon professeur de philosophie nous l'a fortement conseillé dès la rentrée car notre sujet de l'année porte sur l'homme, la condition humaine. L'auteur de ce livre raconte d'une façon très pédagogique "Une brève histoire de l'humanité". Je reparlerai de ce document dans ce blog mais, grâce à cette lecture, j'ai beaucoup apprécié ma visite dans le superbe musée de Santander, le MUPAC, consacré à la Préhistoire et à l'archéologie de la région cantabrique, ouvert en 2013. Il met en scène les modes de vie de nos plus anciens ancêtres, de l'ère paléolithique au Moyen Age. Tous les objets présentés ont été trouvés dans des grottes proches de Santander. Des restes d'animaux disparus sont exposés dans des vitrines. Et on peut admirer quelques objets gravés dans des bois de cerf, des os, des plaques de pierre et ces premières traces d'art, datant de dizaines de milliers d'années provoquent un sentiment de proximité avec les "Sapiens". Au fond, ce temps si lointain, vertigineux, se rapproche quand nous reconnaissons ces gestes pour se nourrir, pour se vêtir, pour survivre dans un milieu naturel hostile. Les premiers outils, les premiers harpons, les premières lances retracent à merveille la vie des hommes et des femmes de cette époque. De grandes stèles discoïdales géantes n'ont jamais délivré leur secret. Les anthropologues supposent qu'elles auraient un caractère funéraire. J'ai surtout apprécié la scénographie vraiment intelligente avec des outils pédagogiques informatiques que l'on commence à utiliser dans beaucoup de musées scientifiques. J'étais même été étonnée de trouver un musée de cette qualité dans une ville qui est loin d'être une grande métropole. Le livre de l'historien Harari, "Sapiens" et ce musée de la Préhistoire de Santander ont déclenché une plus grande curiosité envers ces temps encore plus lointains que mes chers Grecs. Avant, mon intérêt commençait à la naissance de l'écriture (-3000 ans av JC) et maintenant, la Préhistoire mérite toute mon attention... J'ai terminé mon séjour en dégustant un plat typique de ce pays si attachant dans un restaurant situé dans un marché couvert :"los chipirones encebollados", un vrai délice, au goût océanique...

jeudi 22 octobre 2015

Escapade à Santander, 3

Après Bilbao, j'avais envie de découvrir Santander sur la côte cantabrique. Je connaissais la réputation de la cité balnéaire, dotée d'une des baies les plus magnifiques d'Espagne. J'avais réservé une chambre avec la vue sur l'océan et en octobre, les prix sont très attractifs... Vivre même quelques heures en bord de mer procure une sensation de liberté, de légèreté et d'insouciance. Se laisser bercer par la musique lancinante des vagues, voir le coucher de soleil, écouter respirer l'océan la nuit, ouvrir la fenêtre et se retrouver dans ce paysage marin, tous ces moments résument le voyage que j'ai entrepris. Je pourrais ajouter la marche matinale sur la plage, la balade en bateau tout au long de la baie, les aigrettes sur un îlot ensablé, les mouettes virevoltant derrière les bateaux de pêche, les montagnes au loin... Mais, je n'ai pas seulement admiré la baie de Santander. J'ai aussi visité deux musées. Le musée d'art moderne et contemporain expose aussi bien un Goya avec un tableau d'un artiste d'aujourd'hui... Hétéroclite et surprenant, ce petit musée bouscule la tradition dans la mise en place des collections. J'ai surtout admiré une sculpture du catalan Jaume Plensa qui s'est représenté dans un autoportrait, assis avec les genoux repliés et retenus par ses bras. Cette sculpture en marbre porte des noms de ses écrivains préférés. J'ai retenu Pessoa, Baudelaire, Woolf, etc. Dans un article de Wikipédia, j'ai trouvé des explications éclairantes sur la démarche "littéraire" de l'artiste : " Les sculptures nous parlent d'elles-mêmes, les mots qu'elles portent sont écrits avec une encre invisible. Comme un tatouage, tout ce que nous vivons s'imprime sur notre peau. Selon lui, les livres nous transforment intellectuellement et physiquement : ce que nous lisons devient une peau de mots, traverse nos flux, fabrique notre identité et change notre compréhension du monde. Les lettres du livre forment une totalité des êtres vivants. Une caractéristique de son approche tient au fait qu'il ne se contente pas de lire les auteurs qu'il a choisis, mais les entend comme des voix vivantes qui l'accompagnent. Pour percevoir ces voix, on a besoin d'un vide dans lequel puissent naître des idées, un dialogue, on a besoin d'un intervalle qui corresponde à une autre tension. » J'avais vu déjà vu une de ses sculptures monumentales à Antibes et elle m'avait vraiment "emballée". J'aime beaucoup les artistes qui rendent hommage à la littérature, aux lettres, aux livres...

mercredi 21 octobre 2015

Escapade à Bilbao, 2

Biarritz n'est qu'à 150 kilomètres de Bilbao et j'avais envie de passer une journée dans cette ville basque, côté espagnol. Le GPS m'a dirigée directement vers le musée Guggenheim, cette masse "titanesque" (les parois extérieures sont recouvertes d'écailles en titane...), un OVNI à l'allure de station spatiale. J'ai revu l'Araignée de Louise Bourgeois, monstre féminin, figée sur la berge du fleuve, à l'extérieur du bâtiment. Le chien assis et monumental, "Puppy", composé de millions de fleurs, supportait des échafaudages où les jardiniers arrosaient et soignaient ce jardin suspendu à la forme canine de Jeff Koons. En semaine, la fréquentation était raisonnable et j'ai arpenté pour la troisième fois les salles d'art contemporain. Un grand artiste, Jean-Michel Basquiat, d'origine haïtienne et portoricaine, fait l'objet d'une grande exposition et j'ai profité de cette manifestation pour découvrir surtout les œuvres de ce jeune homme au destin tragique, mort à 28 ans d'une overdose. Ces toiles nous montrent l'engagement radical du premier peintre noir de l'histoire de l'art moderne. A travers son art "graffitis" de la rue new-yorkaise et en utilisant des supports ordinaires (planches en bois, toiles grossières), il  dénonce le racisme, la société de consommation, la violence urbaine, la discrimination, la difficulté de vivre. J'ai surtout remarqué l'utilisation des lettres, des mots dans ses tableaux, en particulier, le verbe "lire", inscrit plusieurs fois comme un programme salutaire. Quand je suis ressortie, une animatrice m'a proposé de dessiner pour marquer la visite et moi qui ne dessine jamais, j'ai joué le jeu en exécutant des gribouillis enfantins qui m'ont rajeunie...  Après le "Guggenheim", j'ai découvert le Musée des Beaux-Arts, méconnu du public qui ne voit que l'autre, l'immense nef argenté. Ce musée plus traditionnel possède des collections très intéressantes. J'ai vu Cranach (Lucrèce), Zurbaran, Le Greco, Murillo, Sorolla, des peintres basques réputés et surtout, une très belle collection d'art moderne dont un Picasso, Braque, Juan Gris. Bacon, etc. Mais j'ai connu une belle émotion devant un tableau de Vieira da Silva, nommé les "Miroirs", que je n'avais jamais vu. J'ai retrouvé la magie des couleurs bleu, gris, blanc dans un labyrinthe de lignes horizontales et verticales symbolisant les miroirs et au fond de la toile, un rectangle blanc que j'ai interprété comme une issue "lumineuse"... La peinture lyrico-abstraite permet le rêve, l'idée et le projet. Je suis repartie en emportant avec moi, (dans mon esprit !), cette toile de ma peintre préférée depuis de nombreuses années. Bilbao est vraiment une ville d'art, mais, aussi une ville laborieuse, rieuse, dynamique et ouverte sur le monde... Et basque en plus, une très grande qualité à mes yeux !

mardi 20 octobre 2015

Escapade au Pays Basque, 1

Après la Grèce, je suis repartie vers ma terre natale, le Pays basque. J'ai retrouvé avec plaisir "mon" océan atlantique du côté de Biarritz, d'Anglet et de Bidart. Le mois d'octobre est plutôt clément et sur dix jours, la pluie s'est manifestée sur deux jours... J'ai ainsi observé avec admiration mes "gladiateurs" des vagues et j'enviais leur courage d'affronter ces éléments liquides bouillonnants d'écume et de force marine. Quand ils disparaissent dans le creux des vagues, je me demande s'ils vont reparaître. Le surf symbolise à mes yeux un certain comportement dans la vie que je pourrais résumer avec des verbes: faire face, assumer, assurer, tomber, se relever, plonger, glisser, dominer sa peur, affronter... J'aime voir ces hommes et ces femmes (des Amazones magnifiques) chevaucher les crêtes blanches des rouleaux, dignes de l'Enfer dantesque. Et quand ils reviennent sur le sable, avec leur planche blanche sous le bras, ils me font penser aux héros grecs de l'Odyssée... J'avais besoin de me ressourcer dans cet environnement océanique avant de glisser dans la froideur de l'hiver savoyard. Ce pays à l'extrême sud-ouest possède des atouts certains : la douceur de l'air à plus de vingt degrés, la gentillesse des "autochtones", mes racines familiales, la vision d'un vol d'oies sauvages à Salies-de-Béarn, une légèreté mêlée d'insouciance et de bien être, une présence culturelle indéniable depuis vingt ans avec des concerts, des expositions, des conférences. J'ai même découvert une belle maison basque à Guéthary transformée en petit musée d'art moderne et contemporain, la villa  Saraleguinea, inscrite aux Monuments historiques. On trouve des sculptures de Georges Clément de Swiecinski, un artiste d'origine polonaise, des archives et des objets du poète béarnais, Paul-Jean Toulet. Les belles salles reçoivent trois expositions par an et j'ai eu la chance de voir les œuvres du Suisse Fabiano Bevilacqua. J'ai même eu la surprise d'admirer une exceptionnelle épitaphe funéraire provenant de vestiges romains découverts en 1984 sur le site de la gare de Guéthary. Ce petit port de pêche à la baleine dans les temps anciens mérite le détour... Des Romains à l'art contemporain, mon après-midi entre plage et musée ne pouvait que me plaire.  

lundi 19 octobre 2015

"La condition pavillonnaire"

En regardant sur la 5, "La Grande Librairie", un écrivain avait choisi le roman de Sophie Divry, "La condition pavillonnaire". Je l'ai donc découvert et tout au long des pages, le portrait de M.A. (qui ne porte pas un prénom alors que les membres de sa famille en sont dotés) m'excédait un peu, tellement elle symbolisait une Madame Bovary "populaire" du XXe siècle. L'auteur s'adresse à elle en la tutoyant et relate sa vie avec un accompagnement très précis de son mode de vie matérielle. Tout y passe : les appareils électro-ménagers, les voitures, la maison, le travail salarié, le jardinage, etc. Tous les faits et gestes de la vie quotidienne sont décrits à la façon d'un Georges Perec. Dans ce magma d'objets, le personnage central du roman vit une enfance choyée, fait des études commerciales, rencontre son compagnon, se marie, donne naissance à trois enfants, travaille dans une entreprise de meubles, s'entiche d'un collègue, trompe son mari, voit partir ses enfants à l'université, mène une vie sociale, vieillit et tombe malade. Et dominant toute sa vie, somme toute bien réglée, bien classique, rôde l'ennui comme dans l'existence de Madame Bovary dans le bocage normand. Pourtant elle possède tout ce dont rêve une femme "traditionnelle" : une famille, une maison, un travail, des activités sociales et même, audace oblige, un amant de passage. Un certain vide l'habite, un manque la submerge, cet ennui existentiel lui procure une insatisfaction permanente. La condition "pavillonnaire" représente l'humaine condition pour Sophie Divry : quel est le sens de la vie ? Comment vivre ? Que faut-il faire pour parvenir à une satisfaction de l'être ? M.A. rêve toujours à "autre chose" : elle se sent limitée, cernée, prisonnière de son existence banale et ordinaire. Pourtant, elle est aimée des siens, elle vit dans un certain confort (le pavillon), elle se divertit (yoga, associations, sorties). Quand son amant la quitte, elle craque... Mais les devoirs familiaux et conjugaux la remettent sur le chemin. Ce portrait réaliste d'une femme "inassouvie" est peint avec une dose d'ironie et de distance qui semble suggérer au lecteur(trice) : "ne laisse pas ta vie t'échapper, fuis la conformité, la banalité, l'encombrement des objets", c'est à dire la société de consommation. Ce roman "sociologique" nous parle de la vie d'aujourd'hui, d'une vie matérielle un peu trop prenante et prégnante... Un roman original, plein d'humour et d'ironie sur notre vie moderne.

vendredi 9 octobre 2015

Atelier de lectures, 3

J'ai suggéré à mes amies lectrices de "visiter" un écrivain. Tout au long de l'année, j'avais proposé un écrivain par mois, en pratiquant la parité, un homme-une femme. Mais cette année, je propose pour le trimestre, trois femmes écrivains : Colette, Simone de Beauvoir et Marguerite Yourcenar. Colette est-elle encore lue aujourd'hui ? Je crois bien qu'elle est très admirée pour plusieurs raisons : son style sensuel, son amour des hommes et des chats, sa liberté absolue voire son libertinage audacieux pour l'époque, sa passion de la vie proche de la nature. J'ai relu les premières pages de "Claudine à l'école" et j'ai été frappée par l'énergie que le texte diffusait. Quand elle décrit sa classe, elle bouscule la grammaire et compare ses comparses en utilisant le "ça"... Elle décrit une France du début du XXe siècle où les écoles étaient chauffées au poêle à bois, où les maitresses étaient respectées et craintes : tout un monde disparu que l'on a un peu connu. J'étais dans une petite école où la corvée de bois relevait d'un privilège pour les bons élèves... Ah, nostalgie quand tu nous tiens ! A part une lectrice qui s'est ennuyée dans l'univers des Claudine, les autres ont apprécié "La retraite sentimentale", "Le blé en herbe", "Chéri". Régine, en particulier, a découvert une anthologie de nouvelles courtes, "La femme cachée", éditée en Folio. Elle a lu un petit extrait et c'est à ce moment-là que l'on mesure le génie littéraire de cette grande écrivaine. Pour ma part, je néglige la relecture des classiques car je lis trop d'auteurs contemporains. Quelle erreur ! Il serait temps de reprendre le chemin vers nos anciens. En novembre, nous allons évoquer l'extraordinaire destin de Simone de Beauvoir et cela me ravit déjà de me replonger trente ans après dans cette œuvre qui m'a profondément changée dans les années 70 et 80. J'ai conseillé "La femme rompue" et "Une mort très douce". Le prochain atelier aura lieu le mardi 24 novembre à 14H.  

jeudi 8 octobre 2015

Atelier de lectures, 2

Dans la deuxième partie de l'atelier, nous avons abordé les nouveautés de la rentrée. Evelyne a beaucoup apprécié "Orages intimes" de Jeanne Benameur. Il est d'ailleurs étonnant qu'il ne figure dans aucune liste de prix littéraires. Jeanne Benameur est pourtant publiée chez Actes Sud mais son œuvre semble peut-être trop "gentille" aux yeux des critiques littéraires. Il faut plus de "problématique" , de crise, de drame... Pourtant, l'écrivaine a choisi de raconter le retour d'un otage, ce qui correspond bien à l'air du temps... De toutes façons, elle n'a pas besoin de reconnaissance médiatique car elle est appréciée par de nombreux lecteurs (et surtout des lectrices) qui lui sont très fidèles. Evelyne a commencé le dernier ouvrage de Carole Martinez, encore plus "farfelu" que son "cœur cousu"... Véronique a choisi le dernier Christine Angot, "Un amour impossible" où il est question de la vie de ses parents, de leur relation de couple, de leur échec réciproque et le thème de l'inceste revient comme un traumatisme familial dont on ne se remet pas.  Janine a acheté en librairie, "Eva" de Simon Liberati, encore un roman d'autofiction sur sa compagne. Ce récit lui a rappelé "L'amour et les forêts" d'Eric Reinhard, un texte troublant qui a provoqué un débat autour de notre table. L'atelier sert à partager nos lectures et surtout à confronter nos avis. Régine a bien aimé "Au pays du petit" de Nicolas Fargues, un ouvrage où le cynisme règne mais un cynisme jouissif. Janelou a découvert "Seuls au monde" d'Isabelle Autissier, un roman à la "Robinson Crusoé" où deux quadras triomphants se retrouvent échoués sur une île déserte. Cette parabole sur le couple isolé et sans ressources pose l'éternel problème de l'amour, de "l'autre", de la vie en commun dans un enfer paradisiaque qui révèle la personnalité de chaque naufragé involontaire. Janelou a aussi lu le dernier ouvrage autofictif de Delphine de Vigan, phénomène de librairie (déjà 160 000 exemplaires vendus). Elle avait obtenu un très grand succès avec son récit-roman sur sa mère dépressive et suicidaire, "Rien ne s'oppose à la nuit". Elle évoque dans ce nouveau texte, le succès qui l'a laissée sans voix donc sans écriture. Une amie vient s'immiscer dans sa vie et cette amitié envahissante et dévorante ressemble à de la manipulation mentale... Un livre qui selon Janelou, se lit d'une traite... Voilà pour la partie nouveautés de la rentrée qui vont circuler entre nous et nous pourrons ainsi échanger nos avis et commentaires sur ces titres acquis en librairie. Qui obtiendra le prix Goncourt, Fémina, Médicis, Renaudot ? Les listes se raccourcissent et les résultats tomberont en novembre comme les feuilles mortes...

mercredi 7 octobre 2015

Atelier de lectures, 1

Démarrage de l'atelier de lectures mardi après-midi après trois mois d'interruption. J'étais heureuse de retrouver mes amies lectrices pour évoquer les coups de cœur de l'été, les avis sur les romans de la rentrée et la lecture de l'œuvre de Colette. Sylvie a commencé le tour de table en évoquant son coup de cœur de l'été et même de l'année, un roman de Philippe Carrèse, "L'Enclave" aux éditions de l'Aube. L'histoire se déroule dans un camp de travail en Slovaquie en 1945 au moment de sa libération. Mais, les prisonniers restent cantonnés dans cet espace cerné par les montagnes. Du jour au lendemain, ils sont obligés de s'organiser mais la tyrannie se perpétue comme une impossibilité de vivre en démocratie. Un livre fort et haletant, à lire sans tarder. Mylène a présenté deux livres : "Les Passeuses d'histoires" de Danièle Flaumenbaum, un témoignage sur l'héritage familial, les non-dits, les fantômes du passé qui laissent des empreintes à décrypter. Elle a aussi évoqué l'excellent roman de l'américaine Anne Tyler, "Leçons de conduite". Dans cette fiction, un couple de quinquagénaires s'embarque pour une traversée en voiture et lors de ce voyage, ils font un bilan de leur vie. Mylène aime tout particulièrement les écrivains d'Outre Atlantique qui décrivent à merveille les tourments psychologiques des personnages qui nous ressemblent. Evelyne a beaucoup apprécié "L'Idée ridicule de ne plus jamais te revoir" de Rosa Montero, une autobiographie sur la perte de son compagnon et une enquête sur la vie de Marie Curie, à la fois heureuse sur le plan scientifique et tourmentée sur le plan personnel. Elle a aussi évoqué l'Islande à travers ses romanciers comme Indridason et Stefanson avec son dernier ouvrage, "Les poissons n'ont pas de pieds". Elle a relu "Pêcheurs d'Islande" de Pierre Loti avec intérêt. Janine aime Silvia Avallone et nous a recommandé "D'acier" et "Marina Belleza". Régine a choisi un document, "Le fils" de M. Roustain, un témoignage douloureux sur la vie de son fils, décédé d'une méningite foudroyante. Une lecture difficile sur le deuil et la vie d'après. Elle a évoqué l'enquête de la journaliste du Monde, Raphaëlle Bacqué, "Richie", ou le portrait du sulfureux Richard Descoing, l'ancien directeur de Sciences Po, mort à New York, à la double personnalité, celle d'un éducateur visionnaire et celle d'un libertin, assoiffé de reconnaissances et d'honneurs. Pour se détendre, elle propose "Expo 58" de Jonathan Coe, une histoire d'espion dans l'exposition universelle de Bruxelles. Janelou est revenue sur "Colère" de Lionel Duroy, dont elle avait beaucoup aimé "Le Chagrin". On connaît bien l'œuvre de cet écrivain de la "famille", une famille disloquée, brouillée et invivable.  Encore de bonnes idées de lectures pour l'automne... 

mardi 6 octobre 2015

Retour de Grèce, 5

J'ai aussi profité du soleil en partant en Grèce en agissant comme un écureuil qui amasse des noisettes pour l'hiver. Mes noisettes ensoleillées, je les ai ramassées sur une plage proche d'Athènes, baptisée Edem que l'on atteint en tramway. Mais, je ne sais pas rester sur un transat des heures entières surtout quand on a tant de lieux à découvrir. J'ai choisi d'aller à Egine, l'île aux pistaches, à deux heures de ferry. Prendre un ferry au Pyrée demande pas mal d'astuces quand on utilise le bus. Mais, j'ai eu de la chance pour trouver le terminal car une jeune femme grecque d'une gentillesse exquise m'a accompagnée de l'arrêt du bus à mon ferry. Il faut vivre cette expérience essentielle : s'embarquer avec des Grecs (peu de touristes sur le bateau) et partager ces moments de traversée dans un grand salon avec tables et fauteuils. Des popes s'amusaient comme des enfants, des groupes de "copines" jouaient aux cartes, certains dormaient, d'autres regardaient la télévision. Je me promenais sur les divers ponts pour humer la mer bleue, observer les mouettes, suivre les voiliers, les bateaux de pêche, les ferries qui nous croisaient. Je pensais au mot grec "thalassa", la mer tout autour de moi comme un sentiment de jubilation archaïque, sachant depuis longtemps que le vivant est né dans l'eau... A Egine, j'ai vite repéré une plage de rêve et je n'arrivais pas à le croire : un musée archéologique se cachait derrière la pinède ! Je l'ai visité avec plaisir entre deux baignades... Ma deuxième sortie m'a réservé une belle surprise, encore d'ordre archéologique. J'ai repris un bus régional pour longer la côte de l'Attique, vers le cap Sounion où un temple de toute beauté, dédié au dieu de la mer, Poséidon, contemple l'horizon depuis 2600 ans. Homère l'a mentionné dans l'Iliade, Thucydide aussi, et j'imaginais les méchants Perses, escalader les pentes du piton rocheux pour envahir la terre grecque. Un lieu somptueux, magique, assez difficile d'accès, mais quelle récompense quand on arrive sur place...  J'ai vécu un beau voyage, un retour sur le grand passé, (3000 ans av JC), une déambulation dans une Athènes en crise mais si attachante, une plongée dans la mer Egée, je me dis que, décidément, ce pays nous est essentiel, indispensable en Europe. Nous sommes tous Grecs comme on était Charlie en janvier 2015. J'ai déjà décidé que j'y retournerai dès l'année prochaine pour une escapade dans les Cyclades !