jeudi 17 octobre 2013

"Canada"

Quand j'ai remarqué la publication d'un roman de Richard Ford à cette rentrée littéraire, je l'ai mis en tête de ma liste des lectures. Hier, j'ai donc terminé les quasi 500 pages de "Canada", publié aux Editions de l'Olivier. La première phrase est décisive pour la compréhension de l'histoire : "D'abord, je vais raconter le hold-up que nos parents ont commis. Ensuite, les meurtres, qui se sont produits plus tard." Le narrateur, professeur à la retraite, raconte la vie de ses parents, de sa sœur jumelle dans une ville américaine au fin fond du Montana. Pendant les années 60, Dell Parsons a quinze ans. Son père est un ancien militaire de l'Air Force qui a mis fin à sa carrière trop tôt. Il galère pour faire vivre sa famille. Sa mère travaille dans une école. Famille de la classe moyenne, famille banale et sans histoires. Mais Bev Parsons, le père, va servir d'intermédiaire entre des Indiens et un responsable de cuisine dans un trafic de viande. Comme il sera berné lui-même, les Indiens lui réclament les deux mille dollars du trafic en question. Acculé, il prend une folle décision : braquer une banque pour sauver sa famille du harcèlement et des ennuis. Sa femme, pourtant raisonnable, le suit dans cette funeste aventure. Le jeune Dell décrit avec réalisme et pointillisme le quotidien de cette famille en proie aux difficultés que provoque le manque d'argent.  Il remarque le manège de ses parents dans l'organisation du braquage, seule solution selon eux pour refaire leur vie. Ce choix s'effectue dans une inconscience totale. Le jour fatidique arrive et les parents réalisent leur projet avec une naïveté confondante. Ils réussissent leur coup de folie et reviennent chez eux comme si rien ne s'était passé. Ils remboursent les Indiens et se sentent libres. Mais, la réalité les percute et la police vient les arrêter. Le destin est bouclé pour eux : case prison et abandon des enfants. La sœur jumelle prend la fuite et rejoint des marginaux. Le jeune garçon est pris en charge par une vague amie de sa mère et il passe la frontière vers le Canada. Il est confié à un homme mystérieux et ambigu, qui le met au travail. Que va-t-il devenir ? Je ne vais pas raconter la fin de ce grand roman. Richard Ford nous parle surtout de solitude dans un monde sauvage et brutal : les parents sont dépassés par le poids du réel, par leur manque d'amour et leur mésentente, leur inconscience et leur paranoïa, l'environnement familial semble indifférent. Le narrateur, devenu professeur, raconte ce naufrage familial et revient sur son passé traumatisant. Et pourtant, il a survécu à ce drame et écrit à la fin du roman : "On essaie, comme disait ma sœur. On essaie, tous tant que nous sommes. On essaie". Un des meilleurs romans de la rentrée...