mercredi 3 août 2022

"Ce qui arrive la nuit"

 Peter Cameron, écrivain américain, né en 1959, vient d'écrire un roman singulier, "Ce qui arrive la nuit", paru chez Christian Bourgois. J'avais apprécié quelques uns de ces précédents livres comme "Week-end" et "Là-bas". Son septième roman se situe hors du temps et hors du monde. Un couple de New-Yorkais, (que l'écrivain nomme "un homme" et "une femme", sans leur donner une identité précise), quitte leur pays pour rejoindre une ville froide, quelque part en Europe, "A la lisière du monde, au fin fond du nord d'un pays nordique". La neige a envahi le paysage quand ils arrivent dans ce bout du monde pour adopter un bébé dans un orphelinat local. Ils demeurent dans un antique palace, transformé en grand hôtel de luxe. Ce lieu figé dans le temps reçoit très peu de touristes et le couple en question se sent quelque peu perdu dans cet endroit énigmatique. L'ambiance du "Borgarfjarosysla" rappelle les grands hôtels de la Mitteleuropa, inspirée des romans d'un Stefan Zweig, "La femme" souffre d'un cancer inguérissable et veut adopter un bébé pour que son mari ne reste pas seul après sa mort. Des personnages hauts en couleurs fréquentent cet endroit fantasmatique. En particulier, une certaine Livia, pianiste et chanteuse du bar, prétend avoir été acrobate de cirque et danseuse dans la compagnie Isadora Duncan. Elle perturbe le séjour du couple en indiquant l'adresse d'un certain guérisseur, Frère Emmanuel. Un homme d'affaires encombrant et très entreprenant harcèle "l'homme du couple". Quand "la femme" se retrouve chez le guérisseur, il se passe un "miracle" car elle se sent guérie du cancer en la présence de ce Frère étrange. Leur visite à l'orphelinat se transforme aussi en absurdité bureaucratique. L'écrivain américain a instillé une atmosphère kafkaïenne avec ces deux personnages qui ne maîtrisent plus rien dans ce pays improbable. Leur séjour tourne vite au cauchemar et je ne révèlerai pas la fin de cette histoire troublante et troublée. La vérité va surgir dans l'histoire de ce couple lui aussi étrange et décalé. Les errements psychologiques des deux partenaires font éclater leur union, basée sur l'habitude et sur le mensonge. Ce roman allégorique ressemble plus à une fable ironique et interroge la notion de parentalité et celle aussi de l'adoption. L'humour grinçant de Peter Cameron peut créer un certain malaise mais la littérature ne procure pas toujours un bien être reposant. Bien au contraire...