jeudi 27 septembre 2018

Santorin, 1

Je suis arrivée tard le soir à Santorin et je n'ai découvert le paysage qu'au matin dans une lumière éblouissante, celle de la Grèce éternelle. Je n'avais pas choisi Fira trop touristique et je voulais aussi visiter les sites antiques d'Akrotiri et de Thera au sud, loin de la foule. Car dans ces textes que je vais consacrer à Santorin, Naxos et Mykonos, je vais aborder la question de la surfréquentation des lieux trop célèbres dans le monde entier. Il faut donc adapter une méthode d'indien furtif pour se retrouver un peu moins dérangé par les effets de la mondialisation touristique. J'ai trouvé un petit hôtel familial à Akrotiri face à la mer Egée. De conception cycladique, ma chambre était dotée d'une terrasse avec vue sur la mer. Dès que j'ai ouvert la porte, j'ai respiré l'air marin et je me suis imprégnée de ce bleu profond et chatoyant, offert par le ciel et l'eau, unis à tout jamais. Très peu de chambres étaient louées à cette époque de l'année. Le silence et le calme régnaient, deux précieuses denrées rares dans les lieux fréquentés. J'ai consacré la première journée à visiter le site archéologique de l'ancienne Théra en prenant les virages vertigineux (mon frère expert conduisait la petite voiture) de la montagne Messavouno où trône cette ville antique, un champ de ruines de huit cent mètres sur cent cinquante mètres. Au IXe siècle av. J.-C., les Doriens se sont installés sur ce sommet épineux avec leur chef Théras (d'où le nom du site) pour surveiller la mer Egée et ensuite les Egyptiens s'en emparèrent. Le temps a oublié cette vigie dénudée et venteuse. Il fallait grimper ardemment le sentier qui surplombait la mer où soufflait le meltemi, un vent violent et redoutable. Au fil de la balade, j'ai aperçu une basilique paléo-chrétienne et surtout, un temenos, un rocher avec des reliefs ptolémaïques (IIIe siècle av. J.-C.) représentant un aigle, un lion et un dauphin. Il ne reste aucune statue dans l'agora, ni aucune trace de temple à part quelques colonnes dispersées sur le site. On devine l'emplacement du théâtre face à la mer, un décor grandiose comme tous les théâtres grecs. Le paysage saisissant de beauté, les ruines mystérieuses, le vent redoutable, les falaises vertigineuses, tous ces éléments captent l'attention et plongent l'esprit dans une atmosphère de fin de monde, de civilisation disparue. L'imagination galope à toute allure et j'ai cru voir des "ombres errantes" dans cet espace invraisemblable, peu connu des touristes. Après cette visite fascinante, j'ai retrouvé la vallée de Kamari et de Pyrgos pour me rendre au cap d'Akrotiri où un phare domine la falaise. A Santorin, le mythe de l'Atlantide est évoqué car après l'éruption du volcan, un raz-de-marée aurait décimé la civilisation minoenne dans les Cyclades et en Crète. La caldeira, résultat de l'explosion volcanique, offre un décor naturel grandiose et même si je connaissais Santorin, photographié des milliards de fois, rien ne vaut le regard naturel sur ces falaises où l'on admire le savoir-faire des humains quand ils accrochent leurs maisons blanches et petites sur le dos cyclopéen de Santorin. Mon escapade cycladique commençait bien...