vendredi 17 novembre 2017

Hommage à Roger Grenier

Peu connu du "grand public", Roger Grenier s'est éteint le 8 novembre à l'âge de 98 ans. Cet homme discret occupait pourtant un des postes les plus prestigieux de notre pays littéraire : conseiller chez Gallimard pendant une cinquantaine d'années. Ecrivain, homme de radio, journaliste dans sa jeunesse, Roger Grenier a passé son adolescence à Pau. Après une licence de lettres, il s'installe à Paris et entre dans la Résistance pendant la Guerre. Albert Camus l'engage comme rédacteur dans le journal, "Combat". Plus tard, il travaille dans l'audiovisuel où il rencontrera beaucoup d'écrivains et d'intellectuels. En 1964, il rejoint le comité de lecture de Gallimard. Il poursuit sa carrière littéraire toute en douceur et avec une constance remarquable. Ses romans ne se lisent peut-être plus aujourd'hui, mais je conserve encore dans mes souvenirs de lectrice, les histoires émouvantes,  le style pur, d'une élégance bien française, sans fioritures, d'un classicisme intemporel. Il faut relire le "Palais d'hiver", "Ciné-roman", "Partita" et "Il te faudra quitter Florence". Ses biographies sur Tchekhov, "Regarder la neige qui tombe", sur Camus et sur Scott Fitzgerald font date et apportent à ce genre littéraire, ses lettres de noblesse. La mélancolie imprégnait ses écrits avec un sourire teinté de dérision. Il avait composé une ode à sa mère dans un délicieux récit, "Andrélie" et elle lui disait : "Tu es dans la force de l'âge, c'est le moment de te mettre en valeur, alors que je n'avais qu'une idée : ne pas me faire remarquer". Cette phrase résume la vie de Roger Grenier. Lire Roger Grenier quand j'ouvrais un de ses ouvrages ressemblait à un acte amical, comme si je retrouvais un "passeur" de mots, un messager des dieux de la littérature. Sa sobriété et sa modestie légendaires ne l'ont pas empêché de vivre dans un des lieux les plus fascinants : la maison Gallimard... Il a évoqué cette vie de grand lecteur dans les "Instantanées" en trois tomes et dans "Le palais des livres". Le journaliste du Monde conclut son article ainsi : "Roger Grenier ressemble à un petit bonhomme, échappé de Sempé et il n'a pas fini de hanter ce quartier dont il fut l'âme littéraire, la conscience et la grandeur. A jamais". Je voulais rendre un hommage à ce soldat fidèle du monde littéraire...