mardi 29 novembre 2016

"L'autre qu'on adorait"

Catherine Cusset prévient le lecteur dès la première page : son personnage, Thomas, s'est suicidé en 2008 aux Etats Unis. Il a été mêlé à sa vie, dans les années 80, comme amant et ami. Ce roman biographique pose la question de la bipolarité de Thomas dans ses comportements amoureux et professionnels. L'écrivaine prend la liberté de tutoyer son personnage en relatant les divers aspects de la vie de son héros malheureux. Quand il rate le concours d'entrée à l'Ecole Normale Supérieure, Thomas quitte la France, qui ne reconnaît pas ses mérites, pour les Etats Unis. Cet intellectuel brillant et ambitieux va pourtant sombrer dans une spirale d'échecs et de déceptions. Pourtant, New York l'enchante et le fascine. Il fait la fête avec ses nombreux amis, il tombe souvent amoureux, il mène une vie culturelle intense et passionnante. Mais, son comportement dépressif commence à dégrader ses relations avec la hiérarchie à l'université.  Il n'obtient pas les postes universitaires  qu'il convoitait par manque de travail sérieux sur sa thèse concernant Proust qu'il n'arrive pas à terminer par négligence et dilettantisme. Il met fin à plusieurs conquêtes féminines. Cette vie bouillonnante se déroule dans ses nombreux déplacements entre son pays d'adoption et son pays d'origine. Après toutes ces années où Thomas recherche l'amour total qu'il ne trouve pas et la reconnaissance universitaire qu'il n'obtiendra pas, il s'écroule et s'enferme chez lui jusqu'au geste final irrémédiable. Catherine Cusset écrit un beau témoignage sur un ami perdu à jamais. Elle raconte la vie difficile et handicapante d'un homme atteint de bipolarité, cette maladie mentale que même la famille et des amis ne perçoivent pas dans la personnalité de leur proche. Ce roman autofictionnel était à deux doigts du prix Goncourt mais, les jurés ont préféré la thématique des invisibles dans la société (la nounou meurtrière "d'Une chanson douce") à l'histoire d'un homme, issu de l'élite française, vivant à l'américaine,  mettant fin à ses jours à cause de sa maladie mentale. Un histoire triste mais un bel hommage amical.