jeudi 28 juin 2018

Hommage à Philip Roth

J'étais à Copenhague quand j'ai appris la mort de Philip Roth (il avait 85 ans) en regardant les alertes sur mon téléphone. J'ai ressenti une grande tristesse car les écrivains qui meurent, ce sont des mondes qui meurent. Le monde de Philip Roth, je l'ai donc habité pendant de longues années depuis la parution de ses premiers romans dans les années 70. J'avoue que je préfère ses œuvres écrites dans les années 90, en particulier la trilogie américaine : "Pastorale américaine" en 1997 sur la guerre du Vietnam, "J'ai épousé un communiste" sur le maccarthisme et "La Tâche" sur le racisme. Ce portrait de l'Amérique lui a valu une immense consécration de la part des lecteurs admiratifs jusqu'à la publication de ses romans dans la prestigieuse collection de la Pléiade. Dans la revue "Le Un" qui a publié un numéro spécial sur l'écrivain, Eric Fottorino évoque les thèmes de son œuvre : "Philip Roth est-il un "complot contre l'Amérique" ? Oui, assurément, si on accepte que la littérature soit ce cocktail explosif de mots qui vous saute à la figure et fait trembler tout un pays et ses élites bien-pensantes. La bêtise à front bas, les hypocrisies sociales, le politiquement correct, le rêve américain qu'il retournait comme un gant pour en révéler chaque déchirure". Sa biographie semble rythmée par l'écriture : des nouvelles, vingt-six romans et des essais. Il a enseigné la littérature dans diverses universités et a dirigé une collection littéraire chez un éditeur. Il a en fait vécu une vie d'écrivain et François Busnel précise qu'il fuyait les mondanités et les interviews. Pour lui, l'œuvre seule comptait. Pour la communauté juive américaine, il était considéré comme un enfant terrible. Les femmes parfois décrites sans concession dans ses livres lui ont valu une réputation de misogyne. Il semble même que le prix Nobel ne l'ait pas nommé pour ces raisons. Au fond, Philip Roth cultivait la liberté de penser avec une ironie piquante, une impertinence ravageuse, un humour cinglant.  Il rejoignait la belle communauté littéraire des écrivains majeurs comme Kafka, Flaubert, Milan Kundera. Pour découvrir Philip Roth, il faut lire la trilogie américaine, le très beau et émouvant "Patrimoine", un portrait de son père vieillissant, "Un homme" sur l'intrusion de la maladie, et surtout "Némésis", son dernier roman, la tragédie humaine. Je pense à la phrase de Proust : 'La vraie vie (…) la seule vie réellement vécue, c'est la littérature". Philip Roth ou la littérature incarnée…