mardi 6 juin 2017

"Celle qui fuit et celle qui reste"

Dans la vie d'une lectrice, il faut se réserver des plages de temps pour savourer des romans prometteurs. J'ai donc réalisé cette promesse d'une lecture heureuse avec le troisième tome de la saga napolitaine "L'amie prodigieuse". Le premier tome, "L'amie prodigieuse" posait le décor où se déroulait l'histoire de deux adolescentes, Elena et Lila, dans une ville prodigieuse, Naples. Les deux jeunes filles appartiennent à la classe populaire de la ville et ne vont pas suivre le même destin. La volcanique Lila reste à Naples, arrête ses études, se refuse à s'émanciper de son milieu plus que modeste. Elena a compris que la réussite scolaire allait l'extirper de ce monde chaotique avec une envie de fuir cette vie traditionnelle souvent réservée aux femmes, victimes de la violence masculine. Dans le troisième tome, Elena a acquis une certaine aisance. Elle vient de terminer ses études à Pise et surtout elle a écrit un premier roman qui vient d'être publié. Dans ces années 60, les bouleversements sociaux et économiques bousculent les hommes et les femmes dans leurs habitudes. Les revendications politiques de l'extrême gauche surgissent dans une certaine violence et les femmes commencent à se révolter dans une ambiance chaleureuse. Elena s'est mariée avec un fils de bonne famille et ils ont deux petites filles. Professeur de latin, il est nommé à Florence. Lila travaille dans une usine de charcuterie à Naples et élève son garçon avec un ami. La distance géographique a séparé les deux amies. Elles ne se voient plus mais se téléphonent souvent. Leur relation amicale passionnelle se poursuit avec des variations fluctuantes. Elles s'aiment, elles s'oublient, elles se jalousent, elles s'épaulent... Chacune vit sa vie et quand elles se parlent, elles taisent leurs problèmes et leurs malaises. Ce troisième roman me semble aussi fort que les deux premiers. Elena, la narratrice, donne un témoignage intimiste sur l'Italie du XXe siècle sur un fond historique troublé (Brigades rouges, luttes féministes, ouvrières). Elena veut écrire et malgré un succès d'estime pour son premier roman, elle se noie dans le quotidien de sa famille. Lila commence à acquérir une conscience politique dans son usine, broyeuse de vies. Dès que vous ouvrez ce roman dense et puissant, vous ne pouvez plus le quitter... Cette formidable saga, venue d'Italie, comblera les amoureux de belles et bonnes histoires, les amateurs d'une littérature sans fard et sans mièvrerie avec deux portraits magnifiques de femmes rebelles... Le tome 4 sort en septembre...