lundi 23 juin 2014

"L'utilité de l'inutile"

J'avais remarqué l'édito de François Busnel dans le dernier Lire de juin où il faisait un éloge appuyé d' un petit livre rouge, celui de Nuccio Ordine, au titre alléchant, "L'utilité de l'inutile", édité aux "Belles Lettres". Cet essai rencontre un grand succès et la publicité de la revue va relancer l'intérêt des lecteurs. Le journaliste-chroniqueur littéraire, animateur de la "Grande Librairie", écrit ceci : "Ce petit livre sera le bréviaire de tous ceux qui entendent résister à la tyrannie du marché, à l'idéologie de l'utilité, à la domination du profit. (...) Lire est l'acte ultime qui nous élève vers le désintéressé et le grand. Cet éloge de l'utile inutilité de la littérature, de la poésie et de la philosophie est un baume autant qu'une fête de l'esprit". Nuccio Ordine évoque de nombreux écrivains en soulignant leur apport déterminant dans cette notion d'utile et d'inutile. La liste semble vertigineuse et l'on rencontre avec un plaisir certain des grands noms comme Dante, Shakespeare, Montaigne, Aristote, Kant, etc. J'ai apprécié la petite histoire des deux poissons de David Foster Wallace : "C'est l'histoire de deux jeunes poissons qui nagent et qui croisent le chemin d'un poisson qui leur fait signe de la tête et leur dit : "Salut les garçons. L'eau est bonne ? " Les deux jeunes poissons nagent encore un moment, puis l'un regarde l'autre et lui dit : "Tu sais ce que c'est, toi, l'eau ?". L'auteur précise que la clé de lecture de ce tout petit conte résume la philosophie de l'inutilité : sans tous les savoirs humanistes, la culture, l'art, la philosophie, la vie serait "incompréhensible"... Dans le chapitre consacré à l'université, il dénonce les notions d'entreprise et d'étudiants-clients. Des pans entiers de la connaissance surtout littéraire (grec ancien et latin) s'effondrent et beaucoup d'étudiants choisissent de s'inscrire en sciences économiques plutôt qu'en lettres classiques... L'essayiste nous conseille d'entrer en résistance et de rester vigilant pour sauvegarder les valeurs humanistes et surtout l'art sous toutes ses formes, art des textes, des images et des sons... Et quand il mentionne la menace de fermeture des bibliothèques ou du moins la baisse de leur budget, il touche ma "corde sensible" d'ancienne bibliothécaire... La bibliographie riche et éclectique montre le travail sérieusement documenté de l'essayiste. Lisez-donc ce manifeste salutaire pour savourer ces lignes d'une utilité indéniable...