vendredi 7 avril 2023

"La Tour infernale", une librairie chambérienne de tradition

 Après ma visite quasi hebdomadaire à la Médiathèque de Chambéry, je me suis dirigée chez Garin qui a déménagé pour trois mois sur la place de Métropole en face de la cathédrale. J'aime humer les nouveautés sur les tables et je quitte la librairie avec une liste d'ouvrages à lire. J'ai vu que la librairie ancienne de Michel Latour était ouverte et ma curiosité de "bibliophile" a été la plus forte : j'ai pénétré avec plaisir dans cette caverne des livres anciens et soldés, baptisée par son fondateur de "Tour infernale". Un désordre invraisemblable semble régner dans cet espace de cinquante mètres carrés : du sol au plafond, des montagnes de livres partout sur les murs et sur des tables, des ouvrages rares, anciens, reliés en cuir ou brochés, cartonnés ou en poche. J'ai demandé au bouquiniste fort sympathique comme se repérer dans cette caverne de papier. Il m'a répondu aimablement : le mur de droite : histoire et géographie, puis le régionalisme, le mur de gauche, littérature et sciences humaines puis les étagères du milieu, l'art et puis des poches sous l'escalier et des pléiades derrière le bureau... Il avait l'air vraiment convaincu d'avoir adopté un excellent classement ! Un joyeux bazar, sans vrai rangement à la Dewey comme dans les bibliothèques du monde entier. J'ai donc fouillé les piles verticales de livres, je me suis tordue le cou pour vérifier les auteurs classés par ordre alphabétique (quand même !). J'ai trouvé un exemplaire de la collection "Ecrivains de toujours" sur Colette que je cherchais depuis longtemps. Je voulais aussi "Les chroniques italiennes" de Stendhal en Folio pour l'emporter en voyage pour ma prochaine escapade printanière en Italie du Nord. Monsieur Latour m'a déballé quelques cartons de poche pour enfin mettre la main dessus. Il m'a dit : "Ah vous avez de la chance aujourd'hui !". Pour une somme modique, j'ai emporté mes deux poches et il m'a répondu : "Vous êtes ma seule cliente de la journée et cela me remboursera mon café croissant de ce matin !". Il m'a raconté qu'il vendait de moins en moins de livres... Retraité, il conserve sa boutique ouverte par passion. Nous avons discuté de l'oubli des livres anciens, des jeunes qui désertent ces boutiques, d'un avenir où ce commerce fermera ses portes magiques. J'ai senti le parfum des siècles, du temps qui passe, d'une culture écrite en voie de disparition. En attendant la fin de ce monde là, si émouvant, si fragile, allons chez Michel pour retrouver le goût des livres de toutes les époques, un acte de résistance.