lundi 19 mai 2014

"Vivre à présent"

Nadine Gordimer, née en 1923, nous donne une sacrée leçon de vie et d'espoir en écrivant en 2012 (elle a donc 91 ans !) ce roman, "Vivre à présent", que l'on lit avec admiration tout au long des pages. Ses lecteurs(trices) la suivent depuis de longues années et cette grande dame des lettres africaines a reçu le prix Nobel en 1991. Militante des Droits de l'Homme, militante contre l'apartheid, elle n'a jamais quitté son pays pour fuir la réalité politique qui semble bien complexe aux yeux d'un lecteur(trice) européen(ne)...  Son roman raconte l'histoire d'un couple mixte : Steve est blanc, mi-juif mi-chrétien  et sa femme, Jabulile, est une noire zouloue.  Ils ont milité au sein de l'ANC, ont vécu dans la clandestinité et ont même connu la prison. Ils se retrouvent dans un quartier embourgeoisé en acquérant une maison et fréquentent d'anciens camarades, militants comme eux. Ils essaient de comprendre et de s'intégrer dans cette nouvelle société post-apartheid, multiculturelle et égalitariste. Steve obtient un poste à l'université et mesure l'énorme fossé entre les étudiants noirs et les autres. Il met en place des cours de rattrapage et se bat pour améliorer la situation. Sa femme travaille au sein d'une association comme avocate et elle tente de venir en aide à toutes les victimes de l'apartheid. Leur couple est totalement accepté dans leur entourage familial, du côté du père de Jabulile, pasteur dans une communauté zoulou et du côté des parents de  Steve, progressistes et tolérants. Ils ont deux enfants : la fille grandit sans problème, mais le garçon présente des troubles du comportement. Le sport et le soutien de son grand-père zoulou apaisent leur fils, qui vit son adolescence dans un tourbillon de vie quelque peu désordonné. Nadine Gordimer intègre dans son roman beaucoup de dialogues "politiques" sur la situation du pays. La corruption gangrène le milieu des responsables au sein même de l'Etat. Si on veut suivre les commentaires des protagonistes, il vaut mieux s'informer sur la situation de l'Afrique du Sud. On lit quand même avec intérêt les interrogations de la petite communauté de ce quartier multiculturel. Le couple Steve-Jabulile vit dans la hantise de la violence sociale (la description d'un épisode d'agression contre une parente zouloue symbolise l'insécurité du pays). Steve décide de se renseigner pour immigrer en Australie. Sa femme, pourtant réticente, finit par admettre qu'ils doivent partir et acceptent d'entreprendre les démarches pour concrétiser leur installation dans ce pays à priori moins violent, plus harmonieux, plus neuf. Ce projet bouleverse leur vie quotidienne et le sentiment de trahison, d'abandon de leur cause finit par fragiliser leur famille respective et leur couple. Je ne dévoilerai pas l'issue du roman pour vous donner envie de lire ce grand roman politique et historique qui résume la planète "Gordimer" : des destins individuels dans le devenir d'un pays encore englué dans les inégalités sociales, le nouvel apartheid, des questions raciales et multiculturelles, des interrogations philosophiques et des réponses tâtonnantes. Comment vivre dans ce pays ? Comment survivre dans un pays violent ? Nadine Gordimer, en bonne militante, semble nous dire que personne ne doit déserter...