jeudi 18 août 2022

"La Peau de chagrin"

Quand j'étais au lycée et à l'université, je lisais beaucoup de classiques pour des raisons d'étude et souvent par amour de la littérature. Je n'avais pas de ressources financières suffisantes pour m'acheter des nouveautés en librairie et je préférais consacrer mon petit budget aux livres d'occasion en format de poche. Par contre, ma mère qui était une bonne lectrice, m'offrait des Pléiades à chaque occasion festive (anniversaire et Noël). J'ai conservé dans ma bibliothèque tous ses cadeaux précieux : Flaubert, Stendhal, Nerval, Proust,  Camus, Gracq, Larbaud, Yourcenar... Plus je prends de l'âge, plus je reviens aux fondamentaux de la littérature française. Cet été, j'avais envie de retrouver Balzac et j'ai retiré dans une bibliothèque nomade, "La Peau de chagrin", dans la collection des Classiques chez Flammarion. Je l'avais lu dans les années 70 et j'ai redécouvert dans ce texte publié en 1831 une histoire fantastique d'une portée philosophique fascinante. Un jeune noble, Raphaël de Valentin, a perdu son dernier sou au jeu d'argent et il veut se suicider. Avant d'accomplir ce funeste projet, il entre dans un magasin d'antiquités où un vieil homme lui montre une peau de chagrin qui détient un pouvoir magique : elle peut exaucer tous les vœux de son propriétaire. Mais, une inscription sur cet objet maléfique prévient le jeune homme : "Le cercle de vos jours, figuré par cette Peau, se resserrera suivant la force et le nombre de vos souhaits, depuis le plus léger jusqu'au plus exorbitant". Raphaël accepte ce pacte diabolique. Il devient riche grâce à un héritage d'un oncle, mène un train de vie luxueux, séduit les femmes, mais l'une d'entre elles qu'il convoite se moque de lui. Mais, sa "Peau de chagrin" se rétrécit de plus en plus. Il vieillit prématurément, tombe malade et finit par mourir tout en restant cloîtré pour éviter tout désir. Cet objet maléfique symbolise la force vitale du jeune homme et plus il désire, plus il dépérit. Ce pacte rappelle que toute chose a un prix. Pour Balzac, le bonheur ne peut durer et le dilemme que se pose Raphaël se résume ainsi : choisir une vie courte intense ou une longue vie sage ? Faut-il chercher à satisfaire tous ces désirs ? Chacun peut choisir la voie qu'il préfère. Honoré de Balzac et sa "Comédie humaine" conserve un attrait total : histoires, intrigues, style, vocabulaire d'une richesse inouïe. Et en plus, j'ai eu la surprise de lire un passage sur le Lac du Bourget quand le jeune homme suit une cure à Aix-les-Bains ! Les savoyards devraient lire cet extrait dithyrambique sur cette "goutte d'eau bleue", "une turquoise égarée" et aussi, cette remarque : "Ce lac est le seul où l'on puisse faire une confidence de cœur à cœur. On y pense et on y aime. En aucun endroit vous ne rencontrerez une plus belle entente entre l'eau, le ciel, les montagnes et la terre. Il s'y trouve des baumes pour tout". Balzac connaissait évidemment les plus beaux coins de France... Je n'ai pas fini de redécouvrir ce génie littéraire...