mardi 28 janvier 2020

"Le Consentement", 1

Vanessa Springora vient d'écrire sa vérité, une vérité qui surgit trente ans après son "consentement" auprès d'un écrivain, Gabriel Matzneff, impuni jusqu'ici malgré ses comportements pédophiles. Ce comportement criminel, puni par la loi, n'a pas alerté le milieu littéraire. Bernard Pivot l'a souvent reçu dans Apostrophes et seule, une écrivaine, Denise Bombardier, s'était indignée. La société fermait les yeux et une pétition, initiée par Gabriel Matzneff, stipulait l'impunité des relations sexuelles entre adultes et mineurs. Elle a été signée par de grands intellectuels (Sartre, Beauvoir, Barthes). L'époque libérale de l'Après 68, prônait la liberté où chacun pouvait se livrer à sa vie amoureuse comme il le sentait. Il ne fallait pas contrarier les pulsions sexuelles… Le libertinage d'un prédateur comme cet écrivain était accepté sans aucune règle morale. Il faut bien du courage à l'écrivaine et nouvelle directrice des Editions Julliard, pour raconter avec un calme distant, apaisé, l'histoire de ce drôle de couple improbable. Vanessa Springora vit à Paris avec sa mère qui travaille dans le monde de l'édition. Le père est absent, très occupé et le couple en crise se sépare.  La jeune adolescente accompagne sa mère dans un dîner et elle s'ennuie au milieu des adultes. Un homme l'observe, la regarde, la fixe avec ses yeux bleus redoutables. Cet homme possède une réputation flatteuse de lettré et connaît beaucoup de gens importants. Elle va rencontrer dans cette soirée, son ogre… La narratrice comprend quelques années plus tard  ce moment fatidique où toutes les conditions sont réunies : "Un père aux abonnés absents qui a laissé dans mon existence un vide insondable. Un goût prononcé de la lecture. Une certaine précocité sexuelle. Et, surtout, un immense besoin d'être regardée". La fascination envers ce "grand écrivain" se transforme vite en passion amoureuse, exaltée et lyrique. Elle a 14 ans et lui 50 ans… Il commence ses contacts par une relation épistolaire intense. Elle accepte de le voir et ils se retrouvent dans son studio. Leur relation démarre et quand sa mère apprend qu'elle est la maîtresse de ce homme âgé, elle lui révèle que ce G. M. a une réputation de pédophile. Elle ne croit pas cette mère en colère. Comme beaucoup d'adolescentes en révolte, elle défie l'autorité des adultes et se jette dans les bras de cet homme pervers. Vanessa Springola relate avec une parfaite maîtrise cette relation anormale, son initiation sexuelle, un nouveau continent pour cette jeune fille timide. Elle écrit : "Je suis amoureuse, me sens aimée comme jamais auparavant". Leur rencontre est un miracle, lui dit-il. Il l'emmène dans les musées, au cinéma, lui conseille des lectures, l'attend à la sortie du collège. Leur amour doit rester secret. Sous emprise de cet homme qu'elle admire pour sa culture et son intelligence, la jeune fille impose son amant quinquagénaire à sa mère qui finit par adouber cette relation exceptionnelle.  (La suite, demain)