lundi 14 août 2017

Confidences sur la lecture, 3

On ne dira jamais assez le rôle majeur des professeurs de français pour découvrir le bonheur de lire. Après les parents (souvent la mère), premiers passeurs de lecture, les instituteurs (professeurs des écoles aujourd'hui) nous donnent accès à l'apprentissage du lire, de l'écrit et du calcul. Sans ces fondamentaux, sans cette éducation, l'individu est condamné à rester dans sa caverne obscure que Platon a si bien décrit. J'ai eu la chance dans mon adolescence d'avoir eu des professeurs de français compétents, motivés et souvent d'une douceur pédagogique bien plus efficace que la sévérité glaçante. Dès ma 6e, mon professeur de français, (Monsieur Delmas, je m'en souviens encore), passionnait sa classe et nous faisait interpréter des extraits de Molière alors que ce n'était pas courant dans les années 60. Il lisait ses dictées mémorables en choisissant toujours des textes littéraires. Son cours passait sans ennui et il m'a offert ce cadeau inestimable : m'initier à la littérature française. Dès lors, j'ai aimé cette matière, le français,  comme une deuxième naissance. J'ai commencé à lire les classiques en 4e et je crois que cette faim de lecture ne s'est jamais interrompue. Je feuilletais les Lagarde et Michard avec plaisir et je découvrais ainsi les écrivains du XVIe au XXe siècle. Souvent, j'avançais ma lecture et je n'attendais pas les consignes. Ce vagabondage autour des livres me donnait des ailes, une liberté singulière pour une adolescente des années 60. J'avais déjà mes préférences à quinze ans : Colette et ses Claudine, Marcel Aymé, Roger Martin du Gard, Jean Giono, André Gide. Je dévorais les livres de poche que j'allais m'acheter grâce à la générosité infinie de ma mère. La librairie où je dénichais tous ces trésors se situait en plein centre ville et je m'attardais souvent dans cette grotte profonde où les murs étaient couverts de "poches" du sol au plafond... Evidemment, j'ai passé mon bac littéraire en Première et j'ai eu la chance de disserter sur Camus à l'écrit et sur un texte de Voltaire à l'oral. Je fréquentais aussi la bibliothèque municipale de Bayonne à l'ambiance feutrée, silencieuse, secrète que l'on ne ressent plus aujourd'hui dans une médiathèque moderne. Je cite cette phrase de Marguerite Yourcenar qui résume en un éclair de lucidité toute vie liée aux livres : "Le véritable lieu de naissance est celui où l'on a porté pour la première fois, un coup d'œil intelligent sur soi-même : mes premières patries ont été des livres". Cette citation me convient parfaitement...