mardi 11 avril 2023

"L'étoile Vesper", Colette

Cette année, j'ai redécouvert Colette grâce à la célébration de sa naissance, il y a 150 ans ! Pourtant, j'avais lu ses "Claudine" et quelques uns de ses romans les plus emblématiques. Mais, j'étais trop jeune pour savourer sa prose poétique, charnelle et vibrante. Quand on prend de l'âge, c'est parfois difficile (j'ai renoncé à atteindre le sommet du Mont Blanc !), mais pour la lecture, (et si notre cerveau conserve toute sa clarté), cet acte si essentiel se transforme en une aventure merveilleusement palpitante. Pour ma part, j'ai ressenti cet esprit de renouveau avec Virginia Woolf, Marguerite Yourcenar et Marcel Proust. Ces écrivains de génie se comprennent cent fois mieux à une deuxième voire une troisième lecture, plus intense, plus dense, plus approfondie. Je peux ajouter maintenant Colette. Et je suis saisie d'une "fringale" pour l'univers colettien. J'ai donc ouvert récemment le quatrième tome de la pléiade pour "L'étoile Vesper". Publié en feuilleton dans les premiers numéros d'Elle en 1945, le texte ressemble plus à une chronique qu'à un journal intime où elle confierait ses souvenirs les plus intimes. Pourtant, elle décrit sa vie quotidienne dans son appartement du Palais-Royal à Paris : la douceur du printemps, la présence de son dernier compagnon, les visites, les voisins, les échos du jardin public. Car, Colette souffre d'une arthrite invalidante et elle ne sort plus de chez elle. Sa curiosité affutée lui donne toujours le goût de la vie malgré ses souffrances physiques qu'elle veut mettre à distance. Dans ce texte hybride, les digressions lui permettent d'aborder des événements qui l'ont bouleversée comme l'arrestation et l'emprisonnement de son mari, Maurice Goudeket, d'origine juive. Elle arrivera à le faire libérer mais, cet épisode traumatique va laisser chez elle une trace durable. Elle évoque aussi ses expériences de journaliste, ses amies dont Hélène Picard. La narratrice écrit de très belles réflexions sur son vieillissement, sur sa solitude et sur l'écriture : "Pendant une bouffée de silence, épaisse comme une brume, je viens d'entendre choir sur la table voisine, les pétales d'une rose qui n'attendait, elle aussi, que d'être seule pour défleurir". Une "éthique stoïcienne" se dégage de ce récit autobiographique car ses douleurs ne la lâchent plus : "Vivre, survivre... Après tant d'années de guerre, ces mots-là tiennent une place énorme. Le besoin de survivance est si vif chez nous, femmes, et si féminin l'appétit de victoire physique !". Ce très beau texte se lit un peu comme un testament littéraire. Son amour indéfectible de la vie se résume avec cette phrase : "Changé... Je viens d'écrire ce mot et je lève les yeux. Était-ce un mot magique ? Tout est nouveau. Le nouveau, le renouveau viennent quand j'écris". Colette, une écrivaine d'un charme infini.