lundi 27 septembre 2021

"Le Guépard"

 Quand je m'évade dans une escapade, je pense à emporter un roman qui correspond au pays que je vais visiter. Au Portugal, je vais lire et relire Pessoa. Pour Berlin, je lirai des romans allemands, surtout le grand Thomas Mann. Pour l'Espagne, j'ai le choix entre Javier Marias et Cervantès. Et je peux continuer la liste. Je me souviens que je lisais Homère, Yourcenar, Jacqueline de Romilly quand je suis partie à plusieurs reprises en Grèce. Pour la Sicile, j'ai choisi de relire "Le Guépard" de l'écrivain et aristocrate italien, Giuseppe Tomasi di Lampedusa, paru en 1958 à titre posthume. J'ai relu ce classique avec un intérêt croissant au fil des pages. Je me souviens du magnifique film de Visconti avec Burt Lancaster, Alain Delon et Claudia Cardinale. Le film avait obtenu la palme d'or à Cannes en 1963. L'écrivain sicilien retrace la vie de Don Fabrizio Corbera, prince de Salina. Avant de lire ce classique, il vaut mieux se renseigner sur l'Histoire italienne en 1860, le débarquement des troupes de Garibaldi, le renversement d'un ordre séculaire. Au milieu des tourments révolutionnaires du Risorgimento, le prince sicilien assiste au changement entre l'ordre ancien et un nouvel ordre. L'écrivain s'est inspiré en la romançant de la vie de son arrière-grand-père, Giulio Fabrizio di Lampudesa. L'intrigue romanesque repose sur la rencontre de Tancredi, le neveu charismatique, avec la fille du maire parvenu, la belle Angélique. La fille du Prince est amoureuse de son cousin qui ne voit pas cet amour trop familier. Le Prince accepte ce mariage pour des raisons financières car Tancredi est ruiné et il a besoin de la fortune de sa future femme pour se lancer dans la politique. L'histoire se déroule par tranches d'années de 1860 à 1910. La vie des "Guépards" siciliens est décrite avec une profondeur proustienne et ce Prince puissant et influent, patriarche traditionnel, assiste à sa propre impuissance. Seul, son chien Bandito et sa passion de l'astronomie le rendent heureux. Quand il analyse sa vie au moment de mourir, "il voulait ramasser petit à petit, hors de l'immense tas de cendres du passif, les paillettes d'or des moments heureux". Lire ce roman somptueux près des paysages que le Prince de Salina a certainement vus me rapprochait de ce pays si attachant. Le Prince ne se fait aucune illusion sur le cours de l'Histoire : "Nous fûmes les Guépards, les Lions ; ceux qui nous remplaceront les petits chacals, les hyènes. Et tous ensemble, Guépards, chacals, moutons, nous continuerons à nous considérer comme le sel de la terre".  Des passages du roman appartiennent à la mémoire littéraire universelle comme la célèbre scène de bal au centre du récit. J'ai relu cette fresque avec un vrai bonheur de lecture en comprenant mieux cette île particulière volcanique dans tous les sens du terme. Je suis tombée sous le charme de l'Italie depuis longtemps et plus le temps passe, plus je m'attache à ce territoire béni des dieux, qui, des Romains aux Italiens d'aujourd'hui, ont forgé une identité exceptionnelle autour de la langue et de l'art. La littérature italienne est ce pays que je visite régulièrement en attendant d'y retourner le plus souvent possible. 

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