vendredi 26 juillet 2024

"Kaddish pour un enfant qui ne naîtra pas", Irme Kertesz

 Je poursuis ma découverte de l'écrivain hongrois, Imre Kertesz, prix Nobel de Littérature. J'ai déjà mentionné dans ce blog son récit, "Etre et destin" que j'ai lu trop tardivement. Ma deuxième lecture concerne un récit, "Kaddish pour un enfant qui ne naîtra pas", publié en 1995 chez Actes Sud. Le texte inspiré par sa condition de survivant après Auschwitz évoque la non naissance d'un enfant à qui il ne veut pas infliger le destin que l'écrivain a subi. Il prononce cette prière juive, le kaddish, la prière des morts. La vie de l'écrivain a été "confisquée par la tragédie concentrationnaire". La question lancinante et obsessionnelle qu'il se pose ne peut pas avoir de réponse : comment donner la vie dans un monde définitivement traumatisé par l'Holocauste ? Le monologue intérieur du narrateur se focalise sur son expérience du camp où la mort rodait à tous moments. Il dit qu'il est mort lui-même dans ce camp et seule, l'écriture et la littérature lui ont offert une survie provisoire. Quand son épouse exprime le besoin d'une descendance, d'un enfant, le narrateur réagit ainsi : "Non ! cria, hurla en moi quelque chose immédiatement, tout de suite, et mon cri a mis de longues années à s'apaiser, devenant une sorte de douleur sourde mais tenace jusqu'à ce que, lentement et malicieusement, comme une maladie latente, la question se dessine en moi". Paradoxalement, donner la vie pour Imre Kertesz, c'est aussi donner la mort. Il revient sur son enfance, sur le divorce de ses parents, sur le pensionnat qu'il a mal vécu, sur le rapport à son père autoritaire. Il s'adresse à sa femme en la nommant "ma future ex-femme" et  et sur la construction de son couple. Il a compris qu'il était juif après une visite à une tante, "une femme chauve en robe de chambre rouge assise devant son miroir". une image saisissante qui le hantera longtemps. Sa famille était assimilée et ne pratiquait pas les traditions religieuses : 'sa judéité comme une vague circonstance de naissance". Il ne reste à l'écrivain qu'à se consacrer à l'écriture : "Le stylo est mon outil". Il aura vécu le nazisme et le totalitarisme communiste en Hongrie et cette double expérience traumatisante a fait naître sa vocation de témoin pour dénoncer ces deux terribles impostures tragiques de l'Histoire. Un récit-témoignage essentiel dans l'oeuvre d'Irme Kertesz. 

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