mardi 2 juillet 2024

"Instants de vie", Virginia Woolf, 1

Quand j'aime tout particulièrement un écrivain, homme ou femme, je lis et relis la quasi totalité de ses oeuvres. Une manie que je conserve depuis ma naissance de lectrice. Cela faisait des années que je n'avais pas ouvert "Instants de vie" de Virginia Woolf et lors de ma dernière escapade en Bretagne, je l'avais déposé dans mon sac. Cet ouvrage se compose de cinq textes distincts, tous autobiographiques et l'écrivaine se livre à coeur ouvert sur sa famille. Le premier texte, adressé à son neveu Julian Bell, "Réminiscences", paru en 1908, évoque sa mère, Julia Stephen, une femme d'une beauté ensorcelante et d'une intelligence subtile. La petite Virginia perd sa mère alors qu'elle avait treize ans et cette perte irréparable restera toujours un chagrin tout au long de sa vie : "La mort a toujours un effet étrange sur ceux qui survivent et souvent un effet terrible par le gachis qu'il fait de désirs innocents". Cette mère, morte à 49 ans, "une femme remarquable et la plus belle des femmes", est partie trop tôt après un deuxième mariage avec le père de Virginia, Leslie Stephen. Généreuse, dévouée, cultivée, Julia Stephen a illuminé l'enfance de Virginia, une jeune adolescente hypersensible qui ressentira un sentiment d'abandon toute sa vie. Elle écrit : "Elle parvenait à donner une inimitable splendeur au spectacle de la vie, comme si elle le voyait bien composé de fous, de clowns et de reines superbes, immnese cortège en marche vers la mort". Cette disparition hantera l'écrivaine toute sa vie quand elle écrit : "On oublie les morts, dit-on. (...) Lorsque j'entre dans la pièce, elle est là ravissante, bien présente avec ses paroles familières et son rire, plus proche que ne le sont les vivant, éclairant nos vies incertaines comme d'une torche enflammée ; infiniment noble et délicieuse aux yeux de ses enfants". Peu après la mort de sa mère, sa soeur Stella décède très jeune alors qu'elle avait symboliquement remplacé Julia dans la famille. Encore une blessure familiale qui laisse la jeune adolescente dans une atmosphère endeuillée. Son père, devenu veuf, grand intellectuel anglais, impose à ses filles une autorité étouffante, issue de la société victorienne. Quand Virginia Woolf écrit ce texte, elle est âgée de 26 ans et sa maturité littéraire éclate déjà dans toutes ses phrases. Elle voulait inscrire les figures parentales dans le temple sacré des mots et cet hommage magnifique concernant surtout sa mère ne peut qu'émouvoir les lecteurs et lectrices, amoureux et amoureuses de cette écrivaine si attachante. (La suite, demain)

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