lundi 1 juillet 2024

"Vienne au crépuscule", Arthur Schnitzler

 Pour se changer vraiment les idées en ces temps politiquement complexes, mieux vaut se réfugier dans un roman classique ! J'ai lu récemment "Vienne au crépuscule" d'Arthur Schnitzler, paru en 1908. Ce roman à clefs fit scandale à sa parution car l'écrivain autrichien prêtait à ses deux personnages ses propres aventures sentimentales. L'écrivain, Henri Bermann, plutôt torturé par ses inquiétudes existentielles, tient une place de confident ami auprès du baron Georges von Wergenthin, musicien talentueux, séduisant aux nombreuses conquêtes, cultivant un esprit égotiste et libertin. Une de ses amantes, cantatrice de métier, Anna Rosner, va tomber malencontreusement enceinte. Dans cette société ultra hiérarchisée, les femmes artistes étaient écartées de la voie conformiste que représente le mariage, réservé aux "honnêtes femmes". Peut-on vivre l'amour hors du mariage ? Pourtant, Georges est amoureux d'Anna qui attend patiemment sa demande en mariage. L'écrivain décrit une ville enchantée avec le Prater, les promenades dans les bois environnants, les célèbres cafés viennois, les jardins publics. Le musicien mène une vie papillonnante sans vraiment travailler son inspiration musicale. Il manque de volonté et d'esprit responsable. Un Peter Pan qui refuse d'assumer des choix et de grandir. Un thème important apparaît aussi dans ce roman : l'identité juive et la montée de l'antisémitisme. Malgré l'assimilation totale des Juifs, issus de la grande bourgeoisie viennoise, se pose la question du sionisme dans une perspective de la création d'un Etat. Comme dans les textes de Stefan Zweig, Arthur Schnitzler décrit un monde disparu avec beaucoup de finesse et de lucidité. Les deux protagonsites recherchent le bonheur dans leur vie privée sans vraiment l'atteindre. Des thèmes affleurent sans cesse dans les lignes : fugacité des plaisirs, fragilité des sentiments, notion de liberté limitée. Arthur Schnitzler connaissait Freud et les destins de deux personnages entre hésitations incessantes et fuites des responsabilités reflètent les théories freudiennes comme le rôle de l'inconscient dans le comportement humain. L'écrivain autrichien remarquait : "Je l'ai toujours dit, ce n'est pas nous qui forgeons notre destin, c'est, la plupart du temps, une circonstance extérieure qui s'en charge, et sur laquelle nous n'étions pas en mesure d'exercer une influence quelconque".  Un grand roman viennois à découvrir pour voyager dans le passé et dans une ville mythique. 

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