mercredi 4 septembre 2024

"'L'art d'être distrait, Se perdre pour se trouver", Marina van Zuylen

 J'ai trouvé sur la table des nouveautés de la Médiathèque un essai revigorant, d'une lecture agréable, "L'art d'être distrait, Se perdre pour se trouver" de la philosophe franco-américaine, Marina van Zuylen, publié chez Flammarion. Se faire traiter de "distrait" ne ressemble pas à un compliment de nos jours. Il vaut mieux choisir une concentration extrême et certains médicaments ingurgités permettent de renforcer cette aptitude pour mieux réussir dans la vie sociale. L'essayiste consacre son livre sur cet art si poétique de la distraction. Pour mettre à l'honneur cette qualité indispensable, elle s'appuie sur sa culture philosophique sans adopter une langue alambiquée. Cette faculté d'évasion mentale permet la créativité artistique. Elle cite Montaigne : "Une merveilleuse grâce à se laisser ainsi rouler au vent", un modèle du distrait littéraire et ses "Essais" traduisent cette approche vagabonde de la pensée ; "un style pot-pourri". Le rapport au monde intègre une intimité poétique que l'on retrouve chez Rousseau, Proust, Nietzsche. Le philosophe allemand pratiquait la marche et dans sa déambulation, il pensait à ses concepts. L'exemple de Darwin illustre la thèse sur la distraction car, à la fin de sa vie, ce grand scientifique regrettait d'avoir négligé la lecture de Shakespeare pour vivre des émotions. Dans un entretien, la philosophe se confie sur ses propres "rêvasseries". Petite fille, elle était "dans la lune" et elle a inventé des stratégies pour palier sa "distraction". Elle évoque "l'éparpillement mental" qui permet aussi l'alternance entre légéreté et profondeur. Un ouvrage d'Albert Piette, "Anthropologie existentiale (avec un a !) lui a ouvert les yeux sur les notions de "présence-absence" et de "l'attention distraite". Il faut, dit-elle, "se laisser bercer par la paresse, par un roman, un poème (...), rien n'est plus doux alors que ce temps vacant, que ce bienheureux sentiment d'improductivité végétative". Ce pas de côté insuffle à nos vies un air de liberté tout à fait appréciable. Certains se consacrent à la performance permanente, d'autres choisissent une certaine "distraction" vers un oubli d'un soi trop sérieux. Marina van Zuylen prône une existence dans un "espace intermédiaire et allégé". Cet essai salutaire convient très bien à tous ceux et à toutes celles qui aiment la lecture, un art de se distraire intelligemment ! 

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