mercredi 11 septembre 2024

"Archipels", Hélène Gaudy, 1

 C'est parti pour la lecture des nouveautés de la rentrée littéraire : je viens de terminer le roman d'Hélène Gaudy, "Archipels", publié au Seuil. J'avais lu "Un monde sans rivage" en 2021 et j'avais remarqué l'élégance de son style et son goût des paysages sauvages. Dans les premières pages, elle évoque une île en Louisiane dans le delta du Mississipi. Ce morceau de terre va disparaître à cause de la hausse du niveau des eaux. Ce bout du monde se nomme Jean-Charles, le prénom de son père. Et ce père quasiment insaissisable devient cette île méconnue qui va sombrer sous l'eau. L'écrivaine s'empare de la personnalité opaque de cet homme, artiste peintre, campant dans un silence secret. Tout son récit va donc se dérouler dans ce magma familial à Paris. Dans son roman, "Un monde sans rivage", elle racontait des histoires d'explorations arctiques, des disparitions inexpliquées et elle effectue la même démarche : explorer un continent inconnu, une forêt vierge, une île souterraine en la personne de son père. La narratrice mène son enquête avec précaution, avec délicatesse sans heurter en aucune manière l'édifice familial. Jean-Charles ne se souvient ni de son enfance, ni de son adolescence. Il a toujours accumulé d'innombrables objets dans son atelier, recueillis dans les marchés, les brocantes et les bazars. Il ne vendait pas ses toiles et se moquait de la reconnaissance de son état d'artiste. Elle le décrit ainsi : "Un homme enfant qui ne sait rien de son enfance, à la fantaisie inébranlable et au sérieux inquiet, un homme qui, toute sa vie, s'est efforcé de sauver ce qu'il pouvait sauver alors que son propre passé lui reste inaccessible". Cette accumulation de choses autour de lui comble un manque, un abîme. Il commence à prendre de l'âge (80 ans) et les renoncements que sa santé défaillante implique, l'enragent. Le "Jamais plus" l'insupporte. Dans cet atelier, ses "falaises d'objets" le protégeaient du pire. Quand son père accompagne sa fille dans cet atelier, la scène dévoile la volonté secrète d'un héritage à conserver. Que faire de tous ces objets qui deviendront alors orphelins : "On passe dea années à étaler de la peinture, à noircir des feuilles, à meubler nos intérieurs, et un jour, on se retrouve à dire à nos enfants qu'ils pourront tout jeter si nos vies les encombrent". (La suite, demain)

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