vendredi 5 juin 2020

Lectures au pluriel

Le matin, j'ai un rituel quand je consacre quarante-cinq minutes à mon vélo d'appartement. J'essaie de maintenir mes jambes en forme pour mes balades pédestres et mes escapades urbaines. Pendant que mon corps bouge, mon esprit bouge aussi et ce moment matinal de mise en forme physique et culturelle constitue presque une parenthèse contemplative active dans ma journée. J'ai donc pris l'habitude de picorer dans des lectures variées. En ce moment, dans la chambre d'ami qui abrite ma deuxième bibliothèque après celles de mon salon, je dispose d'une pile de livres où je pioche un titre selon mon humeur du matin. J'ai commencé Hannah Arendt et sa "Condition de l'homme moderne", ardue et ardente, cette histoire du travail humain à travers les siècles. J'ai retenu cette citation au fil des pages : "Les Français sont passés maîtres dans l'art d'être heureux au milieu des "petites choses", entre leurs quatre murs, entre le lit et l'armoire, le fauteuil et la table, le chien, le chat et le pot de fleurs, répandant en tout cela un soin, une tendresse qui, dans un monde où l'industrialisation rapide ne cesse de tuer les choses d'hier pour fabriquer celles du lendemain, peuvent bien apparaître comme tout ce qui subsiste de purement humain dans le monde". Belle réflexion au détour d'une page. J'avance à petits pas dans ce volume fondamental de la philosophe allemande. Puis, je me mets à lire le journal intime de Charles Ferdinand Ramuz, un écrivain suisse bien oublié aujourd'hui. Je me retrouve au début du siècle et je partage les doutes du narrateur, sa mélancolie, sa modestie et sa passion de l'écriture. Il décrit beaucoup de paysages et parcourir de temps en temps ses pages me replonge dans un temps bien différent d'aujourd'hui. Une curiosité littéraire assez rare et cet ouvrage reposait dans mes étagères depuis très longtemps. Je l'ai enfin ouvert… J'ai aussi à portée de ma main la correspondance entre Albert Camus et René Char. Ils évoquent souvent Lourmarin et l'Isle sur Sorgue. Cette lecture me donne envie de revoir la Provence et de pousser vers la mer. J'ai décidé de lire tout Nietsche. Je ne sais pas si je vais y arriver… J'ai déjà lu "La naissance de la tragédie", "Le gai savoir", "Ecce homo" et je m'attaque au "Crépuscule des idoles". Vivifiant, mordant, insolent et toujours des aphorismes percutants… J'ai retrouvé dans ce folio la célèbre citation sur la musique : "Sans la musique, la vie serait une erreur !". Je me familiarise avec la philosophie nietzschéenne et ce n'est pas toujours évident. Je m'accroche… J'ai aussi eu envie de lire le journal intégral de Virginia Woolf, une œuvre monumentale de plus 1700 pages… Je lis quelques pages par semaine pour rester en contact avec cette immense écrivaine anglaise. Quelques notes sont particulièrement cocasses sur sa vie quotidienne et elle relate avec une précision d'orfèvre sa vie ultra-sociale. Cela fait des années que je voulais le lire dans son intégralité et je me suis plongée dans ces pages avec une gourmandise toute littéraire. Mes lectures matinales fragmentaires me permettent de redonner vie à certains livres un peu abandonnés dans mes bibliothèques.  A chaque moment de la journée, une lecture adaptée, particulière selon mon humeur du jour… Je lis en picorant, je picore en lisant… La lecture est un bonheur sans fin. 

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