lundi 18 mars 2024

"Le Quatuor et autres nouvelles", Virginia Woolf

Je reviens sur Virginia Woolf car j'avais intégré dans ma liste un recueil de nouvelles, "Le quatuor à cordes et autres nouvelles", paru dans la collection Folio. Pour aimer et comprendre cette voix unique, singulière, exceptionnelle de la littérature anglaise, il est préférable de commencer par des textes courts, brefs pour appréhender le génie woolfien que l'on pourrait définir comme une écriture impressionniste, intimiste, rêveuse, poétique. Dans la première nouvelle, ce quatuor à cordes n'est qu'un prétexte pour entendre des monologues anonymes qui ricochent sans ordre précis suivant le "flux de conscience". La musique inspire des vaguelettes de mots qui décrivent des paysages bucoliques, aquatiques. Dans la deuxième nouvelle, "Kew Gardens", un couple s'interroge sur leur passé respectif avec des souvenirs nébuleux et le texte bascule sur la présence d'un escargot qui écoute ces conversations de promeneurs divers. Virginia Woolf décrit tout ce qui l'entoure, des fleurs aux arbres, d'un modeste escargot à des hommes et à des femmes, toutes ces impressions glissent sur la page comme dans un tableau peint par petites touches colorées : "La cité grondait pareil à un immense assemblage de boîtes gigognes en acier tournant les unes dans les autres en un mouvement perpétuel ; et sur ce fond, la clameur des voix et des éclats de couleur jaillis de myriades de corolles montaient dans les airs". La nouvelle suivante, "La marque sur le mur" montre une tâche noire sur un mur et la narratrice se demande d'où vient cette marque. Son esprit divague dans des songes sur ce mystère et la chute de la nouvelle révèle la trace d'un escargot (encore un !). La nouvelle, "La dame dans un miroir", raconte les reflets d'un miroir dans une pièce inoccupée et quand Isabella, la maîtresse de maison, surgit devant le miroir, son regard croise celui du miroir et elle voit la nudité de sa vie, sa vieillesse alors que tout dans son salon, ses objets personnels, son courrier dense, ses meubles, ses tissus montraient l'abondance et la richesse. En coupant une branche dans son jardin, elle pense à ce geste brutal et ressent la perte : "La chute de cette branche évoquait sa propre mort ainsi que la futilité et la fugacité de toutes choses". La fin de la nouvelle révèle la vérité sur cette femme au miroir : "Elle était nue dans cette lumière impitoyable". Dans ces courtes nouvelles, Virginia Woolf montre tout son art d'écrire : sensations, impressions, divagations, déambulations. La lecture de ses textes ne ressemble pas à un chemin facile, balisé, plat et droit. Le chemin de l'écrivaine dessine des méandres, des courbes, des décrochages. Ce recueil pourrait déclencher (ou pas) chez son lecteur-lectrice l'envie d'aller vers ses romans et ses essais sans oublier son journal. Une écrivaine d'une importance capitale pour la littérature du XXe et quand je pense qu'elle n'a pas obtenu le prix Nobel de littérature ! 

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