lundi 26 février 2024

"Démolition", Ann Enquist

 Ann Enquist vient d'écrire "Démolition", paru chez Actes Sud en début d'année. Cette écrivaine néerlandaise, possède deux qualités excellentes que j'apprécie beaucoup : elle adore la musique classique (elle est pianiste aussi) et elle pratique le métier de psychanalyste. J'ai lu tous ses romans : de "Contrepoint" à "Quatuor", "Des porteurs de glace" au "Secret", etc. Son oeuvre profonde et subtile évoque les méandres tortueux de l'âme humaine dans ses petitesses comme dans ses grandeurs. Un thème les lie tous avec la célébration de la musique. Elle parle aussi du deuil, de la perte irréparable, de l'évolution de la société occidentale. Sa prose, même traduite en français, conserve une élégance stylistique. L'héroïne du roman s'appelle Alice Augustus, compositrice et fan absolu de Haydn. Elle nous raconte son enfance, sa passion pour la musique et pour les percussions, en particulier. Quand elle parle d'elle, elle adopte un ton ironique et distanciée et ce parti pris donne au texte une tonalité musicale. Dans sa quarantaine, elle désire un enfant mais, ce projet n'aboutit pas et malgré l'aide de la médecine, elle n'arrive pas à être enceinte. Son mari l'aide au mieux dans ses tentatives de maternité mais, il n'est pas aussi motivé qu'elle et lui suggère même d'abandonner son projet. La narratrice se pose des questions sur ce manque et en remontant dans son passé, elle se confie sur une relation amoureuse avec son professeur de musique beaucoup plus âgé qu'elle. Ils vont s'aimer dans la clandestinité et elle tombera enceinte sans le vouloir. Son amant comprend que la différence d'âge posera problème. Il quitte son ancienne étudiante et la jeune femme fera une fausse couche. Cette histoire traumatisante l'empêche de devenir mère. L'art romanesque d'Ann Enquist déroule un drame intime autour d'Alice. La mère "empêchée" se refugie dans la composition musicale, sa passion première.  A l'occasion du centenaire de son conservatoire, le directeur lui commande une oeuvre symphonique et elle lui donne ce titre, "Démolition", la démolition de son passé, un passé enfoui et douloureux ? Cette brillante compositrice a choisi les sons comme consolation... Il lui arrive pourtant une heureuse surprise et je n'en dis pas plus. La magie romanesque d'Ann Enquist opère dans ce dernier opus musical. Un régal de lecture.  

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