lundi 24 juin 2019

"Le chagrin d'aimer"

Dès les premières lignes, Geneviève Brisac donne le ton : sa mère, sa drôle de maman, envahit l'espace vital de sa fille écrivaine. Les chapitres s'intitulent "ma mère apprend à conduire, ma mère apprend à nager, ma mère fume, etc.". Comme un livre d'images façon Martine, Geneviève Brisac élabore un puzzle psychologique sur la vie mouvementée de cette femme détonante. Fille d'une mère grecque et danseuse, d'un père arménien, Mélini (surnom de sa mère) est née à Paris,  étudie à la Sorbonne, se marie avec un jeune homme bourgeois, apprend la dactylographie et se met à écrire des feuilletons pour la télévision qu'elle adapte dans les années 60. La narratrice n'occulte pas les défauts maternels comme sa loufoquerie permanente, son peu d'estime pour les femmes, un certain égocentrisme, son indifférence à l'égard des enfants. En fait, Mélini vivait sa vie comme un spectacle en compagnie d'un mari tolérant et aimant. Sa fille éprouve envers elle une fascination ambiguë car elle aime son audace, son ambition, sa singularité atypique pour l'époque malgré un caractère quelque peu difficile… Une scène dans le récit symbolise leur relation complexe lors d'un atelier d'écriture où Mélini qui accompagne sa fille lui prend sa place et se met à diriger la séance. Elle ne se gêne pas pour dispenser des conseils et propose même aux participantes de dresser un portrait d'elle. La narratrice, navrée par le narcissisme de Méline écrit : "Tu n'as pas compris ce que j'ai voulu faire. Nous ne nous comprenons jamais, comme c'est étrange. Et elle plonge le nez dans le livre qu'elle a emporté. Un roman policier, comme d'habitude". La narratrice raconte la fin de vie de sa mère dans sa maison de Bretagne et dans sa dernière demeure, une maison de retraite. L'écrivaine avait évoqué son père, Michel, dans "Une année avec mon père". Le récit autobiographique, "Le chagrin d'aimer" constitue une suite familiale, un ode amoureux et chagriné à sa légendaire mère insaisissable. Un beau récit autobiographique et écrit avec une liberté au diapason de son personnage. 

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