jeudi 8 novembre 2018

"Forêt obscure"

Nicole Krauss, écrivaine américaine, signe son troisième roman, "Forêt obscure", après "L'histoire de l'amour" en 2006 et "La Grande Maison" en 2011. Cette jeune femme fait partie des auteurs les plus remarqués de la nouvelle génération aux Etats-Unis. Comme son titre l'indique, lire ce roman prend la forme d'une aventure littéraire peu commune, comme une marche vive à l'intérieur de cette forêt de mots. Le lecteur(trice) peut s'égarer dans ce texte subtil et opaque, un labyrinthe fascinant, mais, il suffit d'arpenter avec énergie ces sentiers pentus pour apprécier l'originalité de ce roman.  Deux personnages dominent le récit : un dénommé Epstein, un riche avocat américain, et la narratrice, une romancière en panne d'inspiration. Les chapitres s'entrecroisent selon les destins de ces deux protagonistes à la recherche de leur destin. Un lieu géographique les réunit : l'hôtel du Hilton à Tel-Aviv en Israël. La narratrice, écrivaine de "renommée internationale" constate qu'elle a perdu le goût d'écrire, de composer un texte et cette sécheresse romanesque s'accompagne d'une rupture annoncée avec son mari. Epstein, l'avocat richissime, abandonne sa famille à New York et dilapide sa fortune car il se lasse de cette possession matérielle. Partir en Israël symbolise une nouvelle vie spirituelle. Il s'intéresse à la mystique juive et se rapproche d'un rabbin. Il veut planter des milliers d'arbre (encore le thème de la forêt) à la mémoire de ses parents. Les deux personnages venus tous les deux des Etats-Unis, s'interrogent sur leur identité juive, une identité vécue différemment en Israël. La narratrice est reçue par un professeur d'université qui lui révèle un secret incroyable : Kafka aurait fui en Israël pour mener une seconde vie en tant que jardinier. Elle récupère une valise d'inédits de l'écrivain pragois et part sur ses traces avec l'aide de ce mystérieux professeur. Nicole Krauss évoque la notion de "multivers", non plus univers unique, mais multiple. L'identité pour l'écrivaine ressemble à un monde fluctuant, mouvant, changeant. La forêt "psychique" où chacun peut se reconnaître, symbolise une renaissance, une "contrevie" (Philip Roth), une paix intérieure, difficile à conquérir. La revue Transfuge a publié un interview de Nicole Krauss où elle explique sa démarche : "Les deux personnages cherchent un lieu de communion, un lieu de renouvellement d'eux-mêmes". Ce roman atypique et ambitieux représente un défi de lecture mais une fois que l'on franchit le cap, quel beau roman, étrange et merveilleux ! 

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