mercredi 13 décembre 2017

"Je me promets d'éclatantes revanches"

Le sous-titre significatif "Une lecture intime de Charlotte Delbo" de ce récit-hommage définit le projet biographique de Valentine Goby : deux femmes, deux écrivains, deux époques, deux générations. La contemporaine Valentine évoque la figure emblématique de Charlotte Delbo, beaucoup moins connue en France que Jorge Semprun dans le domaine du témoignage historique sur les camps nazis. Cette femme de la Résistance est arrêtée en 1942 et son mari est fusillé au Mont-Valérien. Emprisonnée, elle est ensuite déportée à Auschwitz, puis à Ravensbrück. Elle réussit à survivre dans cet enfer nazi et elle va utiliser l'écriture pour témoigner, pour évoquer l'horreur des camps de concentration. Les éditions de Minuit publieront dans les années 60 ses premiers écrits sur son expérience concentrationnaire, "Auschwitz et après" en trois volumes. Valentine Goby raconte sa belle rencontre avec cette femme exceptionnelle. En écrivant son roman, "Kinderzimmer", une amie lui demande si elle connaît Charlotte Delbo. Elle découvre alors une voix unique : "A la lire, j'ai pensé qu'écrire, c'est peut-être exactement cela : forger une langue capable de nous ramener d'entre nos morts ; la langue de nos confins où nous nous croyons muets". Les mots de Charlotte Delbo ressemblent à un "souffle" et sa "sœur" en écriture relate la vie de cette femme engagée au Parti communiste. Elle fut la secrétaire de Louis Jouvet avant la guerre et s'est ensuite engagée dans la Résistance. Après son retour des camps, elle a travaillé à l'ONU et elle meurt d'un cancer du poumon en 1985 à l'âge de 65 ans. Le récit de Valentine Goby revient sans cesse sur la vie de Charlotte Delbo, peu reconnue de son vivant. Cet élément de non-reconnaissance, une véritable injustice, chagrine la narratrice qui, avec le livre qu'elle compose, veut effacer cet oubli injustifié. Ce récit oscille entre une biographie, un exercice d'admiration et un journal intime sur sa découverte de Charlotte Delbo. Elle en parle dans une classe pour la faire connaître, elle se plonge à corps perdu dans ses archives à la Bibliothèque nationale, elle absorbe la prose intense de l'écrivain. Elle écrit : "Oubli ou mémoire, deux pôles entre lesquels comme en nous-mêmes, la vie, l'écriture de Charlotte Delbo hésitent sans cesse". Le titre du livre résume aussi la rage de vivre de Charlotte Delbo qui a déclaré avant de s'éteindre : "tu sais, j'ai eu une belle vie"... 

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