lundi 1 mai 2017

"Vie de ma voisine"

Geneviève Brisac raconte dans son dernier livre, "Vie de ma voisine", le destin de Jenny, une voisine qui l'invite chez elle pour évoquer Charlotte Delbo. Cette femme communiste, déportée dans les camps de concentration, a écrit des témoignages précieux pour relater l'horreur du nazisme. Cette admiration commune pour Charlotte Delbo conforte leur relation amicale. Geneviève Brisac va composer son roman vrai en prenant Jenny comme personnage principal. Née à Paris en 1925, Jenny échappe par miracle à la rafle du Vel' d'Hiv, le 16 juillet 1942. Ses parents, juifs polonais, immigrés en France, sont arrêtés et ne reviendront jamais. Ils s'appelaient Rivka et Nuchim Plocki. Jenny raconte la vie de ses parents, militants communistes, obligés de fuir leur pays. Sa mère lui donne très vite le goût des livres et de la liberté. Geneviève Brisac retranscrit les paroles de Jenny, les anecdotes sur son enfance à Vincennes, le commerce modeste de ses parents, les manifestations dans les années 30, la visite en Pologne pour aller voir ses grands-parents, la traversée de Berlin où la peste noire sévit déjà. L'écrivaine ressent une nostalgie des luttes sociales : "Je l'envie, j'aurais aimé vivre cet élan, la grève générale, les manifestations, les occupations, la victoire que sont les accords de Matignon, les congés payés, la semaine de quarante heures". Jenny a traversé le siècle en liant une amitié indestructible avec Monique, rencontrée à l'école élémentaire : "elle dit, ma copine, elle dit cela avec humour et pudeur, consciente du trésor qu'est ce dialogue profond et constant depuis trois quarts de siècle". Jenny mène une vie normale entre jeux et école, vélo et liberté. Le 1er septembre 1939, la guerre éclate. En 40, le statut des Juifs est publié depuis Vichy. La ségrégation commence. Que va faire sa famille ? Ils se déclarent par "obéissance et honnêteté". La vie de Jenny bascule après la déportation de ses parents. Jenny raconte l'humiliation de l'étoile jaune, la faim, la peur, l'horreur. Monique et sa famille prennent soin de Jenny et de son frère. En 1945, les deux amies passent le baccalauréat. Elle commence sa vie d'adulte en devenant une militante socialiste active et surtout consacre sa vie à l'éducation des enfants. L'écriture efficace de Geneviève Brisac recompose les moments de vie les plus importants de Jenny. Ses deux femmes, l'une en  témoignant, l'autre en mettant en forme les mots, célèbrent avec simplicité et empathie, la mémoire des Résistants et donnent l'envie de fraternité... "Vivez et espérez" avait écrit le père de Jenny lors de son voyage vers la mort...

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