vendredi 4 novembre 2016

Le jeudi des livres, 2

J'avais proposé aux lectrices, un roman de Pascal Quignard, "Les solidarités mystérieuses" avec un peu d'inquiétude car cet écrivain d'une singularité absolue peut provoquer un rejet immédiat. Le devoir de lecture n'est pas toujours facile à imposer car nous sommes dans le plaisir de lire et non dans la contrainte. Mais, parfois en terre littéraire, il est nécessaire de s'accrocher, de persévérer, d'accepter un certain inconfort de la pensée. J'avais envie comme médiatrice de leur montrer qu'un très grand écrivain, réputé hermétique, comme Pascal Quignard peut être lu sans aucune appréhension.  La majorité des lectrices a accompli ce "devoir" de lecture, une révélation pour certaines d'entre elles. Ce roman détient les clés de l'œuvre "quignardienne" en la personne de Claire, en rupture familiale et revenant dans sa Bretagne natale pour retrouver son amour de jeunesse. Cet homme n'est plus disponible alors qu'il aime toujours Claire. Mais, il est marié et ne peut abandonner son enfant handicapé. Claire ne vit pas une solitude totale même si elle recherche cet état. Elle choisit ses liens, ses "solidarités mystérieuses" : son frère, son professeur de piano, son ancien amour de jeunesse, et surtout, sa fusion "utérine" avec la nature bretonne, la mer, les plantes, les oiseaux, le ciel, les nuages. Ce personnage magnifique ressemble à Anne Hidden, dans "Villa Amalia" comme une sœur jumelle. Pascal Quignard insuffle à ses œuvres diverses (romans, contes, fragments, aphorismes, essais) un halo de mystère, une nébuleuse de pensées profondes et même vertigineuses sur le sens de la vie, du passé, de l'amour, de l'art, de la musique, de la mort. Lire cette œuvre étrange (et je la fréquente depuis trente ans) procure une jubilation intellectuelle car, en tant que lectrice, je préfère "décrypter" les textes qui m'ouvrent sur un monde complexe et mystérieux. Des extraits ont été lus pour savourer la musicalité de la prose de Pascal Quignard, qui, en tant que musicien, connaît le solfège harmonieux de la langue française. Cet écrivain anachronique, atemporel, archéologique, psychanalytique m'enchante depuis des décennies, m'intrigue toujours, me bouscule, me bascule dans le vertige du temps. Pour conclure la séance, j'ai cité cette définition de la lecture selon l'écrivain : "Lire, c'est opérer un écart avec le monde, lire espace la pensée. Vivre dans l'angle mort du social et du temps. Dans l'angle du monde."  A méditer et surtout, ne plus hésiter à se plonger dans l'œuvre immense de Pascal Quignard.

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