lundi 1 décembre 2014

"Pas pleurer"

Je viens de terminer "Pas pleurer" de Lydie Salvayre, prix Goncourt 2014. Je souhaite à cette écrivaine un très grand succès car elle mérite amplement cette récompense qui va faire connaître Georges Bernanos et... sa propre mère. J'ai vu dans une excellente émission, Metropolis,  sur Arte, un portrait de Lydie Salvayre dans son appartement parisien, envahi de livres. Elle racontait qu'elle aimait des livres forts, des lectures "coups de fouet", et son roman prend d'emblée partie pour les humbles comme sa mère, pour les républicains espagnols, du côté des anarchistes. Elle rend un double hommage. Le premier concerne sa mère, exilée en France après la victoire des franquistes. Sa mère prend la parole, une parole libre, un patchwork de mots, d'expression qui mélange allègrement l'espagnol au français parlé. Cette liberté de langage, enraciné dans le réel, donne beaucoup de force et d'émotion au roman. Montsé, mère de la narratrice, raconte son amour de jeunesse en pleine guerre en 1936, dans un Barcelone libertaire et foisonnant de vie. Elle rencontre un jeune Français (elle s'imagine qu'il se nomme André Malraux) et tombe enceinte après sa seule nuit avec lui. Elle est obligée de retourner chez ses parents dans son petit village. Montse accepte de se marier, contrainte et forcée par sa mère, avec le fils de famille, Diego, militant communiste au grand regret de son frère anarchiste. Lydie Salvayre réussit la prouesse de transmettre avec un style inimitable, la tragique histoire de cette guerre civile sanglante. Les passages concernant Bernanos apportent une note plus distante et plus "historique" sur les assassinats des républicains à Majorque. La voix de sa mère raconte la joie du début de la guerre, son grand amour pour ce militant français, sa farouche envie de survivre. Comme je me sens très proche de ce pays (mes grands-parents espagnols, que je n'ai pas connus, ont émigré à Bayonne en 1900) et que j'aime la langue espagnole,  je ne pouvais pas résister à Montse, à Bernanos et surtout à Lydie Salvayre. J'ai envie de découvrir ses romans précédents et je me dis qu'elle a vraiment un sacré talent d'écrivain pour traduire l'atmosphère de cette époque tragique, entre les pleurs et les rires de Montsé, entre les méchants et les gentils, entre les pauvres et les riches, entre les conservateurs catholiques et les républicains anarchistes, un tableau vivant, l'épopée d'une femme simple et modeste dans un monde d'hommes en guerre. Un beau roman...

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