L'atelier Littérature de novembre est consacré à Paul Auster. J'ai lu depuis les années 80 ses romans et essais, tous publiés dans l'excellente maison d'édition, Actes Sud. Ce grand écrivain américain, disparu le 30 avril 2024, a publié son dernier roman en 2024, "Baumgartner" dont j'ai parlé dans ce blog qu'il faut absolument découvrir. J'ai choisi pour l'Atelier quelques unes de ses publications et j'ai lu récemment "Le voyage d'Anna Blum", sorti en France en 1989. Le sous-titre résume davantage ce roman dystopique, "Au pays des choses dernières". Je ne lis pratiquement pas d'ouvrages de science-fiction mais le thème de l'apocalypse a retenu mon attention. Paul Auster raconte un monde atroce en voie de disparition. Les humains errent dans but, sans repères, ni valeurs morales et ils sont prêts à s'entretuer pour manger et pour s'habiller. Ces ombres errantes, ces zombies se déchirent entre eux mais quelques êtres résistent et témoignent de cet effondrement civilisationnel. Paul Auster situe ce pays aux Etats-Unis sans préciser de date. Un personnage émouvant résiste et veut conserver son humanité : Anna Blume. Elle rédige un journal intime, une sorte de longue lettre, qu'elle adresse à son frère qui a disparu lors de ces événements absurdes. Entre "les chasseurs d'objets" et les "ramasseurs d'ordures", la mort règne dans ce pays maudit car le suicide est une libération. Elle rencontre une femme qui lui vient enfin en aide en l'acceptant chez elle. Sa vie commence à changer même si le compagnon de cette femme la rejette. Un jour, elle rencontre un homme avec qui elle va partager sa vie, une survie de lutte permanente : "Un pas, puis un autre pas, puis encore un autre : telle est la règle d'or. Si tu ne peux même pas arriver à faire ça, alors autant te coucher tout de suite sur place". Dans ces ténèbres qui règnent, seule Anna et son compagnon apportent une lumière à ce roman noir, désespérant et désespéré. Ce récit glaçant de science-fiction apocalytique trace à travers le tecte austérien "le fantasme de la fuite", de la frontière libératrice dans un monde totalitaire. Paul Auster évoque le "danger de l'aliénations, du renoncement". Anna Blume ressemble à une Antigone américaine qui lutte pour sa survie. Il ne reste plus qu'à s'échapper de ce monde absurde et la fin du roman se termine par une interrogation : va-t-elle réussir à se sauver ? Ce roman complexe et parfois déprimant ne se lit pas avec un plaisir continu mais, cette dystopie semble nous prévenir sur la précarité de notre monde en proie aux plus graves dangers de disparaître. L'écrivain l'a écrit avec une prémonition redoutable, quarante ans avant le changement climatique, les guerres actuelles, la drogue conquérante, le terrorisme islamiste, etc. Un signal d'alerte à écouter pour se doter d'un courage sans limite.