En 2024, j'ai découvert un écrivain irlandais, Colm Toibin. Ses romans distillent un charme certain, surtout "Brooklyn" et "Long Island". Nora, son héroïne principale, traverse l'océan pour vivre en Amérique, loin de sa famille. Elle reviendra en Irlande vingt ans plus tard pour retrouver ses racines. J'ai surtout remarqué le talent romanesque de cet écrivain quand il se met dans la tête d'un grand écrivain. Il a composé deux romans biographiques passionnants consacrés à Thomas Mann, "Le Magicien" et à Henry James, "Le Maître". Poursuivant ma découverte de cet auteur, j'ai fini de lire "Désormais, notre exil", son premier roman, publié en 1996. En 1950, Katherine Proctor, quitte son pays, l'Irlande, en abandonnant son mari et son fils. Elle s'installe à Barcelone et erre dans cette ville étrange et magnifique. Dans le célèbre Barrio Gotico, elle rencontre Miguel, un peintre catalan et Michael, irlandais comme elle. Une nouvelle vie commence pour elle quand elle tombe amoureuse de Miguel, mais cet homme est hanté par son passé de combattant républicain lors de la guerre civile contre les franquistes. Le couple s'installe dans un village de montagne dans les Pyrénées catalanes pour fuir Barcelone. Katerine a décidé de peindre elle aussi des paysages et s'adonne à cette activité avec passion. Elle réalise son rêve d'artiste peintre car les femmes, même dans les années 50, étaient rares dans le milieu de l'art. Elle partage avec Michael les tourments de la guerre civile en Irlande et leur complicité amicale rend Miguel jaloux. Loin de l'Irlande, la jeune femme va-t-elle retrouver la paix ? Sa vie rustique et simple ne peut pas durer d'autant plus que son compagnon sombre dans une dépression permanente malgré la naissance de leur bébé. Quelques années plus tard, devenue veuve, Katherine retournera dans son pays et retrouvera son fils adulte pour renouer avec un passé opaque et douloureux. Ce premier roman détient déjà les qualités du romancier, tout en douceur et délicatesse. Dans un article du Monde des Livres, Colm Toibin déclare : "Ce qui me fascine, c'est l'idée du point de vue. Explorer en profondeur ce qu'un individu voit, entend, sent, enregistre, remarque. Je veux que mon lecteur s'immerge dans une conscience fictionnelle unique". Evidemment, j'ai préféré ses romans plus récents mais, j'ai lu avec plaisir les aventures de Katherine à la recherche d'une sérénité introuvable dans un Barcelone des années 50, une ville qui a malheureusement disparu sous les couches d'un tourisme de masse. Finesse psychologique, grâce de l'écriture, chocs de l'Histoire, destins individuels, tous ces éléments se retrouvent dans toutes ses ouvrages depuis trente ans.