J'ai découvert récemment l'écrivain italien, Emanuele Trevi, né à Rome en 1964. Il poursuit sa réflexion sur le rapport qu'il entretient avec les disparus. Son récit précédent, "Deux vies", évoquait l'amitié entre Pia Pera et Rocco Carbone, deux écrivains minés par l'échec. Cet ouvrage a obtenu le prestigieux prix Strega en 2021. Dans "La Maison du magicien", paru l'année dernière chez Philippe Rey, l'auteur dresse le portrait de son père, Mario Trevi, psychanalyste de renom et le mage de l'histoire. Emanuele Trevi a hérité de son appartement et il décide de s'y installer. Cette habitation dans un quartier résidentiel de Rome n'est pas une demeure de charme : "L'usure et la vieillesse avaient répandu sur ces pièces une patine de désolation". Sa propre mère ne cessait de lui dire en définissant l'attitude imprévisible de ce père : "Tu sais comment il est". Le fils Trevi tente l'impossible : il se met à l'affût de cet homme énigmatique par nature. Il se plonge dans ses écrits, dans ses carnets, dans les notes qu'il a déposées en marge de ses livres. Le narrateur découvre une de ses manies originales : il a accumulé des pierres par centaines, polies à la main par ses soins. Des souvenirs d'enfance très drôles illustrent le comportement insaisissable de cet homme secret et de son inattention légendaire, ce qui est paradoxal pour un psychanalyste. D'autres personnages interviennent dans ce texte : une certaine Miss Miller qui a fasciné Jung pour un article qu'elle avait écrit, une femmme fantôme visitant l'appartement et laissant des signes de son passage. D'autres femmes bien vivantes, une femme de ménage péruvienne et sa cousine Paradisa s'emparent de son espace en semant le désordre. Se laissant débordé par toutes ces perturbations, le narrateur sera sauvé par le départ de ces envahisseuses indésirables vers d'autres horizons. Quelles leçons le narrateur peut-il tirer de son enquête sur ce père si absent ? Etre un enfant sans une présence paternelle solide laisse des traces, des traumatismes que le narrateur tente de découvrir. Emanuele Trevi dévoile le passé d'un père d'une grande humanité, distrait et attachant. Le style poétique, fantaisiste de cet écrivain italien ressemble aux pierres polies de son père, des galets cueillis au bord des rivières. Une lecture charmante et originale.