jeudi 5 décembre 2024

Atelier Littérature, Paul Auster, 3

 Avant d'évoquer "Chronique d'hiver", parue en 2012 et lue par Danièle, j'ai relu "L'invention de la solitude", éditée en 1982. Cet ouvrage comprend deux parties : "Portrait d'un homme invisible" et "Le Livre de la mémoire". Paul Auster vient de perdre son père et il écrit un portrait de cet homme invisible, Samuel Auster : "De son vivant déjà, il était absent, et ses proches avaient appris depuis longtemps à accepter cette absence, à y voir une manifestation fondamentale de son être". L'auteur dresse un portrait attachant de ce père si paradoxal et si complexe à ses yeux d'enfant et d'adulte : "Je pensais : mon père est parti. Si je ne fais pas quelque chose, vite, sa vie entière va disparaître avec lui". Il reconstruit la vie de son père à partir des objets qu'il a laissés derrière lui et il s'intéresse au destin de ses grands-parents. Une des clés de compréhension de la personnalité de son père réside dans le passé de son enfance quand sa mère a tué son père qui voulait la quitter pour une femme plus jeune. Cette mère autoritaire et quelque peu déséquilibrée a été acquittée à son procès. Ce lourd passé a certainement traumatisé Samuel Auster. Ce récit autobiographique émouvant se lit plus facilement que le second texte, un essai critique beaucoup plus théorique sur la littérature. Il évoque ses écrivains préférés, des solitaires dans leur chambre comme Hoderlin, Montaigne et même mon écrivain préféré, Pascal Quignard ! Quarante ans après "L'Invention de la solitude", il écrit "Chronique d'hiver" et pose sur sa vie, un regard de sexagénaire dans une méditation sur "la fuite du temps sous l'angle du compagnonnage que tout individu entretient avec son propre corps". Danièle a beaucoup aimé ce récit sincère. L'écrivain se met à distance en se tutoyant et parle de sensations, de jouissance, de souffrance, de l'art de mûrir et de vieillir'. Il revient sur l'histoire de son corps, de ses accidents, de ses maladies. Ce texte autobiographique dépasse évidemment les limites de son corps pour revenir sur sa jeunesse à Paris, sur ses premiers émois amoureux et surtout sur sa femme, Siri Hustvedt. Cet "homme-cicatrice", hanté par le hasard du destin, convoque à nouveau ses parents, son amour du baseball et de l'Europe. Un texte puzzle à lire pour comprendre l'homme Auster qui se confond avec l'écrivain Auster. Les romans de cet écrivain américain ne sont pas toujours faciles à lire mais son univers romanesque montre une imagination fertile et fantaisiste. Ses récits autobiographiques dévoilent un homme attachant, généreux, profond. Un grand écrivain qui aurait évidemment dû recevoir recevoir le Prix Nobel de Littérature !