En cette journée des Droits des femmes du 8 Mars, je ne pense qu'à l'une d'entre elles, celle qui m'a influencée depuis des dizaines d'années. Je veux parler, non pas de Simone de Beauvoir, mais de Virginia Woolf. J'ai écouté sur France Culture une émission sur les cent ans de "Mrs Dalloway", publié en 1925. J'ai lu ce roman à trois reprises pour m'imprégner de l'univers woolfien. Il ne se passe pas grand chose dans ce texte. L'intrigue est inexistente : le personnage féminin raconte sa journée. Elle doit organiser une réception en l'honneur de son mari. Elle reçoit la visite inopinée d'un ancien amoureux, Peter Walsh et leur rencontre provoque un flux de souvenirs et surtout d'interrogations sur sa vie. Un des invités de la soirée mentionne le suicide d'un soldat, Septimus Warren Smith, revenu du front. Il souffre de trouble de stress post-traumatique et de crises hallucinatoires. Clarissa Dalloway est bouleversée par ce choix du suicide. Virginia Woolf analyse à travers ce chef d'oeuvre les vibrations sensuelles de la vie. Les carillons, le printemps, le flux de Londres, les fleurs, la lumière. Les sons, les images, les sentiments, l'écrivaine tente de "sauver cette partie de la vie, la seule précieuse, ce centre, ce ravissement, que les hommes laissent échapper, cette joie prodigieuse qui pourrait être nôtre". Mais, en arrière-plan, rôdent l'inquiétude, l'angoisse et le vertige du suicide. Ce livre culte sur le temps, sur l'amour, sur les relations sociales représente la quintessence de tous les livres de la grande Virginia. J'ai repris mon Folio pour relire quelques passages. J'avais souligné ces lignes sur le personnage de Peter Walsh : "L'avantage de vieillir (...) c'est tout simplement que les passions demeurent aussi vives qu'auparavant, mais qu'on a acquis, finalement, la faculté qui donne à l'existence sa saveur suprême, la faculté de prendre ces expériences et de les faire tourner, lentement, à la lumière". Plus loin, Virginia Woolf écrit : "La vie à elle seule, chaque seconde, chaque goutte de vie, l'instant présent, là, maintenant au soleil, à Regent's Park, cela suffisait". Essayiste féministe, critique littéraire, romancière, cent ans après, Virginia Woolf n'a jamais été aussi moderne dans ses choix de vie : la cause juste des femmes pour leur indépendance dans "Une chambre à soi", la conquète de son "moi" intime dans son "Journal", son invention du flux de conscience dans tous ces romans novateurs. Virginia Woolf, au fond, comme Marcel Proust, symbolisent la Littérature : "La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent, réellement vécue".