Avant de visiter Matera, je me suis arrêtée à Metapunto au bord de la mer Ionienne dans la région du Basilicate. Un temple grec du Ve siècle av. J.-C. se dresse dans un champ isolé qu'aucun touriste ne semble bien connaître. Les quinze colonnes doriques de ce temple donnent une idée de la richesse économique et culturelle de la région dans les siècles avant l'époque romaine. Dédiée à la déesse Héra, il mesure 34 mètres de long sur 34 mètres de large. J'ai appris dans le guide du Routard que Pythagore, le célèbre mathématicien grec, a séjourné dans ce site. La solitude du lieu apporte un supplément d'âme et j'admirais ces colonnes qui ont traversé les siècles. Je ressentais un sentiment d'appartenance à la culture européenne qui prend sa source première dans la Grèce antique. A quelques centaines de mètres de ce temple en bon état, j'ai visité aussi le parc archéologique où demeurent encore quelques ruines de temples sans colonnes, un théâtre et des murets d'habitations. Au loin, une colonie d'aigrettes occupaient le lieu et je les observais avec curiosité. Je partageais avec elles seules ce lieu étrange et abandonné. Le musée attenant était fermé pour travaux de rénovation. Cette étape archéologique m'a permis de voir un site très peu connu. Je voulais surtout voir Matera, cette ville maudite selon Carlo Levi, un écrivain italien dénonçant l'extrême pauvreté des habitants dans le roman, "Le Christ s'est arrêté à Eboli" dans les années 50. Qualifiée de "honte nationale", elle s'est transformée en haut lieu du tourisme mondial. Les habitations troglodytes ne sont plus des maisons insalubres. Dans le passé, ces grottes abritaient dix à douze personnes avec les animaux domestiques. Ces quartiers, les sassi, ont été abandonnés puis réhabilités. 4 000 personnes vivent aujourd'hui dans ces habitats, inscrits dans le patrimoine de l'UNESCO. J'ai déambulé dans ce labyrinthe avec, hélàs, beaucoup, beaucoup de touristes comme moi. La beauté minérale de la ville saute aux yeux. Comme dans toutes les villes italiennes, j'ai visité des églises et le musée archéologique national, Domenico Ridola. Mais, il faut une sacrée santé pour arpenter Matera, composée de collines, de rues en pente, de ruelles, d'escaliers. Heureusement, des belvèdères permettent de tres belles vues sur la ville. Je garderai dans ma mémoire voyageuse des images fortes dont celle des églises rupestres, encastrées dans la roche. Un peintre pointilliste pourrait se saisir de ce paysage urbain, unique au monde.